KAVINIEN KARUPUDAYYAN
A vu le jour, le 18 septembre 1924 en Afrique du Sud, à Durban, Radhamaney Poonoosamy (née Padayachy, plus connue comme Radha), elle qui a marqué l’histoire sociale et politique de Maurice avec ses idées féministes et progressistes. Cependant, elle est malheureusement peu connue des jeunes générations. Force est de constater que l’histoire contemporaine de la République de Maurice est quasi absente des manuels scolaires alors que les grandes dates de la colonisation hollandaise, française et anglaise sont connues, d’où ce portrait visant à lui rendre hommage en cette année de son centenaire de naissance.
Après avoir fait sa scolarité aux cycles primaire et secondaire à Durban, elle poursuit ses études à l’Université de Natal où elle est la première jeune fille noire à y étudier. Elle décroche un diplôme en anglais et sciences politiques. Les grandes qualités de Radha Poonoosamy se développent lors de son parcours universitaire pendant lequel elle prend position contre l’apartheid, et plus tard, en tant que membre exécutif de l’African National Congress. Elle est également sensible à la discrimination à laquelle fait face la communauté indienne établie en Afrique du Sud et milite pour cette cause au sein de la Women’s League du Natal Indian Congress.
Sa venue à Maurice en 1950 après son mariage avec le Dr Valaydon Poonoosamy changera le paysage politique mauricien, autrefois reservé aux hommes seulement. L’une de ses premières activités est d’aider le Haut Commissaire Indien d’alors, M. John Thivy en 1953 à fonder l’Indo-Mauritian Association, avec pour président Renganaden Seeneevassen, et elle-même comme secrétaire poursuivant ainsi sa lutte commencé dans son pays natal. Sa rencontre avec Seewoosagur Ramgoolam (avec qui elle partage la même date de naissance) est décisive à plus d’un titre. Durant cette rencontre, elle partage avec ce dernier les grands moments du combat contre l’apartheid et les avancées. Au fil de leurs rencontres, Ramgoolam plaça sa confiance en elle et le Parti Travailliste l’aligna en tant qu’unique candidate femme aux élections générales d’août 1967.
Depuis l’ère coloniale, il y a eu un grand vide quant à la participation de la femme dans le paysage politique de Maurice à l’exception de quelques rares accomplissements. Pendant les élections de 1948 dans la circonscription de Plaines-Wilhems/Rivière-Noire, Emilienne Rochecouste entre dans l’histoire comme étant la première femme à être élue au conseil législatif qu’elle servira jusqu’à 1953. Les élections municipales de 1956 verront Sherifa Damoo devenir la première femme conseillère municipale. Plus tard, Noëllie La Chichorée sera la première femme à être membre du Parlement mauricien. Le Parti de l’indépendance remporta les élections, l’indépendance de Maurice fut acquise, malgré la défaite de Radha Poonoosamy dans la circonscription de Belle-Rose/Quatre-Bornes. Elle finit en cinquième position derrière Maurice Lesage, Yvon St-Guillaume, Ajum Dahal, tous trois du Parti Mauricien Social Démocrate suivi de Guy Forget, son colistier au sein du Parti de l’Indépendance avec un nombre de 6,147 voix. Radha Poonoosamy continua à faire avancer ses idées et devint la Présidente de la Labour Women’s League. La LWL réussit à galvaniser les femmes instillant en elles un intérêt accru pour la chose politique et leurs capacités à apporter des améliorations concrètes dans leurs vies.
Elle forme un groupe dynamique avec les épouses de parlementaires et travaille sur le terrain pour mobiliser les femmes, les encourageant à voter et à faire voter. Par la suite, elle devint membre de l’exécutif du Parti Travailliste et l’un de ses vice-présidents.
Le 15 avril 1969, les conseillers municipaux de Quatre-Bornes marquent l’histoire de l’administration régionale à Maurice en élisant Radha Poonoosamy aux fonctions d’adjointe au maire. La fonction de premier magistrat de la Ville des Fleurs est assurée par Oumashunkur Hawoldar. Radha assurera l’intérimat au poste de maire en deux occasions. Malgré ce saut en avant, cela témoigne de la lente émancipation des mauriciennes en politique. Durant la même année, Radha assistera à une conférence internationale organisée par le Parti Social Démocrate de Madagascar. En 1971, elle sera la déléguée officielle du gouvernement mauricien au Forum International des Femmes à Dar-es-Salaam.
En 1975, décrétée comme l’International Year for Women par les Nations Unies, elle fait sa grande entrée à l’Assemblée législative à travers le système de Best Loser et devient la première femme ministre au sein d’un gouvernement mauricien. Elle prêtera serment devant Sir Harilal Vaghjee qu’elle qualifiera plus tard de “brilliant Speaker”. Le Premier ministre, Sir Seewoosagur Ramgoolam, lui confie le portefeuille de Women’s Affairs, Price Control and Consumer protection. En juin de la même année, elle dirigera une délégation de 12 femmes au Mexique pour assister à la première conférence internationale sur le statut des Femmes. Plusieurs idées germeront de cette conférence et des contacts sont établis avec d’importantes organisations militant pour le droit des femmes.
Dans le ministère nouvellement créé, une équipe dynamique sera recrutée et des changements profonds seront apportés sous la direction de Radha Poonoosamy dont :
a) La création d’un système de Price Control et un Consumer Council pour la protection des consommateurs.
b) La légalisation des mariages hindous suivant les recommandations du Comité Borstal.
c) Début de changement au code Napoléon, jugé archaïque et contre l’intérêt des femmes.
d) L’âge de consentement au mariage sera supérieur à 12 ans.
e) Les femmes travaillant dans des établissements sucriers ont enfin le droit d’être des cheffes de famille.
f) Ces dernières peuvent, elles-mêmes, remplir leurs formulaires d’Income Tax.
g) Les employés de la Zone Franche, comptant une grosse majorité de femmes, connaissent une première hausse de salaire, longtemps attendue et méritée.
h) Le même nombre de bourses d’État donné aux garçons sera offert aux filles, corrigeant ainsi une grande injustice.
i) Le système instauré pour assurer le contrôle de prix des produits a eu l’effet escompté et devait faire chuter l’indice des prix.
En 1976, elle sera candidate dans la circonscription numéro 6 (Grand-Baie/Poudre d’Or) et terminera à la 6e place avec un score de 8532 voies. En dépit des progrès accomplis depuis son temps, elle était particulièrement inquiète par rapport au manque de changements positifs concernant les femmes et des gens vivant dans la pauvreté dans son pays d’adoption. Plus tard dans un entretien, elle devait dire: “It is not normal in a supposedly developed society that the little people have to bear a high tax burden. Any government that respects itself should have a socialist side, whose interest would be to protect the most vulnerable people.”
En 2006, Radha Poonoosamy est élévée par le gouvernement mauricien au titre de Grand Officer of the Star and Key of the Indian Ocean (GOSK) pour services rendus à la nation mauricienne. Elle meurt à Durban en 2008 à la suite d’une longue maladie.
On se souviendra de Madame Radha Poonoosamy pour son activisme politique et social toujours en quête d’un monde meilleur pour tous, hommes et femmes, en Afrique du Sud, à Maurice et partout dans le monde.