Les Mauriciens ont traversé ces élections générales de 2024 la tête haute. Ils ont montré encore une fois qu’ils méritent amplement le qualificatif de « peuple admirable ». De fait, une des plus grandes craintes qui prévalait avant ce scrutin historique était, tenant compte de la perception que la joute allait être serrée, que la campagne électorale ainsi que le jour des élections risquaient d’être secoués par des tensions. Les événements ont apporté un démenti magistral aux plus pessimistes, voire aux complotistes de tous bords. Les électeurs, au nombre de 800 000, se sont déplacés paisiblement, silencieusement, en famille dans de nombreux cas, pour se rendre directement aux bureaux de vote pour accomplir leur devoir civique. Même les tables des partis politiques, installées à 200 mètres des bureaux de vote et dans les points stratégiques des circonscriptions – destinées à canevasser et à mobiliser les électeurs –, ont à peine été utilisées. Signe des temps qui annonce probablement leur disparition future. Seules les bases traditionnelles étaient animées la veille et dans la soirée, le jour des élections.
On a vu quelques embouteillages dans certaines régions où l’on voulait à tout prix assurer la protection des urnes lors de leur acheminement dans les centres de dépouillement. Aucun incident n’a été enregistré également le jour du dépouillement. La surprise est venue non seulement du taux élevé de participation, qui a dépassé 80% dans la majorité des circonscriptions, mais aussi de l’acceptation de manière démocratique de la défaite bien avant la proclamation des résultats. Certains candidats de l’Alliance Lepep l’ont reconnue à peine les premiers bulletins dépouillés dans les salles des centres respectifs. L’ex-Premier ministre l’a fait presque en début d’après-midi. Le plus surprenant est que la célébration de la victoire de l’Alliance du Changement a pris la forme d’une gigantesque fête nationale, les candidats victorieux brandissant le drapeau mauricien alors que l’assistance entonnait l’hymne national.
Ces élections ont permis de faire émerger ce qu’il y a de meilleur chez le Mauricien, la chose la plus belle : le mauricianisme. Il s’agit d’une identité multiple et indivisible qui est le produit de l’histoire, des difficultés communes qu’ont connues nos ancêtres. « C’est une leçon pour démontrer que la population est en avance sur nous, les politiciens », affirme Navin Ramgoolam. Paul Bérenger et lui parleront de la victoire de la jeunesse.
Le déroulement des élections n’a pas laissé insensibles les observateurs étrangers. « Je suis très impressionné par l’attachement du peuple mauricien à la démocratie », lance le chef de la délégation de la francophonie. Nicolae Popescu, ancien vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères de Moldavie. « Je tiens à saisir cette occasion pour féliciter le peuple mauricien pour son comportement pacifique, qui a grandement contribué à créer un environnement électoral favorable », affirme pour sa part le président de la mission de la SADC, Mohamed Othman Chande.
Pour le gouvernement sortant, l’heure de l’autocritique est arrivée. Il doit reconnaître l’effet néfaste de son style de gouvernance centré sur la personne du Premier ministre, qui lui-même a été barricadé et caserné par les thuriféraires du pouvoir dans leur intérêt personnel et des “spin doctors” qui l’ont isolé des Mauriciens et des médias, considérés à tort comme l’ennemi principal. Ils doivent reconnaître que le Speaker, la MBC, l’opacité dans la gestion des affaires et l’arrogance de tous ceux qui détenaient une bribe de pouvoir ont conduit le gouvernement à sa perte. Aujourd’hui, on se rend compte qu’on peut construire les plus belles infrastructures publiques, les plus beaux ponts, introduire le métro léger, construire les plus beaux hôpitaux, faire des largesses en distribuant des allocations et des promesses, mais que s’il manque la démocratie, la transparence, la liberté d’expression, l’équité dans l’allocation des contrats, le respect de ses propres agents (Kistnen), ou encore la confiance de la population, tout cela ne sert à rien.
On ne peut pas terminer sans féliciter Irfan Rahman, commissaire électoral, et Mme Sauzier, présidente de l’ESC, pour avoir organisé les élections de main de maître.
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