Le président du Mauritius Labour Congress (MLC), Haniff Peerun, n’apprécie pas la déclaration qu’a faite la ministre du Commerce, Dorine Chukowry, selon laquelle les Mauriciens vivent correctement malgré le fait que la vie soit chère. Dans cet entretien, il demande à la ministre d’aller vérifier combien de Mauriciens sont endettés de nos jours. Pour lui, la « ministre ne vit pas à Maurice », tant il implique qu’elle soit déconnectée de la réalité. Le syndicaliste réitère sa demande pour le réajustement immédiat des grilles salariales après l’application du salaire minimum à compter de janvier dernier. Par ailleurs, il affirme que les portes du MLC sont ouvertes pour les partis politiques souhaitant connaître les revendications des travailleurs dans le cadre des prochaines élections générales.
Le renouvellement de la vignette de déclaration de véhicule se fera en ligne à compter du 2 décembre prochain. Pensez-vous que les travailleurs soient d’accord avec cette mesure ?
Le MLC est entièrement d’accord avec le fait qu’on doive moderniser le système de paiement, car cela va réduire considérablement les attentes aux caisses de la NLTA et dans les bureaux de poste. Cette décision est plutôt adaptable pour les jeunes et ceux qui disposent d’une connaissance dans l’informatique. Mais je crois fermement que la grande majorité des motocyclistes et des autocyclistes n’apprécient pas cette nouvelle mesure. Je sais que bon nombre de conducteurs utilisent des motocyclettes pour se rendre sur leurs lieux de travail. Parmi eux, des laboureurs et des personnes âgées n’ayant pas une connaissance en informatique. Certains laboureurs n’ont même pas un ordinateur ou une connexion au système Wi-Fi. En sus de cela, ils ne possèdent pas une imprimante et beaucoup n’utilisent pas l’Internet Banking pour le paiement de la déclaration de véhicules. Le MLC demande que le système de paiement et de renouvellement de la vignette de véhicule demeure optionnel,c’est-à-dire payer ou renouveler la vignette soit dans les bureaux de poste ou en ligne. La décision de limiter le paiement ou le renouvellement de la vignette en ligne causera d’innombrables problèmes.
Le réajustement salarial tant réclamé par les syndicats se fait toujours attendre. Que se passe-t-il entre-temps ?
Le réajustement salarial à la suite de l’application du nouveau salaire minimum à compter de janvier dernier intéresse tous les travailleurs du pays. Nos membres ne cessent de nous demander quand le rapport sur la relativité salariale sera appliqué, car l’attente a assez duré, je pense. Le gouvernement a donné de l’espoir aux travailleurs en disant que dès que le rapport est prêt, le réajustement salarial va être effectif. Le MLC croit fermement que le gouvernement est en train de jouer avec les travailleurs. Nous croyons que le gouvernement a renvoyé son application pour que le réajustement salarial ait plus d’impact pour les élections générales. Pour nous, ce n’est pas du tout un retard dans l’application de ce rapport. Les travailleurs sont assez intelligents pour croire que l’application du rapport a été renvoyée à un moment opportun pour que le gouvernement puisse surfer sur cette bonne décision en prélude des élections générales. Mais entre-temps, les travailleurs sont frustrés et cette frustration affecte certainement la productivité. Avec la cherté du coût de la vie qui continue à affecter la classe laborieuse, le MLC demande au gouvernement de rendre public ce rapport au plus vite et de l’appliquer avec effet rétroactif à partir de janvier dernier.
Quels sont les éléments qui vous ont frappé dans le Finance Bill au sein du monde du travail ?
