Justice / Police : Érosion continue de la confiance

  • Pourtant, une majorité marginale de 56% des Mauriciens déclarent faire « un peu» ou « beaucoup » confiance aux tribunaux
  • Mais la méfiance est surtout vis-à-vis de la police par 47% des Mauriciens qui  expriment peu ou pas de confiance envers ceux qui sont censés protéger la population

Le sondage révèle qu’une légère majorité de Mauriciens (56%) exprime un niveau de confiance modéré à élevé dans les tribunaux. Plus précisément, 35% des répondants ont déclaré qu’ils font “quelque peu” confiance aux tribunaux, tandis que 21% leur font “beaucoup” confiance. Cependant, une partie significative de la population reste sceptique, 32% indiquant qu’ils font “un peu” confiance en la Justice et 9% ne lui faisant pas confiance du tout. Ce niveau de confiance mitigé suggère que bien qu’une majorité croit encore en la capacité de la magistrature à rendre justice, une minorité importante remet en question son équité et son efficacité.

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Selon les données d’Afrobarometer, 56% des Mauriciens déclarent faire « un peu » ou « beaucoup » confiance aux tribunaux. À première vue, ce chiffre semble raisonnable, mais il cache une réalité plus complexe. Ce niveau de confiance, bien que majoritaire, laisse un espace inquiétant pour le doute. Les 44% restants, qui éprouvent une faible confiance, témoignent d’une population qui se sent de plus en plus désenchantée par le système judiciaire. Désenchantement qui pourrait être symptomatique d’un système perçu comme lent, biaisé ou inaccessible pour certains segments de la population.

La police face à une crise de légitimité

Il est essentiel de se demander pourquoi cette méfiance persiste. Est-ce dû à une perception d’injustice dans certains procès médiatisés ? Ou est-ce que l’accès inégal à la justice, souvent critiqué, joue un rôle majeur ?

Dans la perception négative, il ne faut pas minimiser la proximité remarquée d’un proche de la hiérarchie judiciaire dans le giron des pouvoirs publics mauriciens.

Cette érosion de la confiance met en lumière la nécessité de réformes profondes pour garantir que la justice ne soit pas seulement faite, mais qu’elle soit perçue comme étant faite de manière équitable et transparente.

La situation est encore plus préoccupante lorsqu’on examine la perception de la police. Près de la moitié des Mauriciens (47%) exprime peu ou pas de confiance envers ceux qui sont censés protéger la population. Ce chiffre est particulièrement alarmant dans le contexte des récentes accusations de brutalité policière, notamment lors des manifestations du mouvement Rane Nou Later. La question se pose alors : comment une société peut-elle fonctionner sainement lorsque presque la moitié de ses citoyens ne fait pas confiance à ceux chargés de maintenir l’ordre ?

Cette méfiance grandissante envers la police est le reflet d’un malaise plus profond. Les allégations de brutalité et d’abus de pouvoir ne sont pas nouvelles à Maurice, mais leur récurrence ces dernières années semble avoir érodé la crédibilité des forces de l’ordre. Chaque cas de violence policière non sanctionné renforce l’impression d’une impunité systémique, ce qui alimente davantage la défiance populaire.

Ainsi  la confiance du public dans la police semble encore plus fragile. Le sondage indique qu’au delà du fait que 47% des répondants ont peu ou pas confiance dans la police, avec 37% déclarant qu’ils ont “juste un peu” confiance en la police et 10% affirmant qu’ils n’ont “aucune” confiance. Seuls 14% des Mauriciens expriment “beaucoup” de confiance dans la police, tandis que 38% leur font “quelque peu” confiance. Le niveau relativement faible de confiance est particulièrement alarmant, étant donné le rôle essentiel de la police dans le maintien de l’ordre.

Les résultats de l’enquête surviennent à un moment où les conversations nationales sur les brutalités policières ont été ravivées, notamment après des incidents impliquant des manifestants et la police, lors d’une manifestation de rue, cette semaine. L’utilisation de la force excessive par la police a probablement exacerbé les préoccupations du public.

