En quête de visibilité

Comment exister lorsqu’on est déjà en vacances pour deux mois, ou pour toujours, après seulement cinq jours de travail, que l’on dispose de chauffeur, ce qui est bien commode lorsqu’on est de toutes les libations enivrantes, et que l’on recevra Rs 375,000 par mois et une pension toute sa vie ? Ben, on invente chaque semaine une décision. Même si elle est ridicule. C’est ce que fait le Speaker Adrien Duval.
En quête désespérée de visibilité et de légitimité, il a décidé de s’afficher et d’émettre des communiqués pour justifier une nomination qui fait toujours scandale. Pour l’affichage, il y a eu le tournoi politico-sportif, organisé au no 6, par Anjiv Ramdhany – dont l’intervention lundi dernier sur la motion de blâme du leader de l’opposition n’a rien à envier aux propos sectaires prononcés par Mahmad Khodabaccus – et une apparition, vendredi, à la cérémonie de clôture de la conférence du World Hindi Secretariat.
Pour la quête de légitimité, c’est toujours dans le registre de l’intendance que cela se passe. Le Speaker a ainsi décidé de venir avec une mesure consistant à admettre des “citoyens” au Parlement pour les familiariser avec le fonctionnement du lieu. La belle affaire !
Or, ces visites, interrompues en raison de la pandémie du Covid, étaient jadis chose courante. Des membres de clubs du 3e âge débarquaient régulièrement de leurs autobus spécialement affrétés par les élus de leurs circonscriptions pour faire le tour de l’hémicycle, certains/es s’amusant même à se mettre sur le siège réservé au Speaker, au Premier ministre ou au leader de l’opposition.
C’était aussi le cas pour les jeunes qui participaient au Youth Parliament, un exercice qui permettait de découvrir des débatteurs avec de vrais talents oratoires, ce qui changeait des élus incapables de prononcer une phrase intelligible. Il fut aussi un temps où ministres et députés pouvaient inviter certains de leurs partisans à suivre les débats et à participer au déjeuner au Lunch Room.
Adrien Duval enfonce une porte ouverte présentée comme une grande nouveauté et le plus amusant c’est qu’il se trouve quelques ignares ou suiveurs pour célébrer cela comme l’innovation du siècle. S’il voulait vraiment faire son boulot, il devrait déjà avoir supprimé la distance sociale qui est maintenue dans l’hémicycle, malgré la fin déclarée du Covid, et permettre aux députés d’un même groupe d’être plus rapprochés et ainsi faciliter un seating arrangement qui soit plus conforme au rapport de forces en présence.
Et pendant que le Speaker circonstanciel essaie d’attirer la lumière, il ne serait pas juste ni honnête de ne pas saluer la bonne performance offerte par le Deputy Speaker, qui, comme le veulent le règlement et la logique, a eu la délicate tâche d’arbitrer les échanges entre majorité et opposition sur la motion de blâme visant le Speaker.
Recadrer le Premier ministre qui a pris la mauvaise habitude d’orienter les décisions du perchoir et de faire comme bon lui semble sans être rappelé à l’ordre, signifier à Rajiv Ramdhany que c’est inapproprié de recourir au communalisme comme argument de défense du Speaker, c’est faire preuve d’une témérité rare.
Et lorsqu’on sait comment fonctionne le régime MSM qui ne supporte pas la contradiction et ne croit que dans des béni-oui-oui et des agents domestiqués, la prestation du Deputy Speaker n’en est que plus louable. Pour un premier mandat en tant que député et sans parrainage familial, faire preuve d’autorité mérite d’être amplement salué. Bravo Zahid Nazurally !
Pour rester dans le registre des motions, comment ne pas évoquer celle que l’ancien leader de l’opposition a déposé contre son successeur ? C’est vrai que c’est conforme à la menace de “pou gayn zafer ar mwa si touss mo piti”, mais que quelqu’un qui revendique être toujours dans l’opposition dépose une motion de blâme contre celui qui la dirige est aussi mal inspirée que fantaisiste.
Sans le PTr et sans Arvin Boolell en particulier, Xavier Duval ne serait pas au Parlement aujourd’hui. Lorsqu’on doit sa survie politique aux autres, on se la joue plus modeste, à défaut de faire preuve de reconnaissance.
Si le leader du PMSD voulait se faire remarquer et présenter à tout prix une motion de blâme qui ait du sens, il aurait bien pu la diriger contre le ministre Bobby Hureeram qui a voulu aller cogner Patrick Assirvaden. Et cela, d’autant qu’il avait parlé de “cholos” pour ceux qui s’étaient opposés verbalement et, très bruyamment, il est vrai, à la nomination de son fils au perchoir.
Mais à la veille des élections, il ne faut pas aller chercher la rationalité des positions et la cohérence des propos chez les opportunistes historiques. Le pire est, sans doute, à venir… Ce pire à venir devrait aussi s’appliquer aux cadeaux que le gouvernement offrira à mesure que l’échéance approche.
Pas sereins ni certains de l’issue de la prochaine joute, le MSM, après avoir embarqué le PMSD, s’attellera désormais à essayer d’amadouer l’électorat. La solution de la problématique de la relativité salariale, née du rehaussement du seuil du salaire minimal, avait été gardée pour la veille du scrutin, question de faire croire que c’est un cadeau du gouvernement, mais pourquoi ne pas l’annoncer à la veille du rassemblement de l’opposition dans l’espoir de refroidir l’ardeur de ses partisans ?
C’est le calcul fait par les têtes pensantes – ou penchantes, diraient les plus perfides – des dirigeants. Or, les calculs n’obtiennent pas toujours les effets recherchés. Le budget avait vite été oublié et englouti par des hausses de prix vertigineuses qui se sont terminées par la saga des œufs.
Il fallait faire quelque chose, d’où les annonces de vendredi sur la correction des anomalies qui avaient frustré les salariés intermédiaires. Mais là aussi, l’heure n’est pas à la jubilation générale. Les employés du privé ne sont pas dupes de ce qui les attend au supermarché, tandis que leurs collègues du public sont remontés contre les 5% qui leur ont été accordé. Le 14e mois, peut-être, pour essayer de se refaire une virginité…

- Publicité -

 

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour