La dernière séance ?

La dernière séance de l’Assemblée législative a ressemblé à celles qui l’ont précédée depuis 2020. La lourde empreinte du Loud Speaker, qui avait transformé l’hémicycle en une espèce de foire de vente à l’encan, dont il était le principal encanteur, a perduré. Habitué à s’attaquer, s’insulter et se menacer pendant quatre ans de suite, les députés ont offert aux Mauriciens — ceux qui ont eu le courage de suivre cette séance programmée tard dans la nuit — encore un épisode de parlementaires en délire. Tout ça pour, d’une part, critiquer le tout nouveau Speaker et, de l’autre, le défendre dans le cadre d’une motion de blâme dont on ne comprend pas trop l’urgence. D’autant qu’on savait d’avance qu’il ne serait pas voté, le gouvernement disposant de sa majorité de députés tap latab. Est-ce cette réalité arithmétique qui a fait que la motion de censure du leader de l’opposition n’a même pas été secondée ? Fallait-il une motion de blâme non secondée pour démontrer que la nomination d’Adrien Duval au perchoir était sa récompense pour service rendu au MSM : faire le PMSD quitter l’alliance à défaut d’avoir pu la casser ? Mais contrairement à ce qu’espérait le MSM, à première vue, le retrait du PMSD semble avoir donné à l’alliance de l’opposition le dynamisme qu’il commençait sérieusement à manquer. Paradoxalement, cette motion de blâme contre le nouveau Speaker aura surtout servi à mettre en exergue les qualités du Deputy Speaker, celui dont le MSM n’avait pas voulu pour remplacer le Loud. C’est le seul à avoir adopté, lors des débats houleux sur le motion de blâme de lundi dernier, une attitude digne d’un parlementaire. Non seulement il a su reprendre le Premier ministre, ministres et membres de la majorité quand il le fallait, mais il a aussi fait subir le même traitement du côté de l’opposition. Là où le Loud aurait suspendu et expulsé à tour de bras, avec Premier ministre et vice-Premier ministre se précipitant pour faire voter des motions d’urgence, il a suspendu… la séance pour permettre aux uns et aux autres de se calmer et de décompresser. Zahid Nazurally a réussi l’exploit — c’en est un dans le Parlement d’aujourd’hui — de diriger les débats sur une motion explosive sans une expulsion ou une suspension !
Cette dernière séance a aussi permis de confirmer que sous sa prétention à être le chef incontesté des coqs, Xavier-Luc Duval est d’abord une maman poule dont la priorité est de veiller à la promotion et la défense de ses poussins. Au lieu de laisser les autres critiquer et défendre son coquelet, il s’est lancé dans la mêlée bec, ergots et ongles, parfois en allant chercher des poux dans la tête de ses adversaires en essayant de les déplumer vivant. En particulier son successeur au poste de leader de l’opposition dont il a dit que le discours était « confus, embrouillé et totalement à côté de la plaque » et d’être sous la coupe de Paul Bérenger. Et pour faire aller dans sa critique contre son prédécesseur, Xavier-Luc Duval a réalisé une première dans les annales du Parlement. Il a déposé une motion de blâme contre l’actuel leader de l’opposition. C’est la première fois qu’un membre de l’opposition — c’est en tout cas la place qu’il occupe au Parlement et que son fils refuse de modifier — dépose une motion de blâme contre un autre. Tout comme la motion d’Arvin Boolell n’a pas été soumise au vote, il est évident que celle de Xavier-Luc Duval ne sera jamais débattue. Mais elle a dû provoquer un choc chez Arvin Boolell, lui qui, le lendemain de la cassure, défendait encore le leader du PMSD ! Cette dernière séance a été également marquée par le retournement de veste de Pravind Jugnauth qui, après avoir, il y a quelques mois, accusé Adrien Duval d’avoir commis un délit dans une affaire d’accident de la route, demande aujourd’hui que les critiques à l’endroit de son nouveau Speaker ne figurent pas dans le Hansard. Encore une illustration de la capacité de nos politiciens à changer de langage et de partenaires. Et puis, il y a eu aussi eu la tentative de pugilat de celui que l’on surnomme “ministre l’omelette”, qui a voulu se précipiter sur deux députés de l’opposition pour leur faire entendre raison physiquement. Encore un qui doit regretter le Loud Speaker et sa capacité à n’entendre que d’une oreille et à ne voir que d’un œil. Ceux braqués, en permanence, sur les membres de l’opposition.
C’est ainsi que s’est déroulée la dernière séance de cette présente session du Parlement. Dans les vociférations et les insultes, comme cela a été le cas au cours des quatre dernières années. Espérons que ces quatre ans n’auront été qu’une parenthèse honteuse — et, il faut le souligner, effectuée avec la complicité active du gouvernement et de sa majorité — dans l’histoire du parlementarisme mauricien.
Jean-Claude Antoine

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour