Pour sa deuxième participation à des élections générales, Patrick Belcourt s’est retrouvé en cinquième position, devançant deux candidats du gouvernement sortant. Une performance honorable qui le place également dans le peloton de tête des candidats de Linion Reform, qui se voulait être une troisième force à ces élections. Il dit maintenant se concentrer sur l’avenir de son parti, En Avant Moris et se positionne déjà pour les municipales. Il plaide pour une réforme du système électoral et attire l’attention sur des dossiers prioritaires.
Vous avez terminé à la cinquième place pour votre deuxième participation à des élections. Que ressentez-vous à ce sujet ?
Allons dire que ce sont des sentiments mitigés, puisque nous revenons d’un revirement spectaculaire de la situation politique à Maurice, notamment avec les révélations de Missie Moustass. Mais, mon sentiment profond, c’est que je suis reconnaissant d’abord auprès des 6 373 personnes qui m’ont fait confiance.
Certes, je suis déçu de ne pas pouvoir servir mon pays à l’Assemblée nationale, mais je ne peux ignorer le fait que le nombre d’électeurs de ma circonscription à me faire confiance cette fois constitue le double d’il y a cinq ans. Et, je ne suis pas insensible au fait qu’ils m’ont plébiscité devant deux candidats du gouvernement sortant, dont un vice-Premier ministre. Donc, je dis merci. Je comprends les circonstances exceptionnelles auxquelles la population était confrontée.
Que pensez-vous du score sans appel de 60-0 en faveur de l’Alliance du Changement ?
Je commencerais par féliciter les candidats de cette alliance. Mais ces résultats sont à mettre au crédit des électeurs mauriciens. Il y a trois semaines, la situation politique n’était pas la même : le gouvernement sortant pensait encore pouvoir jouer son bilan.
Puis les révélations de Missie Moustass sont arrivées et cela a changé la donne complètement. En plus des scandales, les révélations de Missie Moustass et le blackout des réseaux sociaux à quelques jours des élections sont venus accentuer le mouvement. Nous savons tous que c’est un vote sanction contre le régime en place. Cela aurait pu être nous, mais les votes se sont reportés sur l’Alliance du Changement avec ses partis traditionnels et Rezistans ek Alternativ, comme élément de nouveauté.
Linion Reform, au sein duquel vous vous êtes présenté, n’a pu émerger comme une troisième force à ces élections. Quelle en est votre analyse ?
Je crois qu’il y a plusieurs niveaux d’analyse, puisqu’il s’agit d’une plateforme composée de plusieurs formations et d’individus. D’abord, la volonté de se réunir était une réponse aux attentes d’une partie de l’électorat.
Pour En Avant Moris, cela a été particulièrement difficile. Face à l’urgence de la situation, il fallait faire des choix et il est clair que les options convenaient à certains mais ne plaisaient pas à d’autres.
Quel sera l’avenir d’En Avant Moris ?
D’abord, nous reprenons notre indépendance par rapport à l’alliance Linion Reform que l’on peut considérer inexistant puisque Bodha, Bhadain et Valayden se mettent en congé longue durée. Ce n’est pas ma conception de la politique : dès le lendemain des élections de 2019, je disais aux électeurs de la circonscription No 19 que j’allais honorer la confiance de ceux qui avaient voté pour moi. C’est ce que j’ai fait et c’est ce qui a favorisé l’émergence d’En Avant Moris.
Quel avenir pour En Avant Moris ?
Le travail pour une opposition extraparlementaire est extrêmement éprouvant. En de nombreuses occasions, il nous a fallu nous prononcer contre les abus d’un gouvernement fort. La situation cette fois est bien plus compliquée : il s’agit de s’opposer à un gouvernement qui dispose d’une majorité absolue et de faire de l’opposition hors du parlement.
Après votre performance, vous serez sans doute courtisé par les grands partis. Qu’en pensez-vous ?
Lesquels ? Soyons réalistes, c’est avant et non après les noces que l’on se courtise. Donc, il n’y a pas lieu d’occuper l’esprit des gens avec de telles spéculations. Nous avons des leçons à tirer de l’épreuve des législatives, nous avons notre parti à préparer dans la perspective des municipales. Voilà à quoi je pense.
Quelle est votre analyse de la campagne électorale qui vient de se terminer ?
Je comprends que la population soit encore dans l’euphorie de sa victoire contre le MSM, mais il lui faudra tôt ou tard réaliser que nous avons un système électoral pervers. Il est pervers parce que tout est réduit à la compétition entre deux blocs. Il y a une polarisation de la vie politique qui prend trop de place dans l’espace médiatique et qui prend toute la place dans l’espace démocratique.
