Privy Council – Rapport Lam Shang Leen : Me Coomara Pyaneandee obtient gain de cause 

Me Coomaravel (Coomara) Pyaneandee peut pousser un ouf de soulagement. Le Conseil Privé lui a finalement donné raison, mettant fin à une bataille juridique qui aura duré six ans. Dans un jugement long de 30 pages rendu mardi, Lord Hodge, Lord Sales, Lord Richards, Lady Rose et Lady Simler lui ont donné gain de cause et ordonné que les paragraphes le concernant – figurant aux pages 232 et 233 du rapport de la Commission d’enquête sur la drogue présidée par l’ex-juge Paul Lam Shang Leen en date de juillet 2018, et l’accusant d’avoir tenté de pervertir le cours de la justice – soient « disregarded ».

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Les faits remontent à août 2017 quand Me Pyaneandee, qui a des troubles de vue et de l’ouïe (visual and hearing impairments) avait été convoqué par la Commission d’enquête pour fournir des explications sur des informations à l’effet qu’il avait effectué des « unsolicited visits » à la prison de Beau-Bassin au début des années 2000, alors qu’il venait tout juste de prêter serment comme avocat. Il lui était reproché d’avoir rencontré plusieurs détenus à la prison, dont un dénomé Bottesoie, qui était poursuivi sous une charge de trafic de drogue avec un certain Rajen Velvindron, alors qu’il n’était pas son client. Il était reproché à l’homme de loi d’avoir incité Bottesoie à changer de version et de ne pas impliquer Velvindron contre de l’argent. La Commission avait recommandé qu’une « in-depth enquiry » soit instituée contre l’homme de loi « to look into the role of Counsel which seemed to have tried to pervert the course of justice and trying to shield traffickers. » Me Pyaneandee avait nié les accusations portées contre lui et s’était tourné vers la Cour suprême pour une judicial review des findings de la Commission le concernant.

Dans un jugement rendu le 28 mai 2021, la Cour suprême – par l’entremise des juges David Chan Kan Cheong et Karuna Gunesh-Balaghee – avait rejeté la demande de revision judiciaire de l’avocat. Les juges avaient statué qu’il n’y avait pas de findings en tant que tel à son égard, mais seulement des commentaires et des observations qui, selon un principe de droit bien établi en administrative law, ne sont pas susceptibles de révision judiciaire. Me Pyaneandee n’était pas de ce avis. Il estimait que les paragraphes le concernant étaient bien des findings et non des commentaires et/ou observations et qu’elles portaient un grave préjudice à son intégrité et son professionnalisme.

La Commission égratignée
C’est ainsi qu’il s’est tourné vers le Conseil Privé pour faire appel du jugement des juges Chan Kan Cheong et Gunesh-Balaghee. Le Judicial Committee a trouvé que les juges mauriciens ont accordé une appréciation trop restrictive des commentaires de la Commission à l’égard de Me Pyaneandee. Le fait qu’il avait été identifié comme faisant partie de ces « handful of barristers strongly believed to have engaged in potentially unethical if not illegal activities », la Cour suprême aurait dû adopter une approche plus libérale de ces allégations d’autant que, selon le Privy Council, « considerable harm to a person’s professional standing and reputation can flow, not only from findings of a commission but also from allegations or adverse comment set out in an enquiry report. »

Pour les Law Lords, il y a suffisamment de matière pour amener le présent case « within the ambit of judicial review », contrairement à ce qu’avait statué la Cour suprême.
Étant satisfait que les findings de la Commission dans le cas présent étaient « amenable to judicial review », la Conseil privé s’est ensuite attardé sur la procédure adoptée par la commission. Et là, autant dire que les Law Lords n’ont pas été tendres envers la bande à Paul Lam Shang Leen, accusée de n’avoir pas respecté les règles basiques de justice naturelle et des rules of evidence. L’exemple le plus flagrant est le refus de fournir à Me Pyaneandee une copie du procès verbal (transcript) de sa comparution devant la Commission en août 2017. Pour le Conseil Privé, le refus de la Commission de fournir une copie du process-verbal comme demandée par Me Pyaneandee « did not afford the appellant a fair opportunity to give worthwhile evidence and make worthwhile representations on his own behalf », surtout que la requête avait été faite dans le cadre des troubles de vue et de l’ouïe de l’avocat qui, lors de de sa comparution devant la Commission, avait du mal à entendre et à bien comprendre les questions qui lui étaient posées.
Il faut dire que le non-respect de règles de justice naturelle a placé Me Alain Choo-Choy, KC, qui représentait la Commission devant le Board, dans une position des plus delicates avec un cas presque indéfendable sur les bras, comme le relèvent les Law Lords au paragraphe 47 de leur jugement. « Mr Choo-Choy KC’s inability (on instructions) to answer the Board’s factual questions placed him in an unenviable and difficult position. The Board regrets the failure by the respondents to assist the Board in this way. »

Pour toutes ces raisons, le Conseil Privé a donné gain de cause à Me Coomara Pyaneandee qui avait retenu les services de Mes Rishi Pursem, SC, Yves Hein et Arvind Sookhoo, et l’avouée Dya Ghose pour les besoins de cet appel.

Embarras de l’Exécutif
Ce jugement du Conseil Privé met l’Exécutif dans un embarrass certain en cette fin de mandat, surtout que Pravind Jugnauth s’est beaucoup appuyé sur ce rapport pour démontrer qu’il means business dans sa lutte contre le trafic de drogue. Un rapport de plus en plus démonétisé et dont le sérieux ne peut plus être pris a l’aune de son contenu, vu les revers que ses rédacteurs ont essuyé en cour ces dernières années. Les cas de Mes Sanjeev Teeluckdharry et Roubina Jadoo-Jaunbocus en sont des exemples.

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