Le centre américain de recherche Stimson a publié, ce mois-ci, un rapport sur les risques climatiques auxquels Maurice doit faire face. Disponible en ligne, le CORVI : Assessing Priority Climate Risks in Mauritius tire la sonnette d’alarme sur plusieurs facteurs de risque, dont l’inquiétante élévation du niveau de la mer, d’environ 8 mm par an. L’évaluation de Climate and Ocean Risk Vulnerability Index (CORVI) réalisée par Stimson Center, Commonwealth Blue Charter et le ministère mauricien de l’Économie bleue a aussi identifié trois domaines majeurs de risques climatiques et de vulnérabilité : les menaces cumulées dans la zone côtière, l’économie basée sur le tourisme et le secteur de la pêche.
« Projected change in sea level rise (high risk, score of 9.5) is the indicator with the highest risk score of the entire risk profile », indique le rapport. Entre 1987 et 2000, le niveau de la mer à Maurice a augmenté en moyenne de 5,6 millimètres par an, soit 65% plus vite que la moyenne mondiale de 3,4 mm/an. De 2011 à 2020, il est démontré que le niveau de la mer a augmenté de 8 mm par an d’après les jauges de Port-Louis. Selon Stimson Centre, l’élévation du niveau de la mer peut entraîner des intrusions d’eau salée et la contamination des aquifères (ndlr : Formation géologique contenant de façon temporaire ou permanente de l’eau et constituée de roches perméables), comme en témoigne le degré d’intrusion d’eau salée dans les aquifères côtiers et l’île Maurice s’appuyant sur les eaux souterraines comme principale source d’eau, elle tire 50 à 60% de son approvisionnement en eau domestique de l’aquifère du Nord.
Les effets de l’élévation du niveau de la mer sont encore exacerbés par la perte de couverture des écosystèmes côtiers protecteurs, tels que les mangroves. Le rapport souligne aussi que le rythme accéléré et la durée de l’inondation par l’eau salée dépassent les niveaux de tolérance des racines des mangroves. Il indique que cette augmentation de la salinité peut entraîner des changements dans la composition des espèces, mais aussi la mortalité des mangroves, ce qui entraînera une réduction des avantages écosystémiques importants pour les communautés côtières. Les mangroves aident à stabiliser les côtes, luttant ainsi contre l’érosion côtière et atténuant les effets de l’élévation du niveau de la mer. Entre 1987 et 1994, l’île Maurice a perdu 30% de sa couverture de mangroves, principalement en raison de l’exploitation forestière illégale pour la construction et le bois de chauffage, ainsi que pour dégager des passages pour les bateaux.
L’élévation du niveau de la mer peut également avoir un impact négatif sur la santé des récifs coralliens. Les 300 km2 de récifs coralliens de Maurice jouent plusieurs rôles importants pour l’île : ils protègent les communautés côtières contre les ondes de tempête et les vagues, servent de nurseries pour la pêche et attirent les touristes. Cependant, l’augmentation de la sédimentation côtière due à l’érosion étouffe les récifs, tandis que l’augmentation de la turbidité de l’océan bloque la lumière du soleil nécessaire à la photosynthèse, en particulier après de fortes pluies et des inondations soudaines. Ces impacts sont aggravés par l’augmentation de la température des océans et les vagues de chaleur marine, qui blanchissent les coraux, et se reflètent dans le changement de la température de la surface de la mer.
Quant au taux d’érosion côtière, elle a conduit à l’érosion de 13 kilomètres du littoral mauricien entre 1967 et 2012, ce qui représente 17% du littoral total. L’une des principales causes de l’érosion côtière est l’accumulation de structures dures sur la côte. Avec 90% des hôtels de l’île Maurice situés en bord de mer, les coraux apportent des avantages économiques essentiels à la communauté en attirant les touristes. Par ailleurs, le pourcentage de l’économie nationale basé sur l’industrie du tourisme est le 6ème indicateur de vulnérabilité le plus élevé de l’évaluation. Le rapport indique que ces mêmes plages ont perdu plus de 10 mètres de largeur au cours de la dernière décennie en raison de la montée des eaux et de l’érosion côtière.
Le 3ème groupe de risques et de vulnérabilités concerne le secteur de la pêche à Maurice. Le poisson et les produits de la pêche représentent environ 15 à 19% des exportations du pays, et le gouvernement a identifié le secteur comme un objectif de croissance. En outre, 4,000 ménages situés sur ou près de la côte dépendent de la pêche artisanale côtière et hauturière et y voient une source importante de protéines. Les personnes interrogées ont identifié l’état des stocks de poissons près de la côte et le pourcentage des pêcheries gérées de manière durable comme étant des risques moyennement élevés.
Le réchauffement des températures océaniques, y compris les vagues de chaleur marine, peut entraîner une réduction des populations de poissons et/ou les pousser vers des latitudes plus élevées en dehors de la Zone économique exclusive (ZEE) de Maurice. Plus de 80% des pêcheurs artisanaux de Maurice ont signalé une réduction de la quantité et de la diversité des poissons au cours des 10 à 15 dernières années. Cette perte de biomasse halieutique menace la sécurité économique et alimentaire de Maurice, en particulier pour ses populations les plus vulnérables.
À cet effet, trois domaines d’action prioritaires ont été identifiés pour renforcer la résilience climatique à Maurice par le Stimson Centre. Il demande d’élaborer et de mettre en œuvre un Sustainable and Inclusive Coastal Zone Management Plan. En s’appuyant sur le 2020-2030 Environment Master Plan, il est recommandé d’ajouter un nouveau plan de gestion durable et inclusive de la zone côtière, et cela comporte, entre autres, l’intégration des infrastructures vertes de gestion des eaux pluviales – telles que des zones humides intérieures, des biorécipients, des parcs et des revêtements perméables – dans le Land Drainage Master Plan de 2022, afin d’améliorer la rétention et la filtration de l’eau, ainsi que la reconstitution des aquifères.
Il est également demandé de renforcer la surveillance des niveaux des eaux souterraines, et d’identifier les zones à haut risque d’intrusion d’eau salée et mettre en place un cadre souple de réglementation de l’utilisation de l’eau qui tienne compte des précipitations et des niveaux des eaux souterraines. Quant au secteur tourtsitique, Stimson Centre préconise l’élaboration d’un plan d’adaptation au climat pour le secteur du tourisme avec le secteur privé. Et ce, en diversifiant le modèle touristique de l’île Maurice vers des types de tourisme à plus forte valeur ajoutée et à moindre impact, tel l’écotourisme, et s’éloigner du tourisme « sun-sand-sea », très vulnérable et à faible valeur ajoutée.