Contre-pensées en amont d’une élection

Mukta Dweepavasi 

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En démocratie représentative en voie de bananiérisation, la politique se réduit souvent à rien d’autre que la tentative et le succès de groupes différents et antagonistes, partis ou coalitions de partis, de s’emparer des institutions, des ressources et du pouvoir de l’État par des moyens légaux, en participant aux élections.

Les partis politiques ainsi élus se voient investis de la représentation du peuple et toutes leurs actions portent le sceau de la légitimité du peuple. En théorie.

Car tout cela présuppose que le peuple participe activement et sciemment au processus électoral, c’est-à-dire à l’exercice du choix de ses représentants.

Le pari, du point de vue des partis politiques, est alors de savoir comment « activer » suffisamment d’électeurs pour gagner une partie de la représentation, tout en essayant de convaincre la partie ciblée de l’électorat qu’elle va bénéficier de sa participation active à travers la sélection des « bons » candidats dans les diverses circonscriptions. Pour les partis traditionnels, il s’agit avant tout d’activer leurs « dépôts fixes » électoraux.

La question aujourd’hui c’est de savoir ce qui va activer l’électeur à aller voter le jour du scrutin le 10 novembre. Est-ce que les électeurs se résigneront à n’être que des dépôts fixes de partis qui se partagent le pouvoir depuis l’indépendance sinon avant ?  Quels sont les motifs des mobilisations de l’électorat mauricien en 2024 ?

De part et d’autre de l’offre dynastique des blocs majoritaires, nous voyons des promesses qui ne semblent pas, dans leur ensemble, tenir compte de la réalité déficitaire et inflationniste de nos finances et de notre économie.

Un des blocs offre la continuité, l’autre l’alternance, et ce depuis au moins 1976. La tendance bipolaire du système politique mauricien repose sur cette antithèse continuité/alternance à l’aune des transmigrations et des recompositions qui vont se jouer jusqu’à la veille sinon le matin du dépôt des candidatures.

C’est sur le rocher de cette antithèse que des partis, dont, pour certains le premier souffle était porteur d’espoir pour la masse du peuple, se sont échoués moralement depuis bientôt plus de 40 ans.

Au gouvernement comme dans l’opposition parlementaire, l’élément héréditaire, le tribalisme des demi-couteaux du ban, et la courtisanerie des sycophantes d’arrière-ban ensemble conspirent toujours à l’exclusion des aspirations légitimes de la compétence et de l’intelligence.

Si ces dix dernières années l’opposition parlementaire a été réduite à des grimaces, des vaudevilles et des vociférations indignes et sans aucun effet sur la direction de la politique gouvernementale, c’est bien parce qu’elle est figée dans un temps révolu avec un effectif dépassé, incapable de se hisser à la hauteur de vue que demandent l’époque et le bien commun de la nation.

Nous avons été ces dix dernières années les témoins d’une dégénérescence visible d’une opposition qui ne sait pas et ne veut pas se renouveler, qui ne sait pas faire de la place à la compétence dans ses rangs. Au contraire, les tribuns dépassés croient faire œuvre d’opposition parlementaire en ressassant inlassablement des refrains et des quolibets provenant d’un folklore politique douteux, qui n’amuse guère plus que leurs courtisans. Ou en faisant l’aumône à un parti, qui proposait jusqu’à récemment une alternative radicale, et qui ne résiste plus qu’aux vents de ses propres contradictions. Leçon politique : On se trahit d’abord soi-même, avant de trahir les autres.

C’est cette opposition, ces tribuns qui ne savent pas laisser la place à des femmes et des hommes capables et talentueux, qui ont laissé un large boulevard aux partis du pouvoir de parachever l’accaparement de l’état.

Ce sont eux qui font empirer la tendance bipolaire du système en réduisant tout à la soumission aux appareils de leurs partis, et, de là, à des influences et intérêts occultes.

Et c’est cette opposition d’hier, impuissante à relever les défis posés à la démocratie mauricienne, qui promet de relever le pays et de renouveler la démocratie ?

On peut toujours espérer, mais l’espoir n’est pas une vertu politique.

Qui ira relever la couronne de laurier de la démocratie mauricienne gisant dans les égouts des fins de race ? Ceux qui l’y ont jetée ?

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