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Malaise croissant à Air Mauritius : une folle semaine avec le spectre des traumatismes passés

  • Après avoir joué avec le feu de la peur de l’administration, volontaire le management tente de rassurer, mais les propositions sont loin des attentes des employés
  • Les profits de MK en 2023-24 seront plus conséquents qu’annoncés jusqu’ici

Suite à l’article de Week-End de dimanche dernier qui avait mis au centre des enjeux la déception du personnel concernant les relations industrielles et les négociations salariales, un malaise croissant s’était installé parmi les employés d’Air Mauritius. La tension était montée d’un cran face à une proposition salariale jugée « indécente » par les syndicats. Après une réunion le 13 septembre, ceux-ci avaient exprimé leur mécontentement face à l’absence d’augmentation du salaire de base, une première dans l’histoire de la compagnie. Les syndicats estimaient que cette proposition témoignait d’un « manque de respect » envers les employés, déjà affectés par des réductions de salaire durant la période de l’administration volontaire.

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Un ultimatum avait été adressé à la direction pour soumettre une nouvelle proposition acceptable d’ici au 20 septembre, menaçant d’actions syndicales si la situation ne changeait pas. Les syndicats réclamaient également que le système de bonus ne soit pas lié aux augmentations salariales, et soulignaient l’ironie de la situation alors que le secteur aérien mondial prospérait et que certaines compagnies concurrentes affichaient des profits records. MK agit comme si il manquait le pas.

Les employés en ont alors appelé au gouvernement, actionnaire majoritaire, à investir dans la compagnie pour améliorer leurs conditions de travail. Les syndicats espèrent conclure un accord avant les élections générales, craignant que celles-ci perturbent les négociations. Si la direction ne répond pas à leurs attentes, des actions syndicales sont envisagées pour faire entendre leur voix.

Pour contrecarrer cette tension montante, la direction a organisé un déjeuner de discussion au restaurant Opium avec les syndicats qui n’étaient représentés que par 5 des 8 reconnus à MK.

« La promesse d’une augmentation salariale de seulement 5% a été accueillie avec incrédulité… cela semblait davantage une insulte qu’un geste de bonne volonté », disent les témoins de ce déjeuner. Les syndicats ont exprimé leur mécontentement croissant, beaucoup ressentant le poids des traumatismes passés, hantés par une mauvaise gestion antérieure et les cicatrices laissées par la pandémie de Covid-19. « Pourquoi devrions-nous accepter les miettes de décisions médiocres ? » a interrogé un leader syndical.

L’approche du CEO leur a semblé presque désinvolte, présentant la modeste augmentation comme une concession tout en menaçant de possibles mesures administratives si les exigences devenaient trop élevées. « Nous ne paierons pas pour les promesses non tenues du passé », a riposté un représentant. Les accusations affluaient selon lesquelles les mêmes visages avaient été autorisés à superviser la chute de l’entreprise, tandis que de nouvelles initiatives comme les enquêtes Gallup et Korn Ferry semblaient servir uniquement les intérêts de la haute direction. À mesure que la frustration grandissait, la mention des liens du CEO avec les primes et autres avantages n’a fait qu’attiser le feu.
Le contexte historique pesait lourd. Beaucoup se souvenaient de l’héritage de dirigeants qui avaient mal géré les ressources, menant à des licenciements douloureux et à une morale brisée. Un même scénario, acteurs différents, semble se dessiner.

Dans son édition de mercredi 18 septembre, le journal Le Mauricien fait état d’une grave nouvelle qui circule au Paille-en queue Court concernant “un possible retour sous administration volontaire” qu’aurait annoncé le CEO d’Air Mauritius, Charles Cartier, flanqué de son COO, Sameer Baichoo, lors d’une tournée des bureaux des départements. Le duo aurait aussi évoqué des risques financiers suscitant stress et confusion parmi les employés, qui se sont rappelés des conséquences de l’administration en avril 2020 due à la pandémie et à une mauvaise gestion préalable.

Des témoignages d’employés confirment les inquiétudes suscitées par ces déclarations, provoquant une panique générale. Certains, plus lucides, se sont demandé si ces propos ne visaient pas à contrer des revendications salariales. Ils ont jugé l’attitude du CEO « irresponsable », soulignant que la direction « joue avec leurs nerfs » en évoquant des menaces non avérées.

Suite à cet article, la direction d’Air Mauritius a publié un communiqué pour tenter de rassurer le public et les employés sur sa situation financière, tout en écartant l’idée d’un retour sous administration volontaire, une déclaration qui aurait pourtant été faite par leurs auteurs lors de rencontres avec le personnel à travers les bureaux. La compagnie a qualifié de « fausse et trompeuse » ces informations que Week-End a confirmées auprès de plusieurs membres du personnel comme étant véridiques.

