Quand l’hippisme mauricien devient l’enjeu des politiques et la mafia…

La scène hippique mauricienne, longtemps considérée comme une fierté nationale et une vitrine de notre héritage culturel et patrimonial, se retrouve aujourd’hui prise en otage par les ambitions politiques. Le changement maintenant de la fin de la saison hippique pour le 6 octobre, décidée par le bureau du Premier ministre (PMO), en est l’exemple le plus frappant. Alors que la Horse Racing Division (HRD) avait initialement fixé la date au 10 novembre, cette révision soudaine révèle comment les courses de chevaux, autrefois guidées par l’enthousiasme sportif et le respect des traditions, sont désormais soumises aux manœuvres électorales.

- Publicité -

Cette décision, loin d’être anodine, vise à libérer la voie pour les préparatifs du Mouvement Socialiste Militant (MSM) pour consolider ses assises et une alliance politiques en vue des élections générales à venir. C’est un mouvement stratégique qui montre à quel point le gouvernement est prêt à se servir des institutions historiques pour garantir sa survie politique par une nouvelle victoire électorale. En décidant d’avancer la fermeture de la saison, le PMO ne fait pas qu’interférer davantage avec le calendrier sportif pour montrer que c’est lui qui fixe les agendas ; c’est lui qui redéfinit les règles du jeu en donnant l’impression de sacrifier JMLS, et par ricochet marquer son attachement supposé à l’intégrité de l’hippisme, en vérité, sur l’autel des calculs électoraux.

Les négociations, récemment au point mort comme évoquées par Week-End dimanche dernier, ont été relancées ces jours-ci à la hâte entre le PMO et le Mauritius Turf Club (MTC). Elles montrent surtout que cette décision n’est pas uniquement motivée par des considérations hippiques. Le MTC, autrefois un pilier inébranlable de l’hippisme mauricien, se trouve désormais à la merci des humeurs politiques. Le Premier ministre, Pravind Jugnauth, qui, jusqu’à présent, est resté discret sur l’avenir de l’industrie hippique, pour ne pas mécontenter son financier d’hier, semble enfin prêt à clarifier ses intentions. Une déclaration imminente est dans le collimateur, mais les enjeux sont clairs : remettre le MTC au centre de l’organisation des courses tout en écartant les éléments devenus et jugés indésirables, comme Jean Michel Lee Shim et ses associés. Une décision lourde de conséquences, mais devenue nécessaire devant les objectifs ratés et les actes manqués de Lee Shim & Co.

Figure controversée du paysage hippique, Lee Shim est en fait un magicien d’Oz des paris hippiques… en fait des paris tout court… observe les développements avec une certaine inquiétude. Son influence au sein de People’s Turf Plc (PTP) et de Global Equestrian Limited (GEL) a fait de lui un acteur incontournable. Cependant, ses prétentions à des relations privilégiées avec le Premier ministre semblent de plus en plus fragiles. Les informations selon lesquelles le gouvernement pourrait réhabiliter le MTC au détriment de PTP ne font qu’exacerber les tensions entre le PMO et les instances hippiques que sont la GRA et la HRD d’un Beekhary affaibli, mais sous influence de son pote. Si ces spéculations se confirment, Lee Shim se retrouvera dans une position précaire, ses ambitions de dominer la scène hippique anéanties par un gouvernement décidé à faire une volte-face triple salto arrière pour redorer le blason du MTC pour les beaux yeux, bleu clair, du PMSD, devenu aux jeux, pas toujours sains, des alliances, la bouée de sauvetage inespérée pour gagner les élections législatives de plus en plus imminentes…

Pire, l’exclusion, si elle se confirme, de la possibilité d’organiser des courses à Petit Gamin, Balaclava, est un coup dur pour Lee Shim. Cette décision, attribuée à des sources haut placées, souligne la volonté du gouvernement de réaffirmer le contrôle exclusif du MTC sur l’hippisme, limitant ainsi les marges de manœuvre de celui dans lequel le PM avait mis toute sa confiance il n’y a pas si longtemps, sous les conseils avisés de son conseiller spécial pour redorer le blason de l’hippisme, un certain Dev Beekharry, devenu le fantôme du Prime Minister’s Office…

En revanche, du côté de l’alliance PTr-MMM-ND, on suit ces événements avec intérêt. Navin Ramgoolam, leader du Parti travailliste, a promis de rétablir le MTC dans ses droits, s’assurant ainsi du soutien des acteurs traditionnels de l’hippisme mauricien. Ces engagements pourraient bien peser dans la balance électorale.

La politisation de l’hippisme mauricien est un triste reflet de la situation actuelle. Ce qui aurait dû rester un domaine réservé au sport et à la tradition est aujourd’hui manipulé pour servir les intérêts politiques. Le sort du MTC et de l’industrie hippique dans son ensemble dépendra non seulement des décisions des électeurs, mais aussi de la capacité des dirigeants à séparer le sport de la politique. La course est loin d’être terminée, mais une chose est certaine, il faudra du temps et du savoir-faire pour remettre l’hippisme mauricien sur la bonne piste tant aujourd’hui elle est gangrenée par la magouille et la mafia, au point où les instances régulatrices sont elles-mêmes dans un état de décomposition avancée.

Et ce n’est pas l’affaire Alvinio Roy, qui a conduit à la disqualification du jockey pour une période de cinq ans, qui va changer la perception d’une industrie hippique en pleine décadence aussi dans ses instances régulatrices et de contrôle. La monte du jockey Roy était déjà un événement qui a non seulement choqué le monde des courses, mais a également soulevé de nombreuses questions sur la manière dont cette affaire a été gérée par les autorités du turf mauricien.

Pour rappel, la chute d’Alvinio Roy lors de la 15e journée sur Special Force avait déclenché un torrent de commentaires et de spéculations, aussi bien localement qu’à l’international. À la lumière des événements qui ont suivi, il est impératif de se demander si la sanction imposée est vraiment juste et proportionnée, ou si elle est un masque pour contrer une absence de volonté d’aller au fond des choses dans cette enquête.

Pour commencer, la défense d’Alvinio Roy, bien qu’articulée autour de plusieurs points, n’a visiblement pas réussi à convaincre les commissaires des courses, et pour cause. Le jockey a expliqué que sa chute était due à un déplacement de la selle, une assertion que les commissaires ont logiquement rejetée après avoir recueilli des témoignages contraires de la part de l’entraîneur Praveen Nagadoo et des palefreniers présents ce jour-là. L’enquête s’est également penchée sur l’affirmation de Roy selon laquelle il n’était pas habitué aux étriers qu’il utilisait lors de la course, ce qui aurait contribué à son déséquilibre. Là encore, cette défense a été écartée par les commissaires, qui ont souligné la manière « propre » et « parfaite » quand il est tombé, sans encore une fois aller plus loin :

La sévérité de la sanction, cinq ans de disqualification, peut apparaître comme une réponse extrêmement dure à des actes jugés comme intentionnels. Toutefois, cette décision semble plus axée sur l’idée de faire un exemple que sur une véritable quête de vérité. La règle 80.1.19, qui stipule que « nul ne doit commettre, inciter ou conspirer avec quiconque pour commettre une pratique corrompue, frauduleuse, malhonnête ou interdite en relation avec les courses », a été invoquée pour justifier cette sanction. Cependant, l’application de cette règle dans ce contexte semble discutable. Est-il possible que les commissaires aient cherché à protéger l’image du sport au détriment d’une enquête approfondie et équitable ?

Un autre aspect troublant de cette affaire est la rapidité avec laquelle la sanction a été imposée, alors même que des zones d’ombre persistent. Par exemple, la relation entre l’instruction donnée par l’entraîneur Praveen Nagadoo et l’interprétation qu’en a faite Alvinio Roy reste floue. Si Roy croyait qu’il agissait sous les ordres directs des commissaires, pourquoi cette confusion n’a-t-elle pas été clarifiée avant de prononcer la sentence, lourde certes, mais loin de la disqualification attendue vu les vraies raisons derrière cette chute intentionnelle sur laquelle les commissaires n’ont rien fait ? La confusion autour de cette instruction aurait dû faire l’objet d’une enquête plus approfondie, pour déterminer s’il s’agissait d’un simple malentendu ou d’une manipulation délibérée.

De plus, la décision de référer l’affaire à la Police des Jeux suggère une volonté de transformer une enquête interne en une affaire criminelle potentielle, alors que jusqu’ici, cette Police des Jeux a brillé par son absence malgré les maldonnes hebdomadaires les unes aussi choquantes que les autres. Cette escalade soulève des interrogations sur l’opportunité et la motivation derrière une telle démarche. Était-ce vraiment nécessaire, ou est-ce une tentative de donner plus de poids à une décision déjà controversée ? Le recours à la Police des Jeux pourrait être interprété comme un moyen de renforcer la légitimité de la sanction, mais cela pourrait également indiquer une réticence à poursuivre une enquête indépendante et impartiale au sein de la structure des courses.

Il est également important de noter que cette affaire met en lumière un manque apparent de volonté de la part des commissaires de pousser l’enquête plus loin. Les témoignages recueillis, bien que nombreux, semblent avoir été utilisés de manière à conforter une décision déjà préétablie. Les commissaires ont-ils vraiment cherché à comprendre tous les aspects de cette affaire, ou ont-ils simplement sélectionné les éléments qui corroboraient leur hypothèse de départ ? Par ailleurs, les témoins appelés, tels que les palefreniers et l’entraîneur, étaient tous des personnes ayant une relation directe avec le cheval ou le jockey, ce qui pourrait biaiser leur jugement ou les amener à protéger leurs intérêts.

L’absence de recours à des experts indépendants pour analyser les faits, notamment la chute elle-même, est un autre point qui mérite d’être souligné. Pourquoi n’a-t-on pas fait appel à des spécialistes extérieurs pour évaluer les circonstances exactes de la chute ? Une expertise indépendante aurait permis d’apporter un éclairage neutre sur la situation et aurait pu corroborer ou contredire les conclusions des commissaires. Ce manque de rigueur dans l’enquête renforce l’impression que l’on a voulu conclure l’affaire rapidement, sans chercher à examiner toutes les hypothèses possibles.

Le jockey a-t-il agi seul ? Avait-il un complice ? Ou pire, a-t-il été contraint ?

Avec ces questions, l’impact de cette sanction sur la carrière et la vie d’Alvinio Roy ne peut être sous-estimé. Une disqualification de cinq ans, dans le milieu des courses, est pratiquement une sentence de mort professionnelle. Cela signifie non seulement une perte de revenus substantielle, mais aussi une stigmatisation qui pourrait le suivre bien au-delà de la durée de sa suspension. Cette affaire soulève de graves préoccupations quant à l’intégrité des processus d’enquête dans le monde des courses. Si la lutte contre la fraude et la corruption est cruciale pour maintenir la crédibilité de ce sport, il est tout aussi essentiel de s’assurer que les sanctions infligées sont fondées sur des preuves solides et sur une enquête exhaustive. La décision rapide et sévère dans ce cas semble indiquer une volonté de clore rapidement une affaire embarrassante, plutôt que de chercher à découvrir la vérité.

Les commissaires, en cherchant à protéger l’image du sport, ont peut-être oublié que la justice ne doit pas seulement être faite, elle doit aussi être perçue comme ayant étant faite…

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour