Tumulte électoral ou être sourd comme un pot

Avec des investissements massifs de Rs 2,6 milliards et ses 500 lits, sans compter des équipements flambants neufs et de dernier cri, l’hôpital de Flacq, qui sera appelé à devenir un centre hospitalier universitaire (CHU), desservant la région océan Indien, va figurer au bilan du gouvernement sortant en vue des prochaines élections générales.

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Au même titre que le SAJ Bridge, reliant Chebel à Sorèze, enjambant les gorges de la Grande-Rivière-Nord-Ouest, une prouesse architecturale et technique, au coût de Rs 4,3 milliards. Les Top Chefs de Lakwizinn du Prime Minister’s Office ne manqueront pas d’éléments pour habiller électoralement ces deux projets d’infrastructure.

Mais ce scénario avait été échafaudé avant cinq phrases, lourdes de sens et pesant probablement plusieurs milliards. Pour ne pas dire tout l’or du monde. Sandra Cheong n’a pu s’empêcher de transcender sa profonde douleur pour dénoncer une absence flagrante de bon sens et de dignité.

Aux bancs des accusés : le ministère de la Santé. Décor de fond : la gestion par ce même ministère de la pandémie du Covid-19. Pourtant, à chaque occasion donnée, le ministre de tutelle et même les autres Top Guns de l’Establishment politique ne ratent pas l’occasion de s’appuyer sur les louanges formulées par les technocrates de la Banque mondiale ou encore de l’Organisation mondiale de la Santé à ce chapitre en faveur de Maurice.

Toutefois, la Santé ne s’attendait à aucun moment de voir Sandra Cheong monter en première ligne ces jours-ci pour laisser parler son cœur d’épouse meurtrie par la disparition prématurée en 2020 du Frontliner, le Dr Bruno Cheong, emporté brutalement par la pandémie, alors qu’il s’était donné pour mission de lutter contre le Covid-19 et de tenter de sauver des vies humaines.

Sandra Cheong ne conteste nullement la prérogative des autorités d’attribuer des noms de personnalités à des fleurons physiques de la république de Maurice. Une occasion de perpétrer l’exemple d’abnégation, dont elles ont su faire preuve de leur vivant. Une reconnaissance républicaine qui n’a pas de prix.

Les deux dernières des phrases de la missive assassine de Sandra Cheong démolissent de manière irrémédiable tout ce que les rapports de ces technocrates internationaux, qui n’auront probablement même pas sali leurs mains au plus fort de la pandémie du Covid-19, ont cru pouvoir transmettre aux générations futures. Sauf pour rédiger ces constats théoriques.

Cet appel au bon sens et à la dignité est sans appel. Un cri du cœur. D’un cœur très lourd face à un manque cruel de compassion. Un rappel : the word empathy has not found its way in the dictionary for nothing.

Le nom du Dr Bruno Cheong avait été donné à l’hôpital de Flacq où ce dernier avait exercé en signe de reconnaissance et de gratitude. C’était en octobre 2020 avec le Dr Bruno Cheong tombant en première ligne de la lutte contre le Covid-19 en avril 2020.

« Ce n’est pas un honneur de voir son patronyme affiché sur un hôpital qui tombe en désuétude ! Par ailleurs, s’il est vrai, comme on l’a dit alors, que c’était en reconnaissance à la personne, à son professionnalisme comme médecin que l’on a nommé l’hôpital après lui, le bon sens voudrait que cette reconnaissance demeure d’une façon ou d’une autre et surtout dans la dignité. »

C’est ce que plaide Sandra Cheong. Dans la conjoncture, la question qui se pose est de savoir si la veuve du Dr Bruno Cheong avait besoin d’interpeller les autorités, surtout le ministre de tutelle au sujet de cette entorse innommable à la dignité intrinsèque de ce médecin et à sa mémoire.

Le tumulte grandissant de la campagne électorale, en toile de fond, risque d’étouffer cette voix de la raison d’autant plus que dans la plupart des cas l’Establishment politique se complaît à jouer le rôle d’être sourd comme un pot devant tout ce qui est logique mais qui n’est nullement conforme à son jeu.

Cette démarche de Sandra Cheong, intervenant dans un contexte de jubilation électorale, peut facilement ramener à cette réflexion de l’écrivain et sénateur du monde latin, Pline le Jeune (an 62 à vers 114 de notre ère), qui dans son panégyrique de l’empereur Trajan, avait trouvé que « la prospérité montre les heureux, l’adversité montre les grands. »

Et ce n’est pas le seul cri du cœur face à l’adversité de ces derniers jours. L’appel des parents des élèves d’Agaléga devant prendre part aux prochains examens de School Certificate est un autre exemple de cette dure réalité vécue en solo et loin des clameurs électorales, où tout, semble-t-il, a un prix fixé par les puissants du jour…

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