À l’abri

Le cardinal se réfugie sur une branche de badamier pour se mettre à l’abri de la pluie. Le beau temps n’est pas au rendez-vous et la température se rafraîchit considérablement. La pluie a trempé les ailes de l’oiseau et ses plumes légèrement mouillées collent sur son corps frêle et lui donnent un air misérable. Il est comme une âme en peine et sa tête tourne de gauche à droite, sans arrêt, de manière furtive. De larges feuilles se balancent au-dessus de lui et font office de parapluie. Comme un guetteur, l’oiseau est à l’affût de tout éclaircissement dans le ciel. Il n’attend qu’une chose : de reprendre son envol.

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Un peu plus tard, un couple se promène sur la plage. Les deux se retournent, de temps en temps, pour regarder leurs traces de pas laissées sur le sable trempé et ils s’amusent à marcher tous les deux au même rythme. Au même pas, dirons-nous ! Puis, l’homme s’appuie contre un bateau échoué sur le sable et tire sa bien-aimée vers lui. Ils admirent la mer avec des yeux rêveurs et langoureux, le regard fixé vers l’horizon. Emy se love paisiblement dans les bras de Valentin. Les bras de ce dernier l’entourent et elle y trouve un refuge chaleureux. C’est un cocon fait de tendresse, où elle sent les battements de son cœur s’unir à ceux de son amoureux, et cela résonne comme une promesse. Elle se blottit contre lui, le temps s’arrête, et l’inquiétude s’évanouit. C’est un instant volé à la frénésie du monde, un moment de plénitude où elle se sent entière. En sécurité, elle est prête à affronter la vie. Valentin, lui, est rassuré de la savoir à ses côtés. Il imagine des projets avec elle et se voit déjà avec un toit au-dessus de leur tête. Face à la mer, il n’a peur de rien et se projette avec assurance. Il passe sa main dans les longs cheveux bruns de la demoiselle.

Ailleurs, sous un toit, la famille David s’amuse et rigole. Enveloppés dans une sécurité réconfortante, les enfants se réjouissent de l’entente qui règne entre leurs parents. Le monde extérieur, avec son agitation, semble si lointain. Ici, dans cette bulle de protection, les enfants respirent et laissent leur imagination vagabonder. Ils sont libres, heureux, et aucun souci ne traverse leurs esprits. Les murs retiennent les échos du quotidien et ils sont inconscients, à leur âge, des horreurs qui se multiplient à l’extérieur. Anita laisse éclater un rire communicatif et la maisonnée vibre de nombreux rires successifs.

Je pense à ces différentes possibilités de se sentir à l’abri. À cet instant précis, l’ombre recouvre ma peau et me protège des regards indiscrets. Réfugiée en moi, je suis à l’abri, et en éveil, consciente de la beauté simple qui m’enveloppe. La lumière filtre à travers les voiles qui, elles, flottent avec le vent. Les reflets du soleil scintillent sur la mer argentée, créant des motifs dansants qui rappellent la fragilité et la force de chaque vie. Être ici, c’est se sentir vivant, entouré, aimé. Chaque seconde est une éternité, un trésor à chérir, un souffle d’espoir dans la douceur de l’abri. Mais ailleurs, nous ne sommes pas toujours à l’abri ; cet ailleurs peut être synonyme de chaos et de désordre.

Dehors, la vulnérabilité est omniprésente. La nature, bien que merveilleuse, ne pardonne jamais et ne nous protège pas toujours. Dehors, la loi de la jungle fait frémir et ne nous rate pas. Tous les coups sont permis.

La ruse, la vigilance et la prudence font maintenant force de loi. Nous ne pouvons pas sortir en totale insouciance dans ce monde de rapaces où l’injustice a une bonne place. De plus, les valeurs semblent disparaître au profit de l’immoralité, sans aucun remords.

Les bras, habituellement faits pour rassurer, peuvent être utilisés pour affaiblir et pour rabaisser. D’abri pour femmes et enfants, ce cocon humain peut devenir le lieu d’enfouissement et d’étouffement.

La main, faite pour être tendue et pour protéger, peut blesser, anéantir. De tendresse et de protection, elle peut devenir outil de violence. Là où les battements de cœur pourraient s’unir, les coups fusionnent alors et le désaveu désillusionne.

L’image du toit familial, lieu de sécurité et de refuge réconfortant et chaleureux, peut, elle, se teinter de gris et de noir lorsqu’une famille vit dans les bagarres et les humiliations. Ce toit devient alors précisément un lieu d’insécurité, de déchirement, de peur et de larmes que l’on veut fuir. Les murs de la maison ne sont plus que ceux d’une prison, de laquelle les victimes voudraient s’évader.

Et loin, bien plus loin, des peuples se réfugient dans des abris de fortune pour se sauver des décombres des bombes et des missiles. Sous les gravats, la lutte pour la survie est omniprésente et la peur colle à la peau. Là aussi, il faut trouver un abri pour faire face aux intempéries et à la rage destructrice humaine.

La dichotomie entre ces abris est saisissante : l’un est un cocon d’amour ou une protection, l’autre un abri de fortune, un lieu de frayeur ou de destruction. Là où l’on s’enveloppe de douceur, d’autres se débattent pour se défaire avec angoisse et incertitude. Ici, on se réfugie paisiblement, là-bas c’est de manière orageuse et tourmentée. Ici encore, c’est une promesse de sécurité. Tandis qu’ailleurs, c’est le spectre de la fragilité et de l’horreur..

Même au milieu du chaos, il existe un désir ardent de protection, une quête désespérée de réconfort, un besoin de se sentir à l’abri.

C’est pour cela qu’il est primordial de se construire un abri en soi. Afin que, quelle que soit la situation, les événements et les catastrophes, il y ait cette part en soi, solide, ancrée, sécurisée et invulnérable. Cette partie recouverte d’une force, nous dirons même d’une ombre incommensurable.

Cherchons cet espace paisible où l’on peut respirer, rêver et espérer, même lorsque les circonstances semblent désespérées. Et rappelons-nous que chaque abri, qu’il soit de tendresse ou de ruines, raconte une histoire. La nôtre.

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