« L’accord historique »

À première vue, c’est une grande victoire diplomatique de Maurice. Après plus de cinquante ans de combats, après avoir ignoré les résolutions des institutions internationales, la Grande-Bretagne a finalement accepté de retourner l’archipel des Chagos sous la souveraineté mauricienne. Le gouvernement de Pravind Jugnauth aura réussi ce que tous les Premiers ministres de Maurice, dont son père, n’ont pas pu réaliser. À première vue, c’est une grande victoire, surtout quand elle est annoncée juste la veille de la dissolution du Parlement. De quoi se demander si le Premier ministre britannique n’a pas donné un coup de pouce à son homologue mauricien pour sa campagne électorale. Si cela s’était passé ailleurs en Grande Bretagne, on l’aurait qualifié d’ingérence dans les affaires intérieures d’un pays indépendant. En tout cas, le MSM et ses alliés ont déjà commencé à célébrer « l’accord historique » en utilisant des slogans ronflants comme Enn nouveau lindependans pou Moris. Mais quand on se penche sur le texte qui a été présenté comme un accord, on se rend rapidement compte que la réclame est beaucoup plus belle que le film. Un homme de loi l’a bien expliqué : le document brandi est, en fait, une proposition de traité bilatéral qui, pour être validé et mis en pratique, devra être ratifié par les Parlements des deux pays concernés. À Maurice, si Pravind Jugnauth remporte les élections, le traité sera ratifié sans problème. Il n’est pas sûr que ce soit le cas en Grand-Bretagne où les réactions, accusant le gouvernement d’avoir bradé le patrimoine national, se multiplient.
Mais c’est à Maurice que l’on devrait parler de patrimoine bradé à la place de souveraineté récupérée. En effet, à la lecture du pré-accord – ou pré-traité –, on apprend que toutes les îles de l’archipel des Chagos, qui étaient depuis plus de 50 ans administrées par les Britanniques, retourneront sous la souveraineté mauricienne. À l’exception de la plus importante d’entre elles : Diego Garcia, le principal atoll de l’archipel sur lequel les États-Unis ont installé leur plus grande base militaire en dehors de leur territoire. Diego Garcia bénéficiera d’un statut très particulier dans le cadre de « l’accord historique ». Dans ce qui ressemble à une opération immobilière internationale d’envergure, Maurice cédera à la Grande-Bretagne sa souveraineté sur Diego Garcia que la même Grande-Bretagne vient de lui rendre, à travers un bail de location. D’une durée de 99 ans et renouvelable. La Grande-Bretagne sous-louera ensuite Diego Garcia aux Américains, ce qu’elle faisait depuis des années. Pour quelle raison est-ce que Maurice se lance dans cette opération ? Officiellement, pour contribuer à assurer la paix dans le monde et en particulier dans cette région du globe, avec le soutien de l’Inde. Les mauvaises langues assurent que ce qui intéresse le gouvernement de Pravind Jugnauth dans ce deal, c’est la location qu’il espère tirer de l’opération et qui lui servira à renflouer les caisses de l’État qu’il a vidées. Une location dont le montant et les conditions sont un secret d’État, comme les conditions de l’occupation d’une partie d’Agaléga par l’Inde. Si on examine cyniquement la situation qui sera créée par « l’accord historique », on peut dire qu’après avoir mené campagne contre l’excision brutale des Chagos de son territoire, le gouvernement mauricien est maintenant partie prenante d’une excision légale d’une partie des Chagos. Une opération qui fera Maurice perdre définitivement Diego Garcia, car il coule de source que les États- Unis utiliseront la clause de l’accord qui l’autorise à renouveler le bail après les premiers 99 ans ! C’est ça « l’accord historique » dont l’île Maurice doit être fière !?

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Est-ce que l’incapacité à prendre des décisions serait la grande caractéristique de l’alliance du changement ? Depuis des semaines, les leaders de l’alliance négocient l’entrée de Résistans ek Alternativ dans leurs rangs. De l’aveu même des leaders, l’arrivée de ce parti avec ses idées novatrices apportera à l’alliance un gros plus, la personnification du changement qu’une majorité de Mauriciens réclame. Mais les discussions se multiplient sans résultats. L’accord, qui devait être ratifié et annoncé en début de semaine, a été reporté à jeudi puis à samedi. Hier, Paul Bérenger a déclaré « Nous souhaitons que ReA soit avec nous dans l’Alliance du Changement ». Est-ce qu’à un mois des élections, on peut encore se contenter de souhaits ? Est-ce que si l’Alliance du Changement remporte les élections et forme le prochain gouvernement, il prendra autant de temps pour chaque décision ?

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