Nécessité de réformes

L’enquête Afrobarometer souligne la nécessité de réformes pour restaurer la confiance du public dans la Justice et la police. Pour les tribunaux, garantir la transparence, l’équité et l’efficacité des procédures judiciaires est crucial pour maintenir et potentiellement augmenter la confiance du public. Pour la police, aborder les questions de responsabilité et d’usage de la force est essentiel pour reconstruire la confiance du public et faire en sorte que les forces de l’ordre soient perçues comme des protecteurs plutôt que des menaces. Les résultats du sondage suggèrent que les deux institutions ont un défi majeur à relever pour regagner la pleine confiance du public mauricien, ce qui est essentiel pour maintenir l’état de droit et assurer la stabilité sociale.

La baisse de confiance dans la police et le système judiciaire a des répercussions qui vont bien au-delà des simples statistiques. Elle menace de miner le tissu social en exacerbant les tensions entre la population et les institutions.

Les implications pour la gouvernance et la société

Dans une démocratie saine, la confiance dans les institutions de justice et de maintien de l’ordre est essentielle pour assurer la stabilité et l’équité. Lorsque cette confiance est ébranlée, la légitimité même de ces institutions est remise en question.

Pour restaurer cette confiance, il est impératif que des mesures concrètes soient prises. Cela inclut des réformes visant à améliorer la transparence et l’équité du système judiciaire, ainsi qu’une refonte des pratiques policières pour prévenir les abus et garantir que chaque acte de violence policière soit traité avec la gravité qu’il mérite. Il est également crucial d’engager un dialogue national sur ces questions pour s’assurer que toutes les voix soient entendues et que des solutions durables puissent émerger.

En conclusion, les résultats du sondage Afrobarometer 2024 doivent servir de signal d’alarme pour les autorités mauriciennes. Si la confiance dans les institutions publiques continue de se détériorer, non seulement la stabilité de la société est en jeu, mais aussi la capacité du pays à avancer vers une gouvernance plus juste et inclusive.

Des tendances en marche depuis 2022 

Déjà dans une étude semblable réalisée en 2021et confortée dans le Rapport No. 526, Afrobarometer examine les perceptions négatives que les Mauriciens ont de leur force de police, notamment à l’époque, à la lumière des controverses entourant la brutalité policière. Un sondage nationalement représentatif de 1,200 Mauriciens, mené en mars 2022, révèle une profonde méfiance et des préoccupations concernant la corruption au sein de la police.

Les principaux résultats

l Confiance dans la police : En 2022, seulement 46% des répondants font “quelque peu” (33%) ou “beaucoup” (13%) confiance en la police, une baisse significative par rapport à 59% en 2014. La confiance est plus faible parmi les résidents urbains et ceux qui connaissent des niveaux de pauvreté plus élevés.

l Corruption et activités criminelles : 24% des répondants croient que “la plupart” ou “tous” les policiers sont corrompus, tandis que 67% pensent que certains officiers sont impliqués dans des actes de corruption. De plus, 45% des citoyens soupçonnent la police de se livrer à des activités criminelles, 15% d’entre eux croyant que cela se produit fréquemment.

l Comportement de la police : Une majorité de citoyens estiment que la police abuse de son pouvoir, 64% affirmant que la police arrête parfois les conducteurs sans raison valable et 58% croyant que la force excessive est utilisée lors des manifestations. De même, 63% pensent que la police favorise certaines personnes ou groupes, au détriment d’autres.

l Violence sexiste et Santé publique : Malgré ces perceptions négatives, 88% des répondants sont confiants que la police prendra au sérieux les rapports de violence sexiste. De plus, 62% sont d’accord avec l’utilisation de la police par le gouvernement pour faire respecter les mandats de santé publique en période d’urgence.

l Crainte et interaction avec la police: 24% des citoyens se sont sentis en insécurité en marchant dans leur quartier au moins une fois au cours de l’année précédente, et 11% ont craint un crime dans leur domicile.

Cependant, seulement 9% ont demandé de l’aide à la police, bien que 58% aient rencontré la police dans d’autres contextes. Parmi ceux qui ont interagi avec la police, 12% ont déclaré avoir dû payer un pot-de-vin pour éviter des problèmes.

l  Rôle du gouvernement dans la réduction de la criminalité : Seuls 21% des Mauriciens pensent que le gouvernement réduit efficacement la criminalité, reflétant une insatisfaction généralisée à l’égard de l’application de la loi.

Ces résultats mettent en évidence une baisse significative de la confiance du public dans la police et soulèvent des préoccupations quant à la corruption et aux abus au sein de la force.

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