En novembre 2024, Maurice a vécu une révolution silencieuse, menée non pas par la rue, mais par les urnes. L’ère du « depo fix » est finie, car les Mauriciens, souvent perçus comme passifs, ont démontré une maturité politique inédite. Avec un vote massif pour le changement, ils ont exprimé leur volonté de vivre dans une démocratie plus juste et transparente. Cette élection a marqué un tournant décisif : la population n’acceptera plus de promesses sans actions. Les citoyens exigent désormais des réformes concrètes entendent jouer un rôle de vigie, prêt à surveiller chaque pas du gouvernement de l’Alliance du Changement.
« On disait des Mauriciens qu’ils étaient un peuple docile, soumis à la division communale et trop tranquille… Mais nous avons assisté à une forme de révolution politique à Maurice, où le peuple a marqué l’histoire », déclare Ashok Subron, désormais futur député à l’Assemblée nationale. Son analyse sur le pouvoir sous-estimé d’un peuple en colère contre un régime basculant vers l’autocratie pourrait sembler tendancieuse, car Ashok Subron est un farouche opposant à la politique de Pravind Jugnauth et de son entourage. Cependant, force est d’admettre qu’il résume bien un nouveau trait de caractère d’un peuple souvent critiqué pour être trop passif. Derrière ce vote massif pour le changement, derrière ces votes en bloc, se dessinait une rébellion pacifique et un message fort : les Mauriciens ne sont pas des électeurs acquis d’avance. Le temps du « depo fix » est révolu. Maurice a vécu sa révolution du printemps un dimanche d’été en novembre 2024.
La plume plus forte que tout
Le pays a préféré la plume aux affrontements dans la rue, ce qui ne peut que renforcer l’admiration pour une population qui comprend l’importance de son droit civique, le plus fondamental qu’une démocratie puisse lui offrir. D’ailleurs, la contestation dans la rue ne fait pas partie de l’ADN des Mauriciens. La colère exprimée à Port-Louis et à Mahébourg en 2020 par une foule impressionnante, après le douloureux épisode du naufrage du MV Wakashio, témoignait d’un sentiment de ras-le-bol et de désapprobation face à une gestion bancale d’une catastrophe écologique sans précédent. Toutefois, cette manifestation avait émergé à partir de réflexions et d’engagements citoyens.
La marée noire causée par le MV Wakashio a démontré que, lorsqu’un meneur social apolitique parvient à fédérer une population en quête de réponses et d’actions, les Mauriciens sont prêts à descendre dans la rue pour défendre leur pays pour une cause juste. Mais, sans un guide social charismatique, ils ont eu la sagesse de ne pas céder aux appels des pyromanes du dimanche. Ils se sont aussi repliés par crainte de représailles, avant de s’exprimer plus librement peu à peu sur les réseaux sociaux et les radios privées. Alors que la situation politique asphyxiait un pays témoin de l’érosion de la méritocratie, la jeunesse mauricienne n’a pas emprunté la même voie que ses pairs au Bangladesh et au Kenya.
À Dacca et à Nairobi, des jeunes ont sacrifié leur vie pour libérer leur pays des mains de Sheikh Hasina et s’opposer à l’adoption d’un projet de loi financier très controversé, introduit par le gouvernement du président William Ruto, respectivement. Comme leurs aînés, les jeunes mauriciens ont attendu le moment opportun pour sanctionner, avec leur plume, un gouvernement avide d’un troisième mandat, alors même qu’il dirigeait un territoire dans une impopularité qu’il avait sous-estimé depuis 2020…
« Félicitations Navin ! Enn dernie
sans ki ou pe gagne »
« La population a des attentes vis-à-vis du nouveau gouvernement », déclare Véronique Leu-Govind, élue de l’Alliance du Changement, qui prêtera bientôt serment comme députée de la circonscription de Savanne/Rivière-Noire. Les Mauriciens ont effectivement des attentes et les ont exprimées, une fois de plus, sur les réseaux sociaux et les ondes des radios privées au lendemain du 60-0 en faveur de l’Alliance du Changement. Si, pendant deux jours — lundi et mardi derniers —, l’heure était aux célébrations et à la digestion de ces 60-0 historiques, les Mauriciens ont ensuite recentré leur attention sur la transition entre l’ancien et le nouveau régime. Les commentaires en attestent : « Faites un bon travail. Ne décevez pas le peuple ! », « Félicitations Dr. Navin ! Gardez la confiance que le peuple vous a faite malgré vos erreurs du passé. Se enn dernie sans ki ou pe gagne ou bizin konn servi li, 60-0 se enn gran viktwar »…
La population observe avec un intérêt soutenu les nominations, les départs de ceux qui étaient à la tête des institutions et l’arrivée de leurs remplaçants. Les Mauriciens, plus que jamais, n’hésitent pas à exprimer leurs opinions librement et promettent de rester vigilants. Ce désir de vivre dans une véritable démocratie, où la transparence et la responsabilité des dirigeants sont des impératifs, s’est renforcé au fil des années.
« Gérer avec humilité »
Lorsque nous avons interrogé Ajay Gunness, l’un des dirigeants du MMM et élu de la circonscription de Curepipe/Midlands, sur le fait que les Mauriciens comptaient surveiller attentivement chaque pas du nouveau gouvernement, il nous a répondu : « La population a mûri et n’apprécie pas l’arrogance du pouvoir. Nous aurons à gérer les affaires du pays avec humilité. »
Il y a dix ans, l’arrogance avait coûté cher à Navin Ramgoolam, éjecté du pouvoir par un électorat lassé par les excès. Son retour sur la scène politique s’est fait avec des excuses sincères, teintées d’humilité. Cette leçon du passé est encore vivace dans l’esprit des Mauriciens, qui ont compris l’importance de la liberté d’expression comme pierre angulaire de la démocratie.
Aujourd’hui, tous ceux qui prêteront bientôt serment pour servir le pays doivent garder en tête que les yeux des électeurs, qui les ont portés au pouvoir, resteront braqués sur eux. Les citoyens n’acceptent plus d’être relégués au second plan. Ils veulent que leurs voix soient entendues et que leurs droits soient respectés. Désormais, ils exigent une gouvernance responsable, transparente et respectueuse des principes démocratiques.
Liberté
Les Mauriciens ont envoyé un message clair et sans équivoque lors des dernières élections : ils ne toléreront plus les promesses non tenues et les réformes laissées en suspens. Si les nouveaux dirigeants veulent conserver la confiance du peuple, ils devront agir rapidement pour concrétiser des engagements pris. Parmi lesquels figure l’adoption du Right to Recall, un droit qui permettra aux citoyens de révoquer les députés qui manquent à leurs responsabilités.
Les Mauriciens, qui ont mûri politiquement, ont démontré qu’ils aspirent à une nation arc-en-ciel unie, et que la réforme électorale, maintes fois évoquée mais jamais concrétisée, en est une condition essentielle. Ils souhaitent un système plus représentatif qui ne laisse personne de côté et qui mette fin au Best Loser System, un mécanisme révolu et empreint de comunalisme.
La population a également compris, plus que jamais, l’importance d’une Freedom of Information Act et insiste pour que cette loi devienne enfin une réalité. Si le pays respire aujourd’hui un vent de changement, les Mauriciens ne sont pas prêts à se faire voler leur oxygène : la liberté.
Changement oui, mais… : Un mandat sous la surveillance de lepep admirab
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