Le mouroir de Souillac

On en parlait, on s’en doutait et on a enfin obtenu la confirmation de l’horreur. Celle de l’existence d’un mouroir à Souillac, ce lieu où des dialysés étaient censés être soignés et qui ont fini par y laisser la vie dans des conditions atroces. L’hôpital de Souillac transformé en centre de dialyse était, en plein pic d’une deuxième vague de Covid, devenu le tombeau pour 11 patients, décédés par négligence du service hospitalier public.

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Ce rapport tenu secret par l’ancien gouvernement a été rendu public après son dépôt par le ministre de la Santé Anil Baichoo sur la table de l’Assemblée nationale vendredi dernier. Son contenu est tout simplement révoltant. Tout ce que les proches des 11 dialysés cruellement emportés sur la période mars/avril 2021 dénonçaient se sont avérés.

La saga de Tamassa a fini par livrer ses douloureuses réalités. C’est l’histoire d’une négligence criminelle qui a été cachée et qui, jusqu’ici, n’a été suivie d’aucune action. Bien que le rapport soumis au Medical Negligence Standing Committee ait aussi déploré les insuffisances de la prise en charge des patients dialysés atteints de Covid.

Il appartient désormais au nouveau ministre de prendre les mesures appropriées pour que tous ceux impliqués dans cette triste affaire soient confrontés, si ce n’est à la justice mais, au moins, à des sanctions exemplaires. Pour que de tels manquements ne se reproduisent pas.

L’histoire du mouroir de Souillac, oui, mouroir, parce que le mot n’est pas trop fort lorsqu’on sait comment ces patients doublement affectés par les pénibles séances de dialyses et le Covid ont été maltraités et qu’ils ont été 11, une hécatombe, à périr dans des conditions indignes.

Que disent ce rapport et celui du Medical Negligence Standing Committee ? Que ces pauvres morts en série avaient subi un traitement inacceptable lors de leur transfert de l’hôpital de Souillac à l’hôtel Tamassa, transformé en centre de quarantaine pour les patients atteints du Covid.

L’attente en ce 26 mars 2021 aura été longue, éprouvante et fatale pour plusieurs des dialysés. Le départ annoncé pour la matinée ne se fera que tard dans l’après-midi. Et, là aussi, dans des conditions qui ont sans doute aggravé leur état.

C’est dans un minibus de 15 places surchargé, sans distanciation sociale ni aération adéquate, alors même que ces patients vont se rendre au centre de quarantaine, ont effectué le trajet. Certains des passagers avaient été testés positifs, mais il n’y avait pas eu de nouveaux tests avant ce déplacement pour distinguer les positifs des négatifs, ce qui fait qu’ils ont effectué le trajet ensemble sans distinction. Ils n’avaient tous que le masque chirurgical aléatoire pour se protéger du virus.

Ces patients ont été privés de tout. À l’inconfort de la traversée s’est ajouté l’éloignement de leurs plus proches parents. Ils ont eu droit à un repas des plus inappropriés, en tous cas totalement inadaptés à leur condition pathologique, à leur arrivée tard dans la nuit à ce centre de quarantaine de Tamassa qui n’avait aucune logistique pour la prise en charge de ces dialysés. Pas étonnant que l’état de certains d’entre eux allait vite se détériorer. Le pire tant redouté va vite se produire.

Il y a certains cas qui interpellent, comme celui qui a été balloté de Souillac à Tamassa sans obtenir les soins attendus ou d’autres qui ont été ignorés et n’ont pas reçu les soins appropriés à temps, alors même qu’ils présentaient les symptômes du Covid, ou qui ont été livrés à eux-mêmes alors qu’ils étaient manifestement en détresse psychologique.

Les deux rapports, celui du Fact Finding Committee, présidé par l’ancienne juge Devianee Bissoondoyal, et du Medical Negligence Standing Committee, alors présidé par Me Lockraj Nuckchady, vont dans le même sens, celui de graves lacunes dans le traitement des dialysés durant le Covid.

Le FFC, ponctuel, est mort après la conclusion de ses travaux et la soumission de son rapport au ministère de la Santé, tandis que le MNSC semble entré en hibernation après que son président Lockraj Nuckchady a claqué la porte en juillet 2023 dans le sillage des faits établis sur le drame des dialysés et les obstacles rencontrés pour mener à bien sa mission et le trop-plein de vested interests qui l’ont empêché de travailler. Ce n’est qu’en juin dernier qu’il a été remplacé par Sanjiv Seenath. Une année de vide qui a dû profiter à des criminels en uniforme de l’hôpital.

Lockraj Nuckchady, avocat, avait démissionné du MMM en août 2019, se disant insatisfait de la ligne suivie par le parti qui s’apprêtait à briguer seul les élections générales de la même année. Il sera nommé en juin 2020 par le ministre de la Santé du MSM, Kailesh Jagutpal, à la présidence de ce Medical Negligence Standing Committee nouvellement créé.

Il a retrouvé la parole depuis que les rapports ont été publiés vendredi. Tant mieux. On espère qu’il sera tout aussi volubile lorsque ceux qui l’avaient nommé auront à rendre des comptes aux parents des disparus, que ce soit ceux des dialysés ou ceux d’autres victimes, mais aussi à la nation tout entière.

Quant à Kailesh Jagutpal, l’ancien député de Rivière des Anguilles/Souillac et ministre de la Santé responsable de l’hôpital de la région, il n’aura évidemment rien à dire, tout comme son colistier Renganaden Padayachy, dont le même mutisme a été déploré par son allié aux dernières élections générales, Adrien Duval.

Ils ont été tous deux ratiboisés aux dernières élections, mais cela ne saurait suffire. Le tribunal du peuple, implacable, les a sévèrement sanctionnés. Mais il suffit d’aller relire les propos désinvoltes de l’ancien ministre de la Santé à l’Assemblée nationale sur le scandale des décès en série des dialysés pour n’arriver qu’à une seule conclusion : il y a eu de la négligence et des morts, trop nombreux, cela ne peut pas être un tout autre petit chapitre, vite oublié, du roman noir qu’aura été le passage de Pravind Jugnauth et de ses pantins. Le temps de rendre des comptes est amplement arrivé !

 

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