Cassam Uteem (ancien Président de la République) : « Je condamne la cession aux Britanniques de nos droits de souveraineté sur Diego-Garcia »

L’accord politique entre Maurice et la Grande-Bretagne concernant la souveraineté de Maurice sur l’archipel des Chagos continue à faire l’objet de commentaires tant à Maurice qu’en Grande-Bretagne, mais également ailleurs dans le monde. Le-Mauricien donne la parole à l’ancien président de la République Cassam Uteem, qui a droit au chapitre en raison du soutien accordé à la cause chagossienne depuis des années. S’il considère la restitution de la souveraineté sur tout l’archipel des Chagos à Maurice comme une avancée, il condamne en revanche la transmission à la Grande-Bretagne de l’exercice des droits souverains sur Diego-Garcia, l’île la plus importante. Cela laisse un goût amer, estime-t-il.
Sur le plan local et dans la perspective des élections générales, Cassam Uteem considère qu’au bout d’une décennie d’exercice du pouvoir sans partage du MSM de Pravind Jugnauth, celui-ci a un bilan que certains pourraient qualifier d’honorable. Cependant, il aura des comptes à rendre à l’électorat sur nombre de sujets brûlants.

- Publicité -

Cassam Uteem, vous avez suivi depuis des années le dossier des Chagos et accompagné les Chagossiens. Comment avez-vous accueilli l’accord politique conjoint entre Maurice et la Grande-Bretagne, qui a été rendu public la semaine dernière ?
De ce que nous savons de l’accord conjoint entre la Grande-Bretagne et Maurice rendu public sans avoir été paraphé, il n’y a, à mon avis, pas de quoi pavoiser. Il laisse même un goût plutôt amer. La Grande-Bretagne nous restitue certes notre souveraineté sur l’ensemble des îles faisant partie de l’archipel des Chagos qu’elle avait illégalement excisées au moment où notre pays accédait à l’indépendance.
Cela pourrait être considéré comme une avancée, mais simultanément et de plein gré, c’est-à-dire par sa volonté pleine et entière, l’État mauricien s’engage à transmettre à la Grande-Bretagne l’exercice des droits souverains sur Diego-Garcia, l’île principale des Chagos, en vertu desquels elle accordera aux États-Unis un bail initial de 99 ans, renouvelable pour le maintien de la base militaire meurtrière sur notre territoire. Nous allons en retour bénéficier du Blood Money d’un montant à être déterminé, faisant ainsi de nous des complices consentants de la stratégie militaire anglo-américaine et de toute intervention militaire contre des pays tiers, à partir de la base de Diego-Garcia.
Il n’est donc guère étonnant que le président américain Joe Biden se félicite avec son collègue, le Premier ministre britannique, de l’accord qualifié d’historique parvenu avec leur homologue mauricien, qui porte l’entière responsabilité d’une décision aussi importante, voire vitale, prise à l’insu du peuple chagossien et mauricien et court-circuitant l’Assemblée nationale. Diego-Garcia demeurera Out of Bounds pour les Chagossiens, même pour les natifs de l’île, qui pourront toutefois exercer leur droit de retour et s’installer sur les autres îles de l’archipel des Chagos, lorsque celles-ci auront été rendues plus hospitalières et humainement habitables.

