Mineur (e) s auteur (e) s d’infractions pénales — Prise en charge : des obstacles dérangent la chaîne de protection des enfants

À Maurice, la prise en charge des mineur(e)s, qu’ils ou qu’elles soient victimes ou auteur(e)s d’infractions pénales, connaît des obstacles qui doivent être adressées au plus vite. Entre procédures policières délicates et conditions de détention à suivre de près, des questions cruciales émergent : comment établir un climat de confiance avec ces jeunes et garantir le respect de leurs droits ? Malgré les engagements de Maurice envers la Convention relative aux droits de l’enfant, des lacunes persistent. La police affirme respecter les droits humains des mineurs en détention dans ses cellules de Petite-Rivière. Avec l’arrestation de deux jeunes suspects (dont la fille de la victime) de 14 et 15 ans, du meurtre de Noorezza Abdoolah commis le 2 octobre, la question de détention de mineurs ayant commis une infraction pénale prend tout son sens. Et interpelle aussi sur l’avenir de ces jeunes. Les affaires criminelles aggravées impliquant des mineur(e)s ne sont malheureusement pas isolées. À ce jour, il n’y a eu aucun rapport sur la prise en charge, réhabilitation et réintégration sociale de ces enfants et adolescents qui ont été accusés et trouvés coupables d’agression — des plus sordides dans certains cas — entraînant la mort de leur victime. Les plus jeunes auteurs étaient trois enfants âgés de 9 à 10 ans au moment des faits, en 2003 et 2013 respectivement. En décembre 2013, c’est une fillette de 10 ans, lasse d’être épiée et harcelée sexuellement par un quinquagénaire, qui finit par lui assener un seul coup de couteau qui fut fatal à l’homme.

- Publicité -

Les chiffres du Probation and Aftercare Service ne laissent pas indifférents. À juin dernier, il y avait 183 mineur(e)s suspects de délits sanctionnés par la loi. Parmi, 22 sont âgés de moins de 14 ans ! À chaque affaire impliquant des mineurs, qu’ils soient victimes ou auteurs, la chaîne de prise en charge se heurte à des obstacles. Les difficultés se présentent lors des procédures policières, notamment au moment de la déposition du mineur. Comment s’adresser à lui ou à elle ? Quelle approche adopter ? Comment l’écouter ? Comment établir un climat de confiance ? Ces questions ont été abordées à maintes reprises lors de formations destinées aux policiers, dispensées par différents services de l’enfance et organisations.

Par ailleurs, la loi stipule que la déposition d’un(e) mineur(e) doit être enregistrée, si possible par des policiers en civil. Or, ce n’est pas encore le cas dans de nombreux cas. De plus, seulement neuf postes de police sont considérés comme « child friendly ». Contrairement à la prise en charge des victimes mineures, celle des auteurs arrêtés pour des infractions pénales aggravées est relativement moins débattue. Un suspect mineur sera soumis aux dispositifs prévus par la loi, conformément à la Children’s Act de 2020, et l’affaire sera entendue et jugée par le tribunal des enfants. À Maurice, l’âge minimum de la responsabilité pénale est de 14 ans.

Entre l’arrestation et le procès d’un(e) mineur(e), les conditions de sa détention doivent être en conformité avec les principes de la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE), dont la République de Maurice est signataire. Ces principes visent à garantir que les droits des mineur(e)s soient respectés tout au long du processus judiciaire. La CDE insiste, entre autres, sur la nécessité de protéger les enfants de la détention et de leur fournir des alternatives, sauf si cela est nécessaire pour la sécurité publique. Et stipule que la détention d’un mineur ne doit être envisagée que comme une mesure de dernier recours et pour la durée la plus courte possible. De son côté, la police indique qu’elle applique les mesures qui sont conformes aux droits humains. Conduits en cellule de détention à Petite-Rivière dans le cadre d’une intervention judiciaire, les jeunes auteurs d’actes criminels auraient droit à des conditions plus souples comparé à celles des adultes.

Le porte-parole de la police, l’inspecteur Shiva Coothen, explique que ces derniers ont accès à leurs droits essentiels, dont les plus basiques. Ils peuvent aussi sortir de leur cellule pour faire des exercices et recevoir une visite quotidienne de leurs proches. Tout mineur impliqué dans un délit criminel est soumis à une enquête du Probation Office, qui soumet son rapport au Directeur des Poursuites publiques, lequel décide de la détention du jeune concerné. « Lorsque nous objectons à la remise en liberté d’un suspect mineur, c’est parce que nous prenons principalement en considération le facteur sécurité. La sécurité du mineur est un élément important. Il doit donc rester en cellule », précise Shiva Coothen. C’est pour cette raison que le collégien qui a été arrêté après le meurtre de Noorezza Abdoolah, le 2 octobre, est maintenu en détention à Petite-Rivière.

À ce jour, l’Ombudsperson pour les enfants n’a pas encore eu l’occasion de visiter les cellules de détention. Aneeta Ghoorah, qui est attendue à l’étranger où elle sera en mission, nous a déclaré qu’elle se rendra, sans faute, à Petite-Rivière pour un constat. Toutefois, depuis son arrivée au bureau de l’Ombudsperson pour les enfants, dit-elle, elle s’est rendue au Correctional Youth Center, Rehabilitation Youth Center et aux Probation Homes où elle affirme que les conditions d’accueil sont « très correctes. » « Nous n’intervenons pas directement dans ces cas, mais nous veillons que la police respecte les droits de l’enfant. Si nous recevons des plaintes selon lesquelles un enfant qui a commis un crime est soumis à des brutalités ou à la torture, nous contactons le commissaire de police et lui rappelons les protocoles internationaux concernant la délinquance juvénile et le système de justice pour enfants », nous a fait part le bureau de l’Ombudsperson pour les enfants.