Cette polarisation est encore plus perverse quand elle tend à institutionnaliser l’idée que le Premier ministre devrait être un vaish. Donc, avec tout cela nous nous sommes retrouvés dans une campagne bien particulière, notamment avec un gouvernement qui était prêt à tout pour gagner, jusqu’à oser nous confisquer notre liberté d’expression et la communication avec nos proches à travers le monde.
Nous nous sommes retrouvés avec une campagne où l’opposition parlementaire est tombée dans le piège de la surenchère des prestations sociales. Nous, nous n’étions qu’une opposition extraparlementaire avec peu de moyens. Et, tout au bout, il y avait la population qui n’avait plus qu’un seul objectif : se débarrasser du gouvernement en place.
À votre avis, quelles devraient être les priorités du nouveau gouvernement ?
J’espère que ce gouvernement fera le meilleur usage de sa majorité absolue. Je crois qu’il devrait revoir notre système électoral, afin que nous ne nous retrouvons plus avec ces majorités écrasantes. J’espère qu’il se penchera dans la foulée sur la question du financement des partis politiques.
Un autre dossier prioritaire, c’est comme nous l’avons souhaité dans notre programme, l’institution de deux corps de police distincts. Soit d’une part, la force régulière pour les interventions, assurer l’ordre et garantir la paix publique. Et de l’autre, une police judiciaire qui assure, elle, les enquêtes sous la supervision de juristes, afin de s’assurer du respect des droits des prévenus et aussi pour remettre des dossiers d’instruction permettant au DPP, de déterminer s’il y a effectivement matière à poursuite ou pas.
Donc, deux commissaires, celui de la force régulière répondant au ministre de l’Intérieur, et celui de la police judiciaire répondant au ministre de la Justice. Et il y a aussi urgence à ramener le ministère des Administrations régionales à la vie. Pour centraliser le pouvoir autour du MSM, Anwar Husnoo a asphyxié la démocratie locale. Ensuite, il y a la refonte du système éducatif. À bien considérer, l’éducation gratuite coûte aujourd’hui trop cher aux familles mauriciennes et à l’État.
Quels sont les dossiers urgents à traiter pour Stanley/Rose-Hill, selon vous ?
Je crois que ce serait malséant que je réponde à cela alors que les députés de cette circonscription se sont prononcés sur la question et viennent tout juste d’être plébiscités pour leurs propositions. Par correction, il faudrait que je leur accorde un temps de grâce. Ce qui équivaut aussi à respecter le vœu des électeurs. En ce qui me concerne, je me focalise plus sur la circonscription mais plutôt sur la ville de Beau-Bassin/Rose-Hill dans la perspective des municipales.
Êtes-vous prêt au cas où les municipales sont organisées rapidement ?
Notre manifeste électoral « De l’Abandon à l’Abondance » est toujours d’actualité. En Avant Moris est la seule formation politique à avoir proposé une démarche de développement intégré dans lequel nous avons repensé la mobilité en ville avec les enjeux environnementaux et des économies d’énergie.
En Avant Moris est la seule formation politique à proposer la relance des activités culturelles, en même temps que l’ouverture vers le tourisme. Nous sommes les seuls à proposer l’agriculture en zone urbaine comme solution aux terrains en friche. C’est notre manifeste qui évoque l’intégration sociale des toxicomanes et des travailleurs du sexe par le travail dans des projets communautaires.
Nous avons brisé un tabou et je me réjouis de voir que l’Alliance du Changement essaie de nous suivre dans cette voie. C’est un chemin difficile, qui demande beaucoup de clairvoyance, de courage et de volonté, et c’est ce qui rend la politique noble. Je ne ferais donc pas de politique partisane sur cette question qui est d’intérêt national.
Donc voilà, notre manifeste est prêt. Et après tout ce que nous avons vécu ces derniers mois, je crois que nous aurons des candidats déterminés à s’engager dans la course.
Quel est votre message à votre électorat ?
À l’électorat de Beau-Bassin/Rose-Hill, je dis que le cauchemar du MSM est derrière vous. Maintenant vous pouvez voter pour le projet que vous avez vous-même conçu avec En Avant Moris. Il est temps que notre ville redevienne un pôle d’attraction pour les habitants, pour les touristes et pour les investisseurs.
(Propos recueillis par Géraldine Legrand)