Le fait que la Grande-Bretagne ait reconnu la souveraineté de Maurice sur les Chagos, dont Diego-Garcia, est décrit comme une décision historique. Est-ce bien le cas ?
Je dirais que c’est plutôt une répétition de l’Histoire. Si vous vous rappelez, au terme des négociations de 1965 à la Lancaster House, qui devaient mener notre pays à l’indépendance, la Grande-Bretagne, puissance colonisatrice, nous avait imposés, selon nos dirigeants politiques d’alors et non des moindres, l’excision illégale d’une partie de notre territoire, l’archipel des Chagos. Elle nous avait en retour offert une compensation dérisoire tout en expulsant, du jour au lendemain, sa population autochtone de plus d’un millier d’hommes, de femmes et d’enfants, vers les îles Seychelles et Maurice, dans des conditions inhumaines et en l’absence totale d’infrastructure et de service d’accueil. Et les Britanniques créaient, dans la discrétion totale, la fiction d’une colonie jusque-là inexistante, la British Indian Ocean Territory (BIOT) pour céder aux Américains Diego Garcia, l’île principale des Chagos, afin d’y construire une base militaire des plus sophistiquées. C’était pour nos compatriotes chagossiens le début d’une vie de calvaire qui, pour certains, perdure.
Les forces progressistes du pays n’ont pas manqué de dénoncer et de condamner cette supercherie des Britanniques et, à partir de 1982, l’État mauricien revient chaque année, à l’Assemblée générale des Nations unies, sur cette affaire ténébreuse pour exiger le rétablissement de ses droits de souveraineté usurpés sur l’ensemble de son territoire. La Grande-Bretagne faisant la sourde oreille, il a été décidé en 2017 de porter l’affaire à la Cour internationale de Justice de La Haye où sir Anerood Jugnauth, alors Premier ministre de Maurice, avec à ses côtés les représentants du Groupe Réfugiés Chagos dont Olivier Bancoult et Liseby Elysé, jouera un rôle déterminant.
Dans un avis consultatif, la Cour devait conclure que le processus de décolonisation de Maurice n’avait pas été validement mené à bien au moment de l’accession du pays à l’indépendance en 1968, compte tenu du détachement de l’archipel des Chagos et que la Grande-Bretagne est tenue, dans les plus brefs délais, de mettre fin à son administration de l’archipel des Chagos, ce qui permettrait à Maurice d’achever la décolonisation de son territoire dans le respect du droit des peuples à l’autodétermination. En conséquence de quoi, à sa 83e réunion plénière le 22 mai 2019, l’Assemblée générale des Nations unies, à une majorité écrasante, approuvait la résolution demandant à la Grande-Bretagne de se retirer Unconditionally de l’archipel des Chagos dans un délai maximum de six mois afin de permettre à Maurice de compléter la décolonisation de son territoire le plus rapidement possible.
Or, que fait la Grande-Bretagne ? Elle propose d’ouvrir des négociations avec le gouvernement mauricien qui tombe naïvement dans le piège tendu par la perfide Albion et finit par lui céder nos droits de souveraineté sur l’île de Diego-Garcia. Contrairement à l’excision imposée en 1968, le Premier ministre Pravind Jugnauth le fait aujourd’hui de plein gré et toute connaissance de cause.

Plusieurs voix se sont élevées à Maurice pour critiquer la cession de la souveraineté de Maurice sur Diego-Garcia aux Britanniques pendant les 99 prochaines années. Qu’en pensez-vous ?
Je condamne, bien évidemment et peu importe sa durée, la cession aux Britanniques de nos droits de souveraineté sur Diego-Garcia, surtout que nous étions dans nos bons droits et avions le soutien quasi unanime de la communauté internationale. Je suis d’ailleurs de ceux qui pensent que notre territoire ne doit pour aucune raison ni sous aucun prétexte abriter une base militaire étrangère.
Maurice a jusqu’ici adopté une politique de non-alignement qui nous a bien servis en tant que petit État insulaire, nous évitant de nous inféoder à un bloc de pays quelconque. Avec cet accord, Pravind Jugnauth place Maurice irrémédiablement dans le camp des alliés américains et de l’Occident – ce qui n’est pas sans conséquence sur nos relations avec, entre autres, les pays du Sud global – et nous rend vulnérable aux agressions extérieures.

Le British Forfeign Secretary, David Lammy, considère qu’à travers cet accord, le gouvernement britannique a obtenu le meilleur accord possible. Qu’en pensez-vous ?
En effet, avec cet accord, la Grande-Bretagne made the best deal pour la protection de ses intérêts et ceux des États-Unis. Le président et le secrétaire à la Défense américains n’ont, d’ailleurs, pas manqué d’applaudir un accord qui les réconforte et les rassure car la base militaire de Diego-Garcia demeurera sous contrôle britannique, leur allié le plus sûr, pour une durée initiale de 99 ans, avec la possibilité de prolonger ce terme.
Les Mauriciens et les Chagossiens seront tenus à distance car ils ne pourront ni visiter, ni séjourner sur cette île, devant se contenter de ne se rendre que sur les autres îles de l’archipel. Les Britanniques vont également s’assurer qu’il n’y a pas de forces armées étrangères sur ces îles, selon David Lammy.

