Le pape François en visite en Belgique a assuré vendredi que l’Eglise devait « avoir honte » et « demander pardon » pour les violences sexuelles sur mineurs commises par des membres du clergé, alors que les attentes des victimes sont fortes dans ce pays marqué par des scandales.
François, qui avait déjà promis une « tolérance zéro » sur ce sujet, doit recevoir en fin de journée à la nonciature à Bruxelles (l’ambassade du Saint-Siège) quinze victimes de viol ou d’agression sexuelle par des ecclésiastiques en Belgique au siècle dernier.
Une rencontre « en toute discrétion » selon l’Eglise belge qui dit vouloir protéger l’anonymat de ces personnes.
Vendredi matin, François s’est également dit « attristé » par le scandale dit des « adoptions forcées » avec la complicité d’ordres religieux, un drame qui a touché des milliers de Belges entre la fin de la Seconde guerre mondiale et les années 1980.
Le pratique concernait principalement des jeunes femmes célibataires, parfois victimes de viol ou d’inceste, dont les parents voulaient cacher la grossesse. Ces derniers se mettaient en contact avec des ordres religieux, eux-mêmes en lien avec des familles en attente d’adoption. De nombreuses victimes s’efforcent encore des décennies plus tard d’éclaircir les circonstances de ces séparations forcées.
Tant les violences sexuelles sur mineurs que les adoptions forcées ont « gravement entamé » la confiance des Belges dans l’Eglise, a assuré pour sa part le Premier ministre Alexander De Croo.
« Les mots ne suffisent pas aujourd’hui, des mesures concrètes doivent être prises », a lancé le dirigeant libéral flamand.
Le dossier de la pédocriminalité dans l’Eglise belge a refait surface à l’automne 2023 avec la diffusion d’un documentaire choc où témoignaient des victimes livrant un secret enfoui parfois pendant des décennies, beaucoup déplorant une omerta dans l’Eglise pour protéger les agresseurs et le fait de n’avoir jamais pu obtenir justice.
– « Il a fallu tellement de temps » –
Dans une lettre ouverte publiée début septembre par le quotidien Le Soir, des victimes ont réclamé une parole forte de François, lui demandant d’instaurer un processus de réparation financière, d’organiser une « réflexion de fond » sur le célibat des prêtres et de « renforcer le travail de libération de la parole, qui n’en est en réalité qu’à ses balbutiements ».
De l’Irlande à l’Allemagne en passant par les Etats-Unis, la multiplication des scandales sexuels dans l’Eglise a constitué l’un des plus douloureux défis pour le pape François, qui a demandé pardon aux victimes et créé une commission consultative pour la protection des mineurs au Vatican.
Parmi les mesures prises depuis 2019 figurent la levée du secret pontifical sur les violences sexuelles du clergé, l’obligation pour les religieux et laïcs de signaler tout cas à leur hiérarchie, ou la mise en place de plateformes d’écoute dans les diocèses du monde entier. Mais le secret de la confession demeure absolu.
Devant le pape, le roi des Belges Philippe a évoqué toute les victimes de l' »irréparable », « marquées à vie » par les crimes d’ecclésiastiques. « Il a fallu tellement de temps pour que leurs cris soient entendus et reconnus », a fait valoir le souverain.
Arrivé jeudi soir à Bruxelles après une étape de huit heures au Luxembourg, le pape François doit passer trois jours en Belgique, avec comme point d’orgue de la visite une messe dimanche au stade Roi-Baudouin où sont attendus plus de 35.000 fidèles.
Vendredi après-midi, il doit prononcer un discours devant des professeurs et chercheurs de l’Université catholique de Louvain en Flandre (la réputée KU Leuven), une étape qui doit permettre d’aborder la question de la migration et de l’accueil des réfugiés.
La KU Leuven, fondée en 1425, célèbre ses 600 ans lors de l’année universitaire 2024-2025. Son pendant francophone, l’UC Louvain, créé en Belgique francophone à la suite des vives querelles linguistiques des années 1960 et où le pape est attendu samedi, sera associée à ces célébrations.
La dernière visite papale dans le pays remonte à 1995, quand Jean-Paul II s’était rendu à Bruxelles pour la béatification du père Damien, missionnaire du XIXe siècle, canonisé depuis.
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