Quand Navin rencontre Sherry…

Pendant de longues années, Sherry Singh a été un des intimes de Pravind Jugnauth. Il formait avec lui un couple tellement fusionnel qu’on disait d’eux qu’ils étaient comme « kansonn ek simiz ». On disait même de Sherry qu’il était le « jigri dosh » de Pravind. Pendant longtemps, Sherry Singh a été une des têtes pensantes du MSM, un des fondateurs de la kwizinn et le concepteur de toutes les stratégies du parti du soleil contre ses adversaires. Des stratégies faites pour les blesser, les affaiblir et les anéantir, en employant toutes sortes de méthodes. Il ne serait pas étonnant que Sherry Singh ait fait partie de ceux qui avaient envoyé la MBC aux Casernes Centrales filmer le transfert musclé de Navin Ramgoolam, suite à son arrestation dans l’affaire des coffres-forts. Par la suite et pendant longtemps, tout en dirigeant Mauritius Telecom et Air Mauritius, Sherry Singh fut le principal conseiller de Pravind Jugnauth, devenu Premier ministre suite à la démission – que l’on dit aujourd’hui forcée – de son père. Les militants du MSM le disent : tous les coups fourrés de la campagne électorale contre leurs adversaires politiques ont été soit ordonnés, soit soutenus par Sherry Singh. À la longue, il avait tellement de pouvoir que ça lui est monté à la tête au point de se découvrir et de proclamer des ancêtres maharajah. Il était devenu tellement fort qu’il a commencé à faire de l’ombre à celui qu’il était censé servir. Ce dernier, suivant les avis d’autres advisers, a commencé à ne plus le regarder comme un « jigri dost », mais comme un adversaire en puissance susceptible de prendre sa place. Pour remonter dans l’histoire du MSM, comme un vizir visant la place du calife. En comme en politique, le pouvoir ne se partage pas, et que les amitiés éternelles ne durent que le temps d’une promesse électorale, vint le temps de la rupture.
Elle fut sanglante et ne s’est pas encore achevé. Le frère de la veille fut désigné comme l’ennemi numéro un d’aujourd’hui et révoqué comme un malpropre. Une enquête fut commanditée pour faire la liste de toutes les malversations dont il était accusé, des accusations lancées, des séjours au cachot organisés, des visites de domicile effectuées. Sherry Singh, qui n’était pas encore entré dans sa phrase de copain de la presse, essaya même par voie légale d’interdire aux journaux de publier les photographies de sa somptueuse demeure. À cette période, il passe de sales quarts d’heure car il n’y a rien de pire que la vengeance d’un ex-ami pour l’éternité. Surtout si cet ex-ami est un Premier ministre qui détient beaucoup de pouvoirs. Pour se défendre et essayer de se refaire un virginité, Sherry Singh sortit alors de son chapeau l’histoire du piratage de équipements de MT pour mettre les Mauriciens sur écoute. Une histoire dont il n’a jamais donné les détails, comme toutes les autres, sur son ex-ami et qu’il promet de révéler au moment propice. Est-ce que ce moment serait arrivé, vendredi dernier, à sa rencontre avec Navin Ramgoolam ? Une rencontre entre un ex-bourreau et sa victime, si l’on se réfère aux positions occupées par l’un et l’autre depuis 2014. Je ne sais pas si le moment propice était arrivé, mais je trouve que tout ce qui l’a entouré ressemble à un coup de com bien orchestré. La presse était prévenue de la rencontre tout à fait improbable, et ce sont devant ses micros et caméras que le leader du PTr a souhaité la bienvenue à l’ex-homme fort de Pravind Jugnauth. Pour le remercier et afficher sa toute nouvelle loyauté, Sherry Singh a lancé une attaque à l’intention de Pravind Jugnauth, et de son coffre- fort !
Ceux pour qui l’objectif du moment est de remporter les prochaines élections, en utilisant n’importe quel moyen, qualifieront de coup de génie politique la rencontre entre Navin Ramgoolam et Sherry Singh. Ceux-là ne doivent vivre que dans l’attente du buzz, du coup médiatique qui va faire parler en allant jusqu’à les organiser. Il est probable qu’ils aient organisé le rendez-vous de vendredi à la rue Desforges. Mais il y a d’autres pour qui les mots ont un sens et les principes doivent être respectés. Ceux-là doivent commencer à se demander si la rencontre de vendredi était une illustration du changement et de la rupture avec les pratiques du passé annoncées comme devant être le fondement de l’Alliance du Changement ? D’autres plus cyniques – ou plus réalistes – disent what next dans le calendrier des rendez-vous médiatiques de Navin Ramgoolam ? Est-ce que le marchand de merveilles serait, lui aussi, sur la liste des personnes indispensables à rencontrer pour remporter les élections ?

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Jean-Claude Antoine

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