À la suite de l’accord, un traité est actuellement en préparation pour être signé l’année prochaine. Qu’est-ce que vous auriez souhaité voir dans ce traité en vue de l’améliorer ?
Permettez-moi d’abord de vous dire combien je suis outré par la manière de faire des Britanniques qui se sont crus autorisés à interférer avec la politique interne de notre pays lorsqu’ils ont avoué, sans honte et publiquement, avoir agi dans la précipitation pour arriver à finaliser et rendre public cet accord à la veille de la dissolution de l’Assemblée nationale : ils étaient dans le secret des dieux et avaient un délai à respecter ! Qui, à Maurice, devait tirer avantage de cet accord ?
Et si l’accord doit aboutir à un traité entre les deux parties, celui-ci devrait inclure les quatre conditions suivantes : la souveraineté, rien que la souveraineté sur l’ensemble de notre territoire ; une date, dans un proche avenir, pour le démantèlement de la base américaine nucléaire sur Diego Garcia ; une compensation adéquate aux familles chagossiennes déracinées de leur terre et l’indemnisation à l’État mauricien pour la réinstallation de ces familles sur leurs îles natales. Ce n’est tout de même pas la mer à boire pour tout le mal et toutes les souffrances infligées aux Chagossiens et aux Mauriciens durant toutes ces années. Comme vous voyez, c’est une remise en question fondamentale de l’accord lui-même.

Outre la création des infrastructures pour permettre le retour des Chagossiens qui le souhaitent dans leurs îles, comment pourrait-on développer ces îles ?
Des études ont déjà été effectuées par des experts pour la réhabilitation des îles de l’archipel des Chagos en vue de leur repeuplement. Nous n’avons pas à réinventer la roue. Il suffit de réactualiser les rapports soumis par ces experts.
Quant aux activités économiques, le développement de l’industrie de la pêche – la pêche étant l’une des principales formes de production alimentaire qui pourrait nous rendre autosuffisants en poissons et fruits de mer – et celle du tourisme, dans le respect de l’environnement, me semble une évidence.

Nous sommes à quelques jours des élections générales dans le pays. Quels sont les enjeux de ces élections ?
Aujourd’hui, il n’y a plus de différences idéologiques marquantes entre les principaux partis ou alliances politiques qui s’affrontent. En outre, il n’existe pas non plus, comme ailleurs, de débats publics avec la participation de nos dirigeants politiques sur les grands enjeux économiques et environnementaux. J’espère que les manifestes électoraux des partis politiques aborderont les problèmes majeurs auxquels des pays comme le nôtre font face et nous proposeront des solutions, notamment au réchauffement climatique, à l’appauvrissement de la biodiversité, à la diminution des ressources naturelles, au développement durable, aux inégalités et la pauvreté et pour la création d’une société plus inclusive.
Au bout d’une décennie d’exercice du pouvoir sans partage du MSM de Pravind Jugnauth, celui-ci a un bilan que certains pourraient qualifier d’honorable. Cependant, il aura des comptes à rendre à l’électorat sur nombre de sujets brûlants et répondre à certaines interrogations dont celle ayant trait à la dépréciation délibérée de la roupie et ses répercussions sur la cherté de la vie qui frappe de plein fouet le consommateur mauricien.
Il y a aussi l’ampleur du trafic de la drogue et les facteurs de cause de la toxicomanie en hausse constante ces dernières années, les dérives autocratiques dangereuses, avec la concentration des pouvoirs entre les mains du seul Premier ministre, l’entorse à la démocratie avec le renvoi injustifié des élections municipales, la persécution des opposants politiques par la police en service commandé, paraît-il, la politisation à outrance des institutions supposées être autonomes et indépendantes, le dysfonctionnement de notre service de sécurité mis en exergue par le naufrage du Wakashio suivi de la marée noire et l’exode des jeunes Mauriciens diplômés et autres vers d’autres cieux, la pratique de Winner takes All et Jobs for the Boys ainsi que le népotisme, la corruption et la malversation concernant les fonds publics durant la pandémie de Covid-19.
L’enjeu pour les deux leaders de l’Alliance du Changement, Navin Ramgoolam et Paul Bérenger, est de taille car les prochaines élections sont celles de la dernière chance : ça passe ou ça casse ! L’accord signé avec Rezistans ek Alternativ constitue, en l’occurrence, une bouée de sauvetage, une initiative bienvenue, tandis que les partis extraparlementaires, en raison de toute la sympathie qu’ils pourraient susciter, feront objectivement le jeu de l’Alliance Lepep dans un système qui continue à favoriser le bipolarisme.