Le Finance Bill concerne non seulement le monde du travail, mais également d’autres domaines qui concernent les travailleurs en général. Je dis cela, car un travailleur peut être à la fois un parent qui est appelé, entre autres, à s’occuper de l’éducation et des loisirs de leurs enfants ou quelqu’un sollicité à recourir aux services gouvernementaux. Le Finance Bill n’a pas fait provision pour mettre un frein à la dépréciation de la roupie, car le salaire des travailleurs continue à déprécier, et pour corser le tout, le gouvernement vient maintenant avec une mesure pour accorder davantage de facilités pour recruter des travailleurs étrangers au détriment de la main-d’œuvre locale. Le ratio entre les travailleurs étrangers et les travailleurs mauriciens a été revu dans le Finance Bill dans certains secteurs. Avec l’assouplissement de la loi pour recruter davantage de travailleurs étrangers, on constate maintenant que c’est un nouveau business lucratif qui verra le jour pour les agents recruteurs qui vont les employer. Auparavant, c’était les entreprises qui faisaient des démarches pour le recrutement des travailleurs étrangers et maintenant ce rôle va être laissé entre les mains d’agents recruteurs. Finalement, l’application de cette mesure sera au détriment des travailleurs mauriciens.
La tenue éventuelle de l’élection partielle au No 10 (Montagne-Blanche/GRSE) approche à grands pas. Que pensent des travailleurs à ce sujet ?
Le MLC et des travailleurs estiment que la tenue de cette élection partielle est d’abord une perte de temps et une perte de l’argent des contribuables. Cet argent aurait pu être utilisé pour venir en aide aux défavorisés. Tout le monde dit que cette partielle n’a aucune utilité à la veille des élections générales. Le MLC pense que le gouvernement aurait dû venir de l’avant avec une loi pour permettre à un candidat Next on list avec le meilleur score des votes de gravir les échelons pour prendre la place d’un député ayant démissionné. Cela aurait évité une élection partielle et empêché de dépenser l’argent des contribuables pour offrir un siège rémunérateur à la veille des élections générales. Donc, le MLC propose que c’est le quatrième candidat en lice qui devrait prendre le siège d’un député qui a démissionné. Par contre, en cas de décès d’un député, il faudra trouver une autre mesure, car un remplaçant peut changer la configuration au Parlement. Au cas où le député qui a démissionné n’est pas d’accord avec la ligne directrice du gouvernement, c’est le meilleur candidat en lice qui devrait prendre sa place pour empêcher le gaspillage des fonds publics.
La ministre du Commerce, Dorine Chukowry, a déclaré en conférence de presse que malgré le fait que la vie soit chère, les Mauriciens vivent correctement, malls et restaurants étant remplis. Partagez-vous cette analyse ?
Je crois que la ministre du Commerce ne vit pas à Maurice… Elle s’est ridiculisée aux yeux de la population par rapport à ses commentaires sur la vie des Mauriciens. Si elle croit que les Mauriciens vivent bien, elle doit d’abord faire un tour dans les institutions bancaires pour savoir combien de Mauriciens sont endettés jusqu’au cou dans le pays. Elle n’a qu’à se référer au rapport de Statistics Mauritius pour déterminer combien des Mauriciens sont endettés. De nos jours, bon nombre de Mauriciens sont pris dans la spirale de la dette. Elle doit constater de visu la longueur des files d’attente chez CIM Finance. Ce n’est certainement pas dans les restaurants et les malls que la ministre devrait faire son enquête. La grande majorité des Mauriciens n’achète plus au prix comptant maintenant. Zot aste pou peye gout-a-gout. Je connais des Mauriciens qui contractent des emprunts pour en rembourser d’autres ou pour s’acquitter de leurs dettes. La consommation et le mode de vie des Mauriciens ont considérablement changé avec le coût élevé de la vie. Certains produits alimentaires sont devenus luxueux de nos jours et « zot nepli form parti nou pagne ration ».
Le Parlement dispose maintenant d’un nouveau Speaker. Quelle est votre appréciation ?
Pour moi, ce changement est purement lié à la politique. Cette nomination est annonciatrice d’une alliance entre le MSM et le PMSD pour les prