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On a bien entendu résonner le rire chazalien ! Gage que Malcolm était bien là

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Hélène Baligadoo
Conseillère artistique et scientifique de l’exposition
De Paris

Ce n’est pas à Maurice, mais à Paris que j’ai découvert l’œuvre de mon compatriote, Malcolm de Chazal. Alors étudiante en lettres à l’université de Nanterre, c’est à Claude Leroy, un enseignant dont j’appréciais particulièrement les cours consacrés aux auteurs surréalistes que je dois d’avoir lu Petrusmok. L’ouvrage m’a cueillie, et depuis Chazal ne m’a plus quitté que pour revenir frapper à ma porte, régulièrement.

Je lui ai ainsi consacré un livre publié en 2009 (1), fruit de plusieurs années de recherches, et dans lequel j’ai essayé de montrer ses nombreux visages (penseur, poète, mystique…) tâchant de transmettre sa singularité sans la trahir. Au cours de mes recherches, j’ai découvert sa peinture, étonnamment plus riche et subtile que je ne le pensais. Ses gouaches, j’en faisais l’expérience, déplacent le regard, rendent joyeux, et telles les eaux de mon île, régénèrent le cœur et l’âme.


J’ai depuis nourri le souhait qu’un jour celles-ci puissent être réunies et montrées à Paris. Projet partagé par d’autres, et le hasard a voulu que les intérêts convergent et se rencontrent puisque c’est à ce partage de bonnes volontés et de compétences que l’on doit l’inauguration de l’exposition qui a ouvert ses portes récemment.

Ce mardi 10 septembre a, en effet, été inaugurée à Paris, au pied de la Butte Montmartre et du Sacré cœur, dans l’enceinte du musée de la Ville dédié à l’Art brut, La Halle Saint-Pierre, une rétrospective unique en son genre entièrement consacrée à la production picturale de Malcolm de Chazal.  Fruit d’une collaboration entre le Blue Penny Museum de Port-Louis et le Musée de la Halle Saint-Pierre, cette exposition présente cent soixante œuvres du peintre mauricien dont la plupart n’ont jamais été montrées au public. On y évolue au sein d’une véritable re-création de l’univers chazalien constituée du film et des clichés que  Bernard Violet a consacrés à l’artiste (2), ainsi que d’aphorismes du poète, de citations extraites de ses nombreux ouvrages et articles, mises en résonance avec les œuvres, qui mettent aussi en avant le lien de l’artiste à Maurice.

Un des nombreux mérites de cette rétrospective dont les co-commissaires d’exposition sont respectivement Martine Lusardy ( Halle St-Pierre) et Emmanuel Richon (Blue Penny Museum) est d’avoir pu réunir des collections dispersées dans le monde, venues pour l’occasion de Maurice, du Pays de Galles, et de France. Rassemblant ainsi pour la première fois un échantillon suffisamment représentatif de cette peinture (huiles des premières années, gouaches qui évoluent au fil du temps) pour pouvoir éprouver la densité, la multiplicité et l’unité du trait chazalien, bien plus subtil que les images d’Epinal qu’on peut en avoir, de dodos et de fleurs aux couleurs vives, ne le laisse présager.

Devenu peintre à cinquante-six ans, Malcolm de Chazal, qui avait déjà le sens des couleurs et de l’espace    en témoignent tant d’aphorismes de Sens-plastique et de Sens-magique — fut comme un poisson dans l’eau le pinceau à la main. Ses illuminations intérieures, recréations de son environnement, trouvent spontanément leur déroulement sur la toile, dans un espace féérisé. Il peignit de façon continue, pendant plus d’une quinzaine d’années, rendant d’un geste sûr dans ses gouaches l’incandescence colorée de son île comme les oiseaux, poissons, vues de Port-Louis, montagnes… réunies à Paris le donnent à voir.

Un autre mérite de ce projet est de proposer au public un catalogue (3) qui réunit en excellente qualité les visuels des tableaux présentés et propose bien des pistes de lecture de cette œuvre en convoquant  une multiplicité de points de vue sur l’artiste mauricien (contributions d’écrivains, d’universitaires, de conservateurs à la fois français et mauriciens (4).


Cette exposition, soulignons-le, n’aurait pu avoir lieu sans l’implication des prêteurs, au premier rang desquels la Compagnie Beachcomber, qui a accepté de faire voyager une partie de sa collection, ainsi que la Mauritius Commercial Bank, principal soutien financier du projet, qui a également prêté ses tableaux. Saluons aussi la générosité de tous les collectionneurs particuliers qui se sont temporairement séparés de leurs œuvres, parmi lesquels des membres de la famille de Chazal.

Fait de hasard, cette présentation au public a lieu au même moment qu’au Centre Georges Pompidou est accueillie l’exposition (5) consacrée au surréalisme, dont Le Manifeste (6), publié en 1924, fête cette année ses cent ans. C’est en effet par les surréalistes que le poète mauricien avait gagné dès 1947 ses galons dans le panthéon littéraire français lors de la parution de Sens-plastique.

Il était grand temps de rendre justice à la peinture de Malcolm de Chazal. C’est chose faite. Que le public qui vient voir l’exposition puisse désormais éprouver le bonheur que le peintre aspirait à vivre et à communiquer, comme cela a été le cas lors de l’inauguration mardi soir rue Ronsard, dans l’enceinte du musée où l’atmosphère était à la liesse!

Dans le sas dédié à l’exposition dans lequel les œuvres étaient présentées sur des murs noirs qui faisaient ressortir l’intensité des couleurs, les invités sont venus en nombre. Le public n’a cessé d’affluer, étonné de découvrir l’étendue d’un univers qui lui était dans l’ensemble trop peu connu, souvent surpris de ne pas en avoir entendu parler plus tôt, et la phrase qui s’est le plus entendu a été : «  On se sent si bien entre ces tableaux… ».


Mauricien dans l’âme, amoureux de son pays et de sa nature, Malcolm de Chazal était présent, avec le sillage ensoleillé de Maurice  : « Cette exposition est comme un immense éclat de rire », a dit une visiteuse qui ignorait tout du peintre et le découvrait. On a en effet, au milieu de beaucoup de sourires, entendu résonner le rire chazalien ! Gage que Malcolm était bien là.

L’exposition Malcolm de Chazal se tiendra à Paris jusqu’au 19 janvier 2025 et sera suivie d’une exposition d’autres œuvres du peintre au Blue Penny Museum à Port-Louis partir du 20 février 2025.

1. Hélène Baligadoo, De Chazal, Un génie dans l’île joyeuse, éditions Mauritiana, 2009.

2. À ce sujet, voir : Bernard Violet, L’ombre d’une île, éditions L’Ether Vague et Malcolm, La Princesse et le dromadaire, éditions Philippe Rey.

3. Malcolm de Chazal, catalogue illustré de 182 pages, éditions Christian Le Comte, 2024.

4. Contributions entre autres de Françoise Py, Martine Lusardy, Emmanuel Richon, Eric Meunié, Hélène Baligadoo.

5. Surréalisme, au Centre Pompidou jusqu’au 13/01/2025.

6. André Breton, Manifeste du surréalisme, 1924.

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