Le communiqué a également annoncé des résultats financiers positifs prévus pour fin mars 2024 et mentionné que la direction est en train de finaliser son plan stratégique, le Strategy Map 2031, qui prévoit une croissance stable pour les sept prochaines années. La direction a exprimé sa gratitude envers le personnel pour son engagement, malgré les conditions difficiles, dans une tentative de se rattraper.

Cependant, malgré ces assurances, le personnel ainsi que de nombreux observateurs restent inquiets quant à la santé financière de la compagnie malgré le bilan positif de Rs 200 millions annoncé pour 2021-22. Interrogé par Week-End, le porte-parole de MK affirme que les résultats 2023-24 seront plus probants encore, la preuve que tout va bien pour la compagnie. Malgré cette éclaircie annoncée, les employés font entendre leurs préoccupations, notamment en ce qui concerne les augmentations salariales, surtout après que les premières propositions de la direction aux syndicats ont été mal accueillies.
Dans ce contexte tendu, le management avait fait comprendre qu’il n’y aura guère de révision salariale, soit « zéro augmentation » dans la conjoncture — bien qu’une proposition de 5% ait été posée sur la table au déjeuner après.

Entre-temps, les pilotes s’en sont remis au ministère du Travail devant ce qu’ils qualifient “d’échec des négociations”. La MALPA aurait pourtant vainement tenté d’avoir un accord avec la compagnie, soit le rétablissement, entre autres, de leurs conditions de travail d’avant la pandémie de Covid-19. Le referral au ministère du Travail concerne le Collective Agreement de 2024, que la MALPA a rejeté en raison de la proposition du Management Cartier d’instaurer un Performance Management System. Ce système viserait à déterminer les augmentations salariales et les bonus des pilotes, mais les pilotes le jugent inapproprié en raison de ses implications en matière de sécurité et de responsabilité, ainsi que de son imprécision.

La MALPA souligne également le non-respect par la compagnie de l’accord de service avec le département Flight Operations, notamment en ce qui concerne les conditions de travail et le respect des jours de congé. Le syndicat critique la gestion des horaires de travail, qui ne convient pas aux pilotes.

Un autre point de contention est la question du Bypass Pay, une compensation pour les pilotes non promus par rapport à d’autres ayant moins d’ancienneté, qui semblait avoir été acceptée, mais que la compagnie aurait finalement remise en question. De plus, la MALPA s’oppose aux salaires élevés des nouveaux copilotes, qui gagnent 7 000 euros, alors que certains capitaines n’atteignent pas ce montant.

L’AMCCA sollicite également une rencontre avec le ministère du Travail
En marge des négociations syndicales en cours, l’Air Mauritius Cabin Crew Association (AMCCA) a sollicité une rencontre avec le ministère du Travail. L’objectif : discuter des différents droits des employés et de leurs conditions de travail selon ce que prévoit la loi. Entre autres, les conditions pour le travail de nuit, le transport des employés, le nombre de jours de congé

Des membres d’équipage interpellent le CEO

Un groupe de membres d’équipage d’Air Mauritius a adressé une lettre à Charles Cartier, le CEO, le 18 septembre 2024, pour exprimer leurs préoccupations concernant la gestion des processus de sélection et de formation au sein de l’entreprise.
Les membres d’équipage dénoncent un processus de sélection pour les postes de Flight Purser et Senior Flight Purser, qu’ils jugent biaisé, en particulier en ce qui concerne la composition du panel d’interview, incluant Jean Claude Beeharry, qui a été impliqué dans des controverses antérieures. Ils soulignent que sa présence sur ce panel soulève des questions sur son impartialité et son intégrité, en particulier en raison de ses liens avec certains types d’employés.

De plus, ils expriment leur frustration face à l’inefficacité du processus de sélection qui nécessite de passer en revue 300 candidats, alors qu’une nomination basée sur l’ancienneté aurait été plus efficace. Le groupe appelle M. Cartier à respecter les principes d’intégrité, de mérite et d’équité, comme il l’avait promis, et à prendre des mesures pour remédier à la mauvaise gestion des opérations au sein du département.
Les plaignants s’interrogent également sur le choix du lieu de formation, qui est organisée à Cascavelle au lieu d’un site plus économique, comme celui de Côte D’Or, et mettent en avant des problèmes de sécurité liés à des équipements de formation inadéquats ayant causé des blessures parmi les membres d’équipage.

Enfin, ils questionnent le besoin d’externaliser des services, tels que ceux de Gallup, pour recueillir les opinions des employés, suggérant que la direction devrait être en mesure de le faire en interne.

Cette lettre met en lumière un climat de mécontentement croissant parmi les membres d’équipage, qui souhaitent être entendus et que des actions concrètes soient entreprises pour améliorer leurs conditions de travail.

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