Héritiers en désaccord : querelle sur les revenus artistiques de Roger Clency

Deux des héritiers du chanteur décédé Roger Gobindram – qui avait bâti sa popularité sous le nom de Roger Clency – se livrent une bataille à distance pour revendiquer leurs droits respectifs sur la gestion des revenus artistiques de leur père. Cette histoire, que les protagonistes Michael Clency Gobindram et Jean-Alain Gobindram, dit Jean-Alain Clency, ont souhaité (pour l’un) et accepté (pour l’autre) de révéler, est un imbroglio qui n’est pas près de se dénouer. Le premier, l’aîné, a servi une mise en demeure à sa mère, la chanteuse Marie-Josée Clency, pour avoir dans un affidavit désigné le deuxième, le benjamin, comme étant le seul gestionnaire des droits d’auteur et de compositeur de Roger Clency. Et, au passage, dans cette joute familiale, Jean-Alain Clency reproche au producteur et musicien Gérard Louis de percevoir des droits d’édition sur les plus grands succès de son père.

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Huit ans après le décès de Roger Clency, l’une des icônes du séga mauricien, son patrimoine musical se retrouve au centre d’un conflit familial. Une divergence s’est également manifestée avec le producteur et musicien Gérard Louis concernant les droits d’édition de 20 chansons, dont les plus grands succès de Roger Clency. Bien que cette affaire semble d’abord relever d’un contentieux familial, la sortie imminente d’un single intitulé Pa ignor mwa par Michael Clency – fils aîné de Marie-Josée et Roger Clency – pourrait porter le problème au-delà de la sphère privée.

Mise en demeure
Michael Clency, 63 ans, est installé depuis huit ans à La Réunion après avoir passé une majeure partie de sa vie en France. Dans ce single, un cri d’appel à l’amour filial, il n’évoque pas explicitement le différend qui l’oppose à sa mère, à ses deux frères et à sa sœur. Cependant, il précise que cette chanson est, selon lui, une réponse au rejet dont il se dit victime. Selon Michael Clency, sa famille aurait coupé les ponts avec lui, lui reprochant notamment sa proximité avec le producteur Gérard Louis. “J’avais approché Gérard, sur les conseils de mon père, lorsqu’il était à La Réunion, pour lui demander de produire un de mes titres, Marylène”, raconte Michael Clency. Depuis, les deux hommes entretiennent des relations cordiales. Cependant, ses proches estiment que le producteur aurait manipulé Roger Clency en 2011 pour obtenir les droits d’édition des chansons les plus populaires de ce dernier. Ils soupçonnent également Michael Clency de lorgner l’héritage financier du patrimoine musical de l’auteur de Rosa, ce que Michael Clency dément.

Vaine conciliation
En revanche, il concède désapprouver la gestion des droits d’auteur de son père par son jeune frère, Jean-Alain Clency. Il explique que ce dernier, dans un affidavit qui aurait été rédigé par sa mère, est devenu l’unique gestionnaire des droits d’auteur et de compositeur de Roger Clency. À son tour, Michael Clency a fait servir une mise en demeure, en décembre dernier, à sa mère pour lui demander de respecter les dispositions légales en matière de répartition équitable entre héritiers. “Elle n’a pas réagi…”, se désole Michael Clency.

De son côté, Jean-Alain Clency ne contredit pas son frère aîné sur la gestion des droits d’auteur et de compositeur de leur père. Cependant, dans une déclaration à Week-End, il insiste sur le fait qu’il a été mandaté par sa mère, Marie-Josée Clency, pour effectuer cette tâche. Depuis le décès de Roger Clency, la chanteuse est la bénéficiaire directe. Contestant la décision de sa mère, Michael Clency explique : “Je suis l’aîné de la famille. J’estime qu’étant le premier né, il me revient de gérer les droits d’auteur de mon père si cela s’avère nécessaire. Ma mère Marie-Josée Clency est la seule à être autorisée à toucher les revenus découlant des droits d’auteur et de compositeur pendant la carrière artistique de mon père. Cela doit être ainsi pour le restant de sa vie. Mais je suis convaincu que la gestion de cet argent ne se fait pas dans les bonnes conditions, y compris légales, et que cela profite à une seule personne, en l’occurrence Jean-Alain Clency.”

De passage à Maurice, l’aîné du clan Gobindram explique qu’il s’en est remis à un avocat pour régler le litige qui l’oppose à sa famille. “Dans une démarche de conciliation, j’ai écrit une longue lettre à ma mère cette année. Malheureusement, il n’y a pas eu de retour”, avance Michael Clency. Il ajoute : “J’ai toujours été très proche de mon père. Il n’y a jamais eu de malentendu entre nous. Aujourd’hui, ma famille a décidé de rompre le contact avec moi. C’est une décision qui n’est pas facile à accepter.”

Manipulation alléguée
De son côté, à Nice où il vit, Jean-Alain Clency n’en démord pas. “Michael Clency a été manipulé par Gérard Louis. Ce dernier a déposé un faux document à la MASA pour faire croire que c’est mon père, de son vivant, qui lui a cédé les droits d’édition de certaines de ses chansons en 2011, et ce, pour 50 ans.” En effet, dans une lettre dactylographiée datée du 28 mai 2011, le signataire Roger Clency dit céder les droits d’édition (après l’enregistrement de quelques concerts à partir de 2008) à Gérard Louis pour une durée de 50 ans. “Je connais mon père, il était intelligent. Il n’aurait jamais fait cela,” défend vigoureusement Jean-Alain Clency, avant de nous faire parvenir une lettre manuscrite. Celle-ci – qui porte aussi la signature de Roger Clency et le sceau de la Rights Management Society (ancien nom temporaire de la MASA) – date de 2015. Dans cette lettre, Roger Clency, qui accuse réception d’un courrier de la société, explique qu’il n’a jamais été question qu’il cède les droits d’édition de ses chansons figurant sur les CD des concerts Nostalgie, les légendes du séga ; Nostalgie, la reconnaissance et 50 ans Séga à Gérard Louis.

Droits d’édition
En faisant cela, il revient, donc, sur la lettre qu’il avait signée et envoyée à la société en 2011. Jean-Alain Clency émet le souhait que sa mère “puisse vivre tranquillement” et veut, dit-il, la préserver de tout stress lié à cette affaire. “Elle a 80 ans et a travaillé pendant 66 ans aux côtés de mon père. Elle a le droit de profiter de ce qui lui revient”, concède-t-il. Il souligne également que son frère aîné, tout comme le reste de la fratrie, sont les héritiers du patrimoine musical de Roger Clency.

Pour sa part, Gérard Louis dit regretter la tournure de cette affaire familiale et s’en tenir à un accord professionnel entre lui et Roger Clency. “C’est en 2008 que Roger Clency a pris contact avec moi pour relancer sa carrière musicale. Les éditions du concert Nostalgie ont suivi et Roger Clency, comme une palette d’artistes, en a fait partie. Il est évident que lorsque vous organisez un concert, investissez votre argent dans celui-ci, et l’enregistrez sur DVD et CD, les droits d’édition vous reviennent ! L’artiste qui se produit n’est certainement pas privé de ses droits d’auteur et de compositeur, s’il y a droit,” explique Gérard Louis.

Il affirme avoir agi en toute transparence et avoir respecté le règlement en vigueur à la MASA. Il ajoute que le retour de Roger Clency sur scène a également permis à son épouse Marie-Josée Clency (qui vit en France), ainsi qu’à Jean-Alain Clency, de se produire à ses côtés. Le producteur dit que Roger Clency ne l’avait jamais informé de la lettre de 2015, d’autant plus que le défunt communiquait régulièrement avec lui. Il affirme ne pas comprendre l’ampleur prise par cette histoire et ne souhaite pas en commenter davantage, d’autant que les parties impliquées ont entamé des actions légales.

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