Une histoire de bateaux

Et dire que les « politologues » qui trustent les plateaux des radios privées nous avaient constamment assommé de l’argument selon lequel le Premier ministre « avait toutes les cartes en main » et qu’il avait une avance sur ses adversaires parce que c’est lui qui organise l’agenda électoral. Cinq ans pour se préparer et, au final, des couacs en série.

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L’arrivée du PMSD, annoncé comme un gros coup de boost à un gouvernement frappé par une inévitable usure après dix ans passés au pouvoir, a, au contraire, été contrariée par un début de campagne en demi-teinte dans la circonscription du leader des bleus. Après avoir fièrement présenté le trio Xavier Duval-Kavi Ramano-Arvind Sakeesingh, la suite n’a été qu’une succession de bourdes.

Xavier Duval a, le soir même de sa première sortie en alliance lundi avec ceux qu’il avait répudiés en 2016 pour cause de refus de la création du Protection Commission Bill, inventé un nouvel outil de communication et de marketing, la prise de rendez-vous pour répondre aux questions de la presse. Il s’est même permis d’écarter la caméra d’un confrère qui filmait l’échange avec la journaliste présente sur les lieux.

Cet épisode inconvenant à peine digéré, voilà qu’à peine annoncé comme le Dr Arvin qui allait terrasser l’autre Dr Arvin, Boolell celui-là, le candidat désigné du MSM a vite jeté l’éponge. C’est vrai que sa première prestation n’a pas été un modèle d’éloquence et que le titre de docteur qu’il revendique n’est pas celui d’un pratiquant enregistré auprès du Medical Council, mais déguerpir aussitôt annoncé est un petit exploit qui n’a pas fini d’amuser les électeurs du No 18 et bien au-delà. Comme c’est parti pour ne pas faire démentir le dicton que chaque jour suffit sa peine, le lendemain, c’était à Petit Raffray que le nouvel épisode du feuilleton s’est déroulé avec ministres et candidats potentiels forcés de quitter les lieux après les protestations véhémentes de leurs partisans mécontents du choix de candidats décidé par le leader du MSM. Si ailleurs les choses se sont déroulées plutôt normalement, on a quand même eu droit à quelques perles et quelques sorties intempestives de personnes pourtant jugées jusqu’à très récemment totalement indésirables.

Le révoqué démissionnaire Vikram Hurdoyal, qui ne maîtrise pas le cinéma aussi bien que la culture d’ananas, la conduite de bateaux de plaisance ou comment s’attirer les bonnes grâces de jeunes admiratrices, a fait fort en comparant le navire gouvernemental à « enn gro Titanic ». Le Titanic a coulé pendant que certains s’amusaient sur le pont. S’il est plus gros, il ne tardera pas à rejoindre les profondeurs océaniques. Jusqu’à devenir une épave…

Les cas Hurdoyal, Collendavelloo, Rutnah et Yerrigadoo ou Phokeer appellent un commentaire sur ce qui est acceptable ou pas dans une démocratie. On savait depuis longtemps que le MSM était devenu une formidable machine à recycler les pourritures et à repeindre des saletés en blanc virginal, mais là, on atteint le summum du mépris pour les électeurs.

Sooroojdev Phokeer était tombé malade à point nommé en juillet dernier pour démissionner et faire de la place à Adrien Duval dans le cadre d’un gage en prévision de la concrétisation d’un deal électoral. Voilà qu’il a rapidement retrouvé la forme pour aller vociférer tantôt au No 10 et tantôt au No 5. Pourquoi est-il parti alors ? Pourquoi tant de mise en scène ? Pour venir ensuite narguer les électeurs et les provoquer.

Ivan Collendavelloo a été renvoyé comme un malpropre par Pravind Jugnauth en 2020. Il s’est docilement assis depuis jusqu’à ce qu’il soit absout par son pourfendeur à la veille des élections et qu’il retrouve sa circonscription en compagnie de Seety Naidoo, celui qui dut débarrasser le plancher en même temps que lui. Dans tout ça, où est le sens de l’honneur, la dignité et l’amour propre ?

Vikram Hurdoyal est un cas encore plus révoltant. Il est révoqué en son absence, pleure toutes les larmes de son corps à son retour à l’aéroport même, provoque une partielle, se perd en communiqué de presse et va se plaindre à la radio que ses finances soient réduites à Rs 92. Or, le Premier ministre est la seule et même personne qui l’a accusé, l’a sanctionné et qui l’a blanchi. C’est quand même un rare exploit.

Ravi Rutnah, lui, élu au No 7 en 2014, avait été privé de ticket en 2019 après ses prestations folkloriques au Parlement qui oscillaient entre le « sexpeare » et la « zanzanie », mais pas que. Dehors, il traitait une journaliste de « femel lisien ». Ce personnage a été réhabilité par le leader du MSM qui l’envoie au front au No 5.

L’autre Ravi, Yerrigadoo, avait été forcé à la démission en tant qu’Attorney General en 2017 après l’éclatement de l’affaire Bet 365. Celui qui organisait chez lui des rencontres d’un genre particulier en compagnie de Pravind Jugnauth et de Roshi Bhadain avec Dufry, le fournisseur de produits hors-taxe en 2015, revient lui aussi en grâce pour remplacer au No 7 un autre démissionnaire l’ex-PPS Rajanah Dhaliah. La machine à recycler encore une fois dans toute son horreur…

Face à cette équipe, l’Alliance du Changement avance tranquillement sans trop se compromettre et, face aux deux blocs, un surprenant troisième regroupement qui présente toutes les caractéristiques des partis traditionnels. À bien des égards, ils font pire en termes de reniement et de retournements de veste. Hier, Roshi Bhadain affirmait que son parti avait voté pour qu’il aille seul aux élections et qu’il se présenterait au poste de Premier ministre pour cinq ans. Il l’a réitéré la semaine dernière en disant qu’il n’était pas question « d’avoir deux capitaines dans un même bateau », un autre Titanic peut-être. Vendredi, changement radical de programme avec une alliance conclue in extremis avec Linion Moris.

Entre les Vasant Bunwaree et Bruneau Laurette qui ont transité par Linion Moris, le partant José Moirt, fatigué du bazar que représente cette formation qui fait le jeu du MSM, le divorce entre Patrick Belcourt et Roshi Bhadain, qui se retrouvent de nouveau sur une même plate-forme, composée désormais de… 10 formations, c’est à se demander si les nouveaux dinosaures ne sont pas déjà parmi nous.

Josie Lebrasse

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