Le tourisme reste le pilier de l’économie post-Covid-19. Il n’y a pas photo. La sécurité alimentaire représente une garantie que le pays pourra difficilement compromettre au risque de se mettre intrinsèquement en question. Deux secteurs qui devraient être au top de l’agenda de ceux qui aspirent à assurer à mener le pays à bon port avec les prochaines élections générales, dont les dates demeurent encore inconnues.
Une digression. Le peuple des Seychelles, dont l’expérience sur le front de la démocratie a été en dents de scie depuis son indépendance, a une avance confortable sur les Mauriciens, champions déclarés. Dès aujourd’hui, les Seychellois savent exactement à quelle date l’année prochaine, soit le 27 septembre 2025, ils vont se rendre aux urnes pour élire leur président avec pouvoirs exécutifs. Ce détail n’est pas la prérogative d’un homme, mais est inscrit depuis le début de l’année dans la Constitution.
Ainsi, en matière de démocratie et de transparence politique, les Seychelles jouent dans la cour des grands. Maurice se contente encore d’affirmer qu’elle n’a pas de leçons à apprendre des autres au risque de se voir empêtrée dans les sables mouvants de l’autocratie ou encore de la préhistoire politique de « l’État c’est moi ».
Une lacune susceptible de faire partie de la gamme de vulnérabilités stratégiques. Mais pour y remédier, le prochain scrutin devra créer les conditions, soit une majorité de trois-quarts. Aléatoire, prévoit l’autre. Par contre, que ce soit pour l’industrie touristique, d’une part, et la sécurité alimentaire, de l’autre, des décisions politiques s’imposent, et surtout nul besoin de cette majorité constitutionnelle qualifiée.
Que ce soit pour l’un, secteur comme pour l’autre, un facteur commun : la disponibilité des terres appropriées pour leur épanouissement. Dans une semaine, cela fera bientôt un an que le Deputy Prime Minister et ministre du Tourisme, Steven Obeegadoo, avait fait sienne avec sa verve habituelle un Paradigm Shift : 19 nouveaux projets hôteliers ; investissements de Rs 21,3 milliards et 2 615 chambres supplémentaires aux 13 000 existantes. Donc, des Prime Sites à identifier aux dépens d’autres activités économiques.
À l’heure du bilan, les advisers du Tourisme fourniront des éléments de réponse. Toutefois, l’équation fondamentale s’articule autour des vulnérabilités de la stratégie à trois S: Sun, Sea and Smile, d’autant plus que le phénomène du surtourisme, un 4e S, s’installe déjà aux premières loges. Les deux premiers S sont sujets aux effets désastreux du changement climatique, dont l’érosion des plus belles plages. Et le troisième S, le sourire professionnel de Maurice s’estompe au profit de la gaucherie hésitante de la main-d’œuvre importée. Que ce soit à la table des restaurants ou encore à la caisse à la sortie des malls de luxe.
Un déficit, non pas un refus, de débat sur le futur du tourisme peut corser l’addition non seulement sur le plan macro-économique. Il y a aussi la carte de l’autosuffisance alimentaire. Le touriste ne vient pas seulement pour admirer le paysage. La découverte des saveurs authentiques de l’île Maurice est un plus déterminant. Et plus terre à terre, l’autosuffisance alimentaire pour la population.
La culture vivrière nécessite une logistique bien définie, notamment la disponibilité de terres agricoles et de l’eau. Et c’est là où l’autre vulnérabilité stratégique se manifeste. Maurice n’est crédité que d’un taux de 25% au tableau de la sécurité alimentaire. Il y a un quart de siècle, les terres de Lonrho à Ébène ont connu une conversion à l’ère informatique. Certes, le secteur des services s’est transformé en un pilier économique majeur.
Mais ce n’est pas de la nourriture directement. Les devises générées servent à financer la facture alimentaire de l’ordre de Rs 55 milliards par an. L’instabilité dans le monde expose Maurice à des risques en matière d’approvisionnement et à des prix onéreux.
La récente annonce au sujet de l’introduction du Zero-Interest Housing Loan pour des jeunes de 18 à 35 ans, aussi légitime soit-elle dans cette conjoncture électorale, vient se greffer sur cette équation d’extrême précarité, avec la double pression sur les terres agricoles à être converties pour agrémenter le circuit de bétonnage et le détournement des investissements publics et privés dans le roc au lieu de la terre nourricière.
À première vue, le ROC (Return on Capital) dans l’immobilier est davantage rémunérateur que les fruits et légumes des champs. Encore plus légitime que les promoteurs immobiliers, avec le soutien des banques, ne décident de réduire leur champ de vision qu’à la construction résidentielle, convertissant le vert des champs à perte de vue à des blocs de béton, qui asphyxient TOUT.
L’enjeu de l’aménagement du territoire dans une île transcende toute autre considération aussi acceptable soit-elle et c’est là où le bât blesse…