Chagos Islands handover : Seychelles’ Chagossians concerned about future Plans

After more than 50 years, the United Kingdom has declared it is relinquishing sovereignty over a secluded but strategically significant group of islands in the Indian Ocean.
This, agreed after years of discussions, will see the UK hand over the Chagos Islands to Mauritius in a historic gesture. It includes the tropical atoll of Diego Garcia, which the United States government uses as a military base for its long-range bomber planes and navy ships.
The decision was announced in a joint statement by the Prime Ministers of the UK and Mauritius, putting an end to decades of frequently contentious discussions between the two nations.
The decision was made possible in part, by the US-UK base’s continued presence on Diego Garcia, which is crucial, given the escalating geopolitical rivalry in the region between China, India, and the West.
Although a treaty still needs to be finalised both parties have committed to finishing the deal as soon as possible.
The joint statement said, « The treaty will address wrongs of the past and demonstrate the commitment of both parties to support the welfare of Chagossians.  Mauritius will now be free to implement a programme of resettlement on the islands of the Chagos Archipelago, other than Diego Garcia, and the UK will capitalise a new trust fund, as well as separately provide other support, for the benefit of Chagossians. »
Speaking to the reporters, the chairman of the Chagossian Association of Seychelles, Pierre Prosper, said that they are happy to learn about the news although they are a little concerned as as they have been disappointed many times in the past. They also do not know what will happen to the Chagossians.
« We hope that the Mauritian government will engage will the whole Chagossian community, all over the world, so we can move forward, » said Prosper, who revealed that many Chagossians had some reservations about the island being returned to Mauritius.
« That is because when Mauritius gained independence, part of the agreement with the UK government, was that Chagos was separated from the Colonial Administration of Mauritius, » explained Prosper.
He said Mauritius accepted « when we began our fight, they went behind us and sought the UN and all, until we got here today. We are afraid of a repeat of the past, where Mauritius did not have the interest of these people at heart, so what should we expect from them now. »
More than 2,000 Chagossians have been fighting to return to their home since they were expelled from the islands between 1967 and 1973 to allow the United States to build a military base on Diego Garcia.
More than 200 were deported to Mahe, the main island of Seychelles when the country was still a British colony. The rest were deported to Mauritius, also a British colony at the time.

(Seychelles News Agency)

 

Le Président, Andry Rajoelina
« Les îles Éparses sont malgaches »

Dans une longue interview accordée au journal Le Figaro, le président malgache, Andry Rajoelina, réaffirme sa volonté d’obtenir la rétrocession des îles Éparses par la France à Madagascar. Une déclaration reprise à la Une de la Presse de la Grande île, ce vendredi 11 octobre 2024.
En marge du XIX e sommet de la Francophonie, qui s’est tenu à Paris au début du mois d’octobre 2024, le président de Madagascar, Andry Rajoelina, a réaffirmé sa volonté d’obtenir de la France la rétrocession des îles Éparses. Lors de cette interview accordée au journal Le Figaro, le chef de l’État confirme que ce contentieux n’a pas été réglé. Il confie : « Ces îles contrôlent des espèces importantes, et la plus proche, Juan de Nova, est à seulement 150 kilomètres de nos côtes, » avant de conclure, « Elles sont malgaches », écrit L’Express de Madagascar.
La France et Madagascar devaient se retrouver autour de la table des négociations dans le cadre d’un comité mixte regroupant des experts et des diplomates des deux pays. Un seul rendez-vous a eu lieu, c’était en 2019. Depuis le dossier a été refermé.
La restitution des Chagos à l’île Maurice par la Grande-Bretagne, ce 3 octobre 2024, a relancé la question de l’appartenance des îles Éparses et des conséquences diplomatiques entre les deux pays. Midi Madagascar note que Le Figaro s’interroge sur un éventuel rapprochement avec la Russie en cas de rupture avec la France ?
« Je fais partie de ceux qui construisent des ponts et non des murs. Je suis ouvert à la coopération avec tout le monde. Il n’est pas question de rupture, mais j’ai été mandaté pour développer Madagascar. Je ne suis pas proche de tel ou tel pays. Je n’ai pas de préférence, même si nos liens anciens avec la France existent, » répond Andry Rajoelina.
Enfin concernant la guerre en Ukraine, le Président malgache, note : « Les défis alimentaires en Afrique ne sont pas traités de la même façon que les autres défis mondiaux et que toutes les vies ne sont pas mises sur un pied d’égalité ». L’un des nombreux sujets évoqués par Andry Rajoelina, lors de ce sommet a été l’urgence d’éradiquer la malnutrition dont sont victimes 3,1 millions d’enfants en Afrique, chaque année.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -