Developma, ki ete sa ?

Demain amorcera un nouveau tournant pour le pays. Pour autant, quel que soit le verdict des urnes, ne vous attendez pas à un changement radical. Certes, les programmes diffèrent, tout autant que les prétendants voulant prendre le gouvernail des affaires du pays, mais fondamentalement, le leitmotiv reste le même : faire croître les richesses et poursuivre notre route sur le chemin du développement. Encore faut-il évidemment s’entendre sur la notion même de « développement ». Ainsi, dans le sens littéral du terme, le mot renvoie au fait de grandir et de croître, et dans le cas de nos sociétés libérales, donc, de prospérer. En d’autres mots, lorsqu’un homme politique vous promet le développement, il vous parle avant tout de croissance économique.
Or, pour obtenir cette croissance, l’on doit non seulement maintenir le système en place, mais surtout s’assurer qu’il s’inscrive dans un mouvement d’accélération constant. Ce qui implique que l’on produise et que l’on consomme toujours davantage, car l’on touche ici au moteur même de la croissance. Pour y arriver, et dans le contexte de notre modèle, il n’y a pas 36 options : l’on doit à la fois poursuivre l’extraction de nos ressources, mais aussi constamment revoir à la hausse nos moyens de production. Tout cela en améliorant, pour bien faire, le quotidien des citoyens, et ce, afin de s’assurer qu’ils continuent de soutenir et de nourrir le système.
Cependant, là aussi la notion de « développement » peut épouser plusieurs formes, dépendant des politiques mises en place, mais aussi de notre localisation, et donc de notre accès aux ressources; il coule en effet de source que les besoins sont différents que l’on soit Français, Mauricien, Ukrainien ou Bangladais. Ainsi, pour en revenir à notre cas, puisque les élections sont pour demain, les priorités en termes de développement devraient logiquement être l’accès permanent à l’eau potable, la mise en place d’actions menant à l’autosuffisance alimentaire ainsi que la préservation de notre écosystème. Items qui, s’ils apparaissent dans les manifestes présentés par les différents regroupements politiques, occupent malgré tout des places relativement anecdotiques. Sans aucune certitude en outre qu’ils soient mis en pratique une fois reprises les rênes du pouvoir.
À l’inverse, les développements infrastructurels figurent toujours en haut de liste. À l’instar du gouvernement sortant, qui annonce déjà fièrement, par l’entremise de Pravind Jugnauth, vouloir poursuivre avec le développement routier – et par extension du réseau de métro –, que ce soit vers le sud, vers l’ouest ou vers l’est. Ce qui, en l’état, est une fois encore de très loin la priorité No 1 des Mauriciens, dont les robinets ne coulent déjà plus depuis plusieurs semaines dans certaines régions. De même, comment peut-on parler de « développement » lorsque consommer local revient plus cher que de remplir nos caddies de produits importés ?
Certes, à ce modèle de développement nous opposons aujourd’hui celui du « développement durable ». Mais dans les faits, celui-ci a-t-il une réalité tangible ? Car s’il entend replacer au cœur de notre modèle de nouvelles priorités en s’attaquant à trois piliers (social, économique et environnemental), ce système n’en reste pas moins profondément ancré à la croissance, avec pour effet de freiner son adoption et, de facto, son déploiement dans le sens large du terme. En d’autres mots, en restant attaché à notre modèle économique, le développement durable se retrouve dénaturé de son sens profond, et ne devient dès lors plus qu’un banal slogan politique.
En moins de deux siècles, le développement nous aura certes permis de faire de formidables avancées, que ce soit en matière technologique ou au niveau de la santé publique, pour ne prendre que ces deux items, avec pour effet d’avoir sensiblement allongé l’espérance de vie (dans les pays développés du moins). Mais n’oublions pas que dans le même laps de temps, il aura aussi permis l’émergence d’une masse de nouveaux problèmes anthropiques, entre autres au niveau environnemental (déforestation, pollution, changement climatique, désertification, extinction d’espèces…). D’où l’importance de revoir la place du développement dans nos sociétés, de même que sa définition d’ailleurs. L’enjeu, ici, n’a plus rien à voir avec la politique, mais est devenu une simple question de survie.

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Michel Jourdan

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