Le Guide - Législatives 2024

Me Antoine Domingue, SC :« La loi ne permet pas à l’ICTA d’ordonner la suspension temporaire des réseaux sociaux ! »

« Tout utilisateur qui a été lésé serait fondé à se pourvoir en justice pour réclamer réparation auprès de l’État et de l’ICTA »

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Nous avons demandé à Maître Antoine Domingue, Senior Counsel, son opinion légale sur la suspension temporaire des réseaux sociaux par l’Information and Communication Technology Agency (ICTA), sur demande du gouvernement, vendredi dernier.

« Ayant été l’Acting Chairman de la Mauritius Telecommunications Authority (MTA), le prédécesseur de l’ICTA, et ayant étudié la question je conclus que la sous-section 18 (1) (a) de l’Information and Communication Technologies Act de 2001 dont le Secrétaire du Cabinet s’est prévalu en pleine nuit (et par courriel) pour émettre une directive gouvernementale à l’ICTA lui enjoignant d’adresser une directive (également par courriel) à tous les Internet Service Providers (ISPs) leur ordonnant de suspendre temporairement tous les réseaux sociaux jusqu’au 11 novembre 2024, outrepasse cette disposition de la loi. Elle est, donc, nulle et non avenue vu que cette injonction du Secrétaire du Cabinet était « ultra vires the Act » et « did not come within the scope of the Act ».
En effet, la section 18 (1) (a) de la loi se borne à définir l’une des fonctions de l’ICTA. Elle ne confère aucun pouvoir de directive au Secrétaire du Cabinet. ‘18. Functions of the Authority (1) The Authority shall – (a) implement the policy of government relating to the information and communication industry’
Comme on peut le voir à la lecture de ce texte, cette disposition n’autorise pas le Secrétaire du Cabinet d’adresser une directive ou une injonction de suspension temporaire des réseaux sociaux à l’ICTA, qui est une autorité indépendante de régulation de l’État, donc indépendante de l’Exécutif.
L’implémentation de la politique gouvernementale n’a, donc, rien à voir avec une telle injonction de suspension des réseaux sociaux. Une telle directive est incompatible avec l’esprit et la lettre de cette législation c’est-à-dire ‘the policy of the Act’.
Deuxièmement, je conclus également que la directive de l’ICTA adressée aux ISP’s en vertu des dispositions de la section 18 (1) (m) a outrepassé les dispositions de cette loi : ‘(m) take steps to regulate or curtail the harmful and illegal content on the Internet and other information and communication services’
Le texte de loi ne permet pas à l’ICTA d’ordonner la suspension temporaire des réseaux sociaux dans leur ensemble, mais uniquement de réguler ou de faire supprimer tout « contenu dangereux ou illégal », et non pas de faire suspendre les réseaux sociaux dans leur ensemble.
I therefore opine that tout utilisateur qui a été lésé serait fondé à se pourvoir en justice pour réclamer réparation auprès de l’État et de l’ICTA. »

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