En ce temps de prélude à la campagne électorale, la tentation de tout réduire à la configuration politique est quasiment insurmontable. Mais tel n’est pas le cas dans la circonstance. Non pas parce que le chef de la basse-cour se montre depuis quelque temps discret après un passage marqué par un taux d’adrénaline quelque peu poussé. Cela pour des raisons que l’on pouvait deviner facilement.
Toutefois, dans la conjoncture, l’alerte de la basse-cour mérite d’être prise au sérieux. Très au sérieux. Rien ne doit être laissé au hasard car les conséquences pourraient faire mal. Des apparatchiks, intéressés par les tractations entre le MSM et ses alliés et le PMSD de Xavier-Luc Duval, peuvent être rassurés. Cette alerte n’a nullement trait à la chose électorale d’autant que très bientôt, les bans pour l’union entre le MSM et le PMSD seront publiés.
N’empêche que cette alerte de la basse-cour est éminemment politique. Elle touche à un aspect fondamental de la vie de chaque Mauricien. Cet avertissement ramène chaque Mauricien à la question fondamentale de la sécurité alimentaire. Un sujet relégué souvent au second plan tant que le pain quotidien est Taken For Granted.
Il y a presque un an juste avant son décès et luttant contre une longue maladie, le chantre du Kreol Morisien, le Mauricien Dev Virahsawmy, puisant de ses ultimes forces, avait fait et répété un vibrant plaidoyer pour que chacun puisse mettre en terre un arbre à pain ; au nom de la sécurité alimentaire de demain. De son côté, de manière systématique, Lalit se fait un devoir plus que patriotique pour situer ce même enjeu sur le plan national. Est-ce exagéré d’affirmer que cet appel, aussi noble soit-il, est tombé dans l’oreille d’un sourd ?
Et ce n’est nullement difficile à dire la même chose au sujet des préoccupations de l’heure des autres décideurs. Peut-être que la teneur des manifestes électoraux en préparation, et qui seront présentés au moment approprié de la campagne, pourra apporter la contradiction et rétablir les faits.
Cette alerte de la basse-cour s’est signalée une première fois par la disparition des œufs des étagères dans le commerce au détail. Puis ce fut au tour du poulet de table de porter l’étiquette pénurie dans le circuit de la consommation. Chacun a été de ses explications. Les autorités ont préféré privilégier la thèse d’un accroissement de la consommation pour se donner un air de satisfaction. Et non pas se tirer d’affaire.
Mais l’équation de la sécurité alimentaire ne se limite pas à l’œuf ou au poulet. C’est vrai que la State Trading Corporation assure l’approvisionnement du marché en produits stratégiques : riz, farine, huiles et autres denrées de base.
Ainsi, pour que le marché soit alimenté en légumes et fruits locaux, il y a un élément essentiel. Incontournable. N’est-il pas vrai de dire que sans eau, il n’y a aucune vie possible sur Terre. Les dernières statistiques officielles confirment le déficit alors que les perspectives ne sont guère reluisantes à ce titre.
Le niveau des réservoirs baisse à vue d’œil. Déjà trois points de moins que la moyenne historique ou encore par rapport à l’année dernière. Pire est la dernière analyse de la Météo en date de vendredi, soit « August 2024 turned to be the third driest August since the last 20 years. well below normal rainfall was recorded over Mauritius during the month of August amounting to 61 mm representing 56% of the long term mean ».
Pourtant, à la fin du mois d’avril dernier, les indicateurs se conjuguaient à l’optimisme. Une moyenne représentant 109% de la moyenne à long terme avec une pointe de 178 mm en 24 heures le 21 avril à Antoine Medine. Ou encore 509,8 mm en un mois à Ferney. Une gestion de l’eau digne de ce nom, que ce soit de la part des autorités ou des consommateurs, n’aurait jamais dû céder à une équation de panique en cette période de l’année.
Toutefois, la saison des grandes pluies d’été n’est annoncée que pour la fin de cette année. Le prochain Summer Outlook de la Météo suscite déjà une attente pour recadrer le problème de la disponibilité et de la fourniture de l’eau avec la promesse devenue un imperturbable 24/sek.
Et c’est là que l’alerte de la basse-cour axée sur les œufs et le poulet assume toute pertinence. Le pays est-il en mesure d’affronter cette longue période avant les premières pluies d’été et satisfaire les besoins les plus élémentaires du consommateur domestique, les exigences industrielles pour soutenir la croissance, annoncée comme forte, les aspirations du tourisme et les pressions du secteur de l’agro-industrie ?
Au lendemain de la proclamation des résultats des élections et une fois que les clameurs se seraient tues avec l’absence d’arrivée précoce des grandes pluies, le Wake-Up Call de l’eau relancera l’alerte de la basse-cour tout en reléguant au second plan la surenchère des promesses de la campagne…