« Le chemin de la guerre ne mène jamais vers une paix durable » – Martin Luther King Jr.
DIPLAL MAROAM
Personne ne conteste le droit d’un État à se défendre contre un agresseur ou envahisseur quelconque pour assurer la protection de ses frontières et la sécurité de sa population ; cependant lorsque ce droit est exercé, sans contrainte et retenue, par des offensives militaires de grande ampleur de manière indistincte et disproportionnée, il s’agit alors de rien d’autre qu’une opération génocidaire menée contre tout un peuple innocent et sans défense. Dans ce contexte, l’on se demande comment, avec des services secrets considérés comme les meilleurs et plus performants au monde (Shin Beth, Aman et Mossad, responsables respectivement de la sécurité interne, des informations militaires et du renseignement externe), l’État hébreu n’a jamais pu cerner les membres de la branche armée du Hamas – les Brigades al-Qassam – auteurs des tirs de roquettes depuis la bande de Gaza vers son territoire et surtout, anticiper l’attaque criminelle du 7 octobre 2023 impliquant des commandos et ayant fait des centaines de victimes sans compter les otages qui sont toujours détenus à Gaza.
Pourtant, le chef du bureau politique du Hamas, Ismaël Haniyeh, a bel et bien été traqué à Téhéran le 31 juillet dernier et éliminé par une frappe aérienne que les observateurs mettent sur le compte des services secrets israéliens. Un assassinat qui a encore fait monter la tension non seulement entre les deux ennemis jurés, l’Iran et l’État hébreu, mais également dans toute la région.
Le conflit israélo-palestinien, l’épicentre du problème au Proche-Orient, ne date pas d’hier, ce en dépit de la volonté exprimée par la communauté internationale et l’ONU de faire triompher la paix dans cette partie du monde. Pour se faire une idée de la genèse de ce conflit, il faut revenir aux origines de la création de l’État d’Israël et toutes les circonstances géopolitiques collatérales qui ont émergé depuis.
La Palestine, autrefois territoire gouverné par les Ottomans, passa sous mandat britannique en 1922 avec l’approbation de la Société des Nations, ce qui n’empêcha pas les affrontements de plus en plus violents entre populations arabes et juives.
Ainsi, après la 2e Guerre mondiale, alors que l’opinion internationale découvrit avec effroi l’horreur des camps sur les ruines encore fumantes et de l’Holocauste, les bouleversements des rapports de forces au niveau mondial aboutirent au partage de la Palestine en 1947 par la résolution 181 des Nations unies, prévoyant l’établissement d’un État juif sur 56% du territoire et d’un État arabe sur les 44% restants.
Le 14 mai 1948, jour de la déclaration de l’indépendance d’Israël, les forces juives avaient déjà expulsé 400,000 Palestiniens de leur terre et occupaient la majorité des villes et villages arabes. Au total, quelque 415 villages seront détruits ou reconvertis. Pour les Palestiniens, c’était alors la « Nakba », c’est-à-dire, la catastrophe.
La dégradation de la situation va s’accélérer et à l’issue de la guerre de 1967, l’Israël s’est approprié tout le territoire. Avec la création de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) en 1964 et l’accession de Yasser Arafat à sa présidence en 1969 et ce jusqu’à sa mort en 2004, la résistance va peu à peu s’engager dans la voie de la revendication d’un État palestinien indépendant à côté d’Israël. Ainsi, dans le sillage de la première Intifada (1987-1993), le combat palestinien se recentrait sur les territoires occupés en 1967. La première négociation israélo-arabe (entamée en 1991 à Madrid) et israélo-palestinienne avait permis une reconnaissance réciproque mais dissymétrique entre Israël et l’OLP. Cependant, l’échec de la négociation de Camp David en 2000 de même que le doublement du nombre de colons pendant les pourparlers suscitèrent la seconde Intifada quelques mois plus tard. Se succédaient alors plusieurs offensives de l’État hébreu, la construction d’un mur d’annexion puis l’incursion israélienne durant l’hiver de 2008-2009 dans la bande de Gaza, territoire toujours assiégé depuis.
Il convient de faire ressortir que beaucoup d’observateurs voyaient l’élection du candidat du parti modéré Fatah, Mahmoud Abbas, en janvier 2005 à la tête de l’Autorité palestinienne après la mort de Yasser Arafat, comme un événement majeur, précurseur de stabilité dans la région après des décennies de tension, entrecoupée de plusieurs conflits armés entre arabes et l’État hébreu. Même avant son accession au pouvoir, M. Abbas, qui avait prôné la démilitarisation de l’Intifada, avait promis qu’il engagerait des négociations avec Israël afin « de mettre fin à la souffrance des Palestiniens car c’est un peuple qui mérite tout notre estime, notre respect, notre fidélité. »
De son côté, le Premier ministre israélien d’alors, Ariel Sharon, avait qualifié l’émergence d’un nouveau leader palestinien comme « une chance historique qu’il faut saisir » et promis de travailler avec lui afin d’appliquer son plan de retrait de la Cisjordanie. Mais c’était sans compter avec les radicaux islamistes qui avaient pourtant laissé entendre qu’ils coopéreraient avec le vainqueur du scrutin de 2005, quel qu’il soit. Alors que le Fatah s’était résigné à concevoir la paix comme une condition essentielle de coexistence pacifique de deux États, l’un juif et l’autre palestinien, le groupe Hamas, qui a pourtant été créé avec le feu vert d’Israël en 1982 pour servir en tant que contre-pouvoir à l’OLP, prône lui l’élimination pure et simple de l’État hébreu.
Certes, ce parti extrémiste est responsable des tirs de roquettes sur Israël et des représailles de ce dernier en conséquence. Mais force est de constater que le Hamas ne représente pas la totalité de la population palestinienne d’environ 2 millions d’habitants vivant dans l’enclave de Gaza. La grande majorité de cette population n’est guère concernée par la politique et ne souhaite qu’une chose : vivre dans la paix et la sécurité. Or, la seule voie possible vers cet objectif demeure la reconnaissance, par les parties concernées, de l’existence pacifique de deux États adjacents, l’un juif, l’autre palestinien. Et, dans ce contexte, l’ONU doit essentiellement sortir des sentiers battus pour enfin assumer les responsabilités qui sont les siennes, c’est-à-dire, agir résolument comme un garant et catalyseur de la paix.
Finalement, le président américain qui a été contraint de renoncer à la course à la Maison-Blanche, subit ces jours-ci, les foudres de l’opinion publique par rapport à son support inconditionnel au régime de Tel-Aviv, particulièrement à l’opération militaire du Tsahal dans la bande de Gaza. Manifestement, pour tenter de prendre ses distances de cette politique dans le cadre de la campagne électorale, Kamala Harris, le probable successeur de Joe Biden, avait préféré briller par son absence plutôt que d’applaudir le discours de Benyamin Netanyahu devant le Congrès américain le 24 juillet dernier alors que des femmes et enfants tombaient sous les bombes israéliennes. Ce qui a valu à la candidate démocrate un gain non négligeable de sa cote de popularité dans les sondages.