ABDEL KURREEMBUKUS
Syndicaliste engagé
Après un premier grand pas vers un salaire minimum en 2018, qui a ouvert la voie à une révision constante au fil des années, le deuxième aspect de l’exercice de réalignement salarial vise à corriger les écarts salariaux entre les différentes catégories de travailleurs, en prenant en compte l’ancienneté, l’expérience et les responsabilités de chacun.
Récemment, le gouvernement a annoncé une mesure populaire pour un alignement salarial, suscitant un véritable espoir chez de nombreux travailleurs qui attendent des réformes depuis longtemps. Cependant, malgré l’annonce officielle, la mise en œuvre de cette mesure semble prendre du retard, laissant place à des incertitudes et des doutes parmi les travailleurs.
La relativité salariale est un sujet de grande importance pour les travailleurs du pays et demeure au cœur de toutes les conversations depuis quelques semaines entre collègues, amis ou membres de la famille. En effet, cette mesure – annoncée par le ministre du Travail le 9 août lors d’une conférence de presse – a créé des attentes au sein de la classe des travailleurs. Et la grande question est … « Kan pou gazetted? » car c’est ce qu’attend, semble-t-il, le patronat du secteur privé afin de mettre en œuvre cette mesure.
Un contexte politique sensible
Mais bien que démontrant une bonne intention de la part du gouvernement, avec le retard pris pour rendre cette mesure applicable, cette situation soulève une question légitime : cette mesure de relativité salariale a-t-elle été réellement pensée pour être appliquée, ou s’agit-il simplement d’une promesse destinée à renforcer l’image du gouvernement sans réelle intention de concrétisation ? Les travailleurs, dans leur ensemble, sont en droit de se poser cette question, d’autant plus que les semaines passent et que rien de concret ne semble se matérialiser depuis cette annonce faite.
Dans un contexte où le coût de la vie augmente et où l’écart entre les hauts et les bas salaires va se réduire, il est évident que la question de la relativité salariale revêt une importance capitale. Mais plus le temps passe, plus l’impatience grandit parmi les travailleurs…avec raison !
De plus, les informations récentes laissent entendre que le patronat, notamment Business Mauritius, pourrait chercher à influencer ce processus. En effet, il semblerait que des lobbyings soient en cours afin de retarder la mise en œuvre de cette mesure ou même de la modifier. Si ces manœuvres sont avérées, elles risquent de compromettre sérieusement les bénéfices escomptés pour les travailleurs, voire de dépourvoir la réforme de sa substance au bénéfice du grand patronat.
Les intérêts du patronat contre ceux
des travailleurs
Le secteur privé, qui regroupe certaines des plus grandes entreprises du pays, possède une influence considérable sur le plan économique et politique. Il n’est donc pas surprenant d’entendre parler d’un lobbying potentiel de la part de ce groupe pour freiner les réformes. Le secteur privé, en particulier dans le contexte de la mondialisation et de la compétitivité, pourrait percevoir la relativité salariale comme une menace à ses marges de profit, surtout ces entreprises qui rechignent à offrir des rémunérations attractives, privilégiant des salaires bas pour conserver leur compétitivité et leur rentabilité.
Mais il est intéressant aussi de noter que la MRA a récemment dévoilé un plan de soutien aux Petites et moyennes entreprises (PME) dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas Rs 100 millions, pour la période de juillet 2024 à juin 2025. Ces PME pourront bénéficier d’une aide financière. Donc personne ne peut brandir la menace de licenciement quand ces augmentations de salaire sont évoquées.
Le mois de septembre sera donc un moment décisif pour savoir si cette mesure de relativité salariale sera effectivement « gazetted », et prendra donc effet. Si cette étape est franchie, cela signifiera que la mesure aura force de loi et toutes les entreprises du pays seront dans l’obligation de l’appliquer.
Il est important de rappeler que cette question de relativité salariale ne concerne pas uniquement un petit groupe de travailleurs, mais bien l’ensemble du monde du travail.
Pour conclure…
La question de la relativité salariale relève de la justice sociale. La mesure annoncée par le gouvernement est une étape dans cette voie et elle est tout à son honneur. Cependant, elle doit être mise en œuvre rapidement et sans concession aux pressions du patronat.
Les travailleurs doivent donc rester vigilants et unis pour s’assurer que leurs droits ne soient pas bafoués. Si cette réforme réussit à voir le jour dans les conditions annoncées, elle représentera un progrès significatif pour les conditions de vie de nombreux travailleurs et de nombreux ménages à travers le pays. Dans le cas contraire, elle pourrait être perçue comme un échec du gouvernement à tenir ses promesses.
Il est crucial de rappeler que les travailleurs sont la colonne vertébrale de l’économie, et si cette mesure est retardée ou modifiée sous la pression du patronat, cela pourrait indiquer que les intérêts des grandes entreprises auront prévalu sur ceux des travailleurs.
Un dernier point : quid des travailleurs qui sont rémunérés au-dessus des Rs 50,000 ? Question non couverte par la loi, d’où l’importance que le plafond de Rs 50,000 soit augmenté à Rs 75,000.
Il appartient désormais aux travailleurs de rester mobilisés et de suivre avec attention les développements à venir.