Le leader du Groupe Réfugiés Chagos (GRC), Olivier Bancoult, a réuni les Chagossiens au Centre Lisette-Talate, à Pointe-aux-Sables, dimanche. Dans le cadre de cette assemblée, nombreux se sont prononcés en faveur d’un accord entre les gouvernements britannique et mauricien. Il s’est appesanti sur la nécessité d’une compensation et d’une pension à vie pour tous ceux ayant subi les affres de ce dramatique déracinement. Il fera parvenir une lettre à Keir Starmer, Premier ministre britannique, en ce sens.
Salle comble, au Centre Lisette-Talate, hier, avec des Chagossiens très réceptifs. Olivier Bancoult a bien fait comprendre que cet accord historique de la reconnaissance de la souveraineté de Maurice sur les Chagos par le Royaume-Uni permettra à Maurice d’être libre de mettre en œuvre un programme de réinstallation sur les îles des Chagos, à l’exception de l’atoll de Diego-Garcia. « Nous avons tenu cette assemblée dominicale pour avoir l’avis des Chagossiens – bann natif kouma nou dir – pour accepter cet accord avec le gouvernement anglais et celui de Maurice. Beaucoup d’entre vous ont donné leur consentement, mais nous continuerons à lutter pour Diego-Garcia pour que ceux originaires de cette île puissent profiter du même bonheur », a-t-il déclaré.
Pour Olivier Bancoult, il n’est pas concevable que seule une personne qui travaille sur Diego-Garcia ait le droit d’y loger. Il a aussi évoqué le fait que le Royaume-Uni s’est engagé à financer un fonds d’aide en faveur des Chagossiens et des investissements en termes d’infrastructure. Si Olivier Bancoult se réjouit que l’accord répare les erreurs du passé et des injustices subies, il insiste qu’il faut aussi inclure une compensation et une pension à vie en faveur des Chagossiens qui sont nés sur les Chagos et à ceux décédés pour que leurs héritiers en bénéficient.
« Beaucoup de Chagossiens ayant mené la lutte sont morts. Il ne faut pas juste reloger ces Chagossiens, il faut aussi qu’ils aient ce droit de vivre décemment. Une compensation et une pension à vie sont un moyen pour réparer cette lourde injustice occasionnée face au déracinement.» Olivier Bancoult en appelle aussi à certains Chagossiens qui disent « pe lager dan vid » : c’est la Cour internationale de Justice qui a tranché. « Nou bann natif bizin res ini, pa kre divizion. Sagosien enn pep ki finn soufer. Si Angle pa ti dakor, li pa ti pou sign enn akor ar Moris » , souligne-t-il.
Par ailleurs, le leader du GRC fait ressortir qu’il ne faut pas mélanger politique et Chagos. « Sagosien bizin kouma Rodrig, ena enn gouvernman otonom. Li inportan ki lavwa Sagosien tande. Angle bizin met fin so politik Moris lor Chagos », dit-il.
Il révèlera que Maurice compte à ce jour 329 Chagossiens, le benjamin ayant 51 ans et le plus vieux s’apprêtant à fêter en 2025, ses 100 ans.
Des intervenantes ont aussi pris la parole, parmi Eileen Talate – qui relate toute la souffrance vécue par sa mère Lisette. « Mo finn bien plore letan mo’nn gagn nouvel sa lakor istorik-la. La victoire n’est pas pour moi, elle est dédiée à toutes les femmes qui ont mené une lutte lor koltar. C’est la victoire de ma mère aujourd’hui décédée. La lutte des Chagossiens se fait dans la rue et pas dans un salon. J’ai accompagné ma mère et ma tante sur le terrain, je sais ce qu’est l’humiliation, gagn maltrete », témoignera-t-elle avec émotion.
« Il faut applaudir toutes ces femmes qui ont tenu jusqu’au bout et j’ai le cœur serré que beaucoup ne soient plus sur Terre pour voir ce grand jour. Mwa mo leker fermal de ne pouvoir me rendre sur l’île où ma mère a pris naissance », poursuit-elle.
Rosemonde Bertin a évoqué la souffrance des Chagossiens en ces termes : « zordi kan ou tann enn zanfan dir pa dir natif, mo revolte. Mo enn Sagosienn, mo pa British, mo lizie pa ble, sinon mo ti pou zoli mamzel res dan cottage. Mo Sagosienn, mo pa kapav renie mo orizinn. »
Par ailleurs, Liseby Elysé, celle qui était en larmes devant la Cour internationale de Justice en septembre 2018, se remémore ce moment : « ena dimounn pa’nn kontan, inn dir mo’nn al plore.» Le temps d’un témoignage de quelques minutes sur le plan international, Liseby était devenue la voix et le visage des Chagossiens. Elle a raconté le calvaire vécu par les Chagossiens depuis qu’ils ont été déracinés de leurs îles natales. Elle ne rêve que d’une chose : retourner vivre à Peros Banhos.
Pendant près de trois heures, l’assistance présente au Centre Lisette-Talate a vécu de nouveau avec émotion ces pages de vie d’un déracinement, avec au bout de chaque témoignage ce désir ardent de retrouver leur île et de recomposer leur passé dans un présent plus serein.