Protection des mineurs en difficulté — L’OCO signale le conflit entre la CDU, le PAS et la police sur leurs rôles et responsabilités

Dans son dernier rapport, le bureau de l’Ombudsperson pour les enfants (OCO), rappelle le rôle clé du Probation Aftercare Service (PAS), maillon essentiel dans la chaîne de protection. Principalement axé sur le système de justice pénale et régi par la loi sur la Probation of Offenders Act 1946, le Probation and Aftercare Service est structuré pour travailler avec des délinquants, y compris des délinquants juvéniles.

Par conséquent, relève le rapport, son approche est moins adaptée pour répondre aux besoins des enfants qui sont à risque de délinquance, qui présentent de graves problèmes de comportement ou qui rencontrent des difficultés en matière de santé mentale : des domaines dans lesquels les Probation Officers peuvent manquer de formation spécialisée. L’OCO note aussi que « le placement des enfants présentant de sérieux problèmes de comportement dans des établissements de justice pénale peut être très problématique. » Ces établissements sont souvent conçus pour des personnes ayant commis des crimes, et ils peuvent ne pas offrir le soutien ou les ressources appropriés pour les enfants qui ont simplement des difficultés ou qui ont besoin d’orientation. Le rapport relève un point archi dit : « Il existe un conflit entre les parties prenantes telles que la CDU, le PAS et la police concernant les rôles et responsabilités dans la gestion des cas impliquant des enfants ayant de sérieux problèmes de comportement. »

Parmi ses recommandations, l’OCO préconise des programmes de formation complets à être développés pour équiper les Probation Officers des compétences nécessaires à leurs rôles élargis, y compris une formation spécifique sur les interventions préventives et les évaluations comportementales. Le bureau propose que des interventions alternatives pour les enfants présentant de sérieux problèmes de comportement devraient être explorées et mises en œuvre sans impliquer le système de justice pénale. Et pour améliorer la coordination entre les agences et la gestion des cas impliquant des jeunes délinquants et des enfants victimes, il est essentiel, selon le l’OCO, « d’établir des protocoles clairs entre le CDU, le PAS et la police. Cela inclut le développement d’un cadre unifié, la mise en œuvre de Standard of Procedures (SOP), la création de canaux de communication, et la définition des rôles et responsabilités. »

Rapport annuel de l’OCO :320 dossiers traités en un an

Huit mois après son installation comme Ombudsperson pour les enfants, Aneeta Ghoorah a lancé le dernier rapport annuel de son bureau, jeudi dernier. Le document indique que son bureau a traité 320 cas, de juin 2023 à juin 2024. 77 dossiers concerne des problèmes d’ordre scolaire. 50 cas de négligence, mauvais traitement et d’enfants à risques ont été rapportés. 41 mineurs ont eu recours à l’OCO pour punition corporelle, harcèlement, bullying et autres violences scolaires. 30 mineurs pour abus et harcèlement sexuel. Durant cette période, l’OCO s’est occupé du dossier de quatre jeunes victimes de prostitution et de trafic d’enfants. « En tant que médiateur pour les enfants, il est de mon devoir de souligner que des réunions de coordination régulières, axées sur des solutions, doivent être organisées pour discuter des questions les plus pertinentes. Le renforcement des capacités est crucial pour tous les agents, surtout pour ceux qui travaillent avec des enfants vulnérables et leurs familles. Une formation régulièrement mise à jour fournira les compétences nécessaires et améliorera le développement personnel du personnel. Les délais doivent être respectés en ce qui concerne les enquêtes et les rapports, en gardant à l’esprit qu’à la fin de la chaîne, un enfant attend que les préjudices subis soient réparés et que justice soit faite », écrit Aneeta Ghoorah.

L’éducation à la santé sexuelle à l’école fortement recommandée

Le rapport de l’OCO recommande avec force la mise en place d’un « one stop shop » comprenant tous les acteurs concernés, pour les victimes d’abus sexuels, afin que l’enfant n’ait pas besoin de répéter les mêmes épreuves. Le document indique que les enfants vivant dans des systèmes de soins alternatifs doivent bénéficier d’un soutien émotionnel et psychologique plus intense et engageant. Et que les défis auxquels sont confrontés les adolescents quittant les établissements de soins résidentiels à l’âge de 18 ans devraient être abordés pour leur réintégration sociale et leur suivi après soins.

Le rapport plaide pour l’introduction de l’éducation à la sexualité dans le milieu scolaire : « Avec l’augmentation du nombre de grossesses adolescentes à un jeune âge, il est fortement recommandé d’inclure l’éducation à la santé sexuelle et reproductive dans le programme scolaire dès le niveau primaire. »

Le bureau de l’Ombudsperson pour les enfants est en faveur d’une approche ascendante lors de l’élaboration des politiques, en consultation avec les acteurs de terrain, « car ce sont eux qui connaissent la faisabilité des politiques formulées », note-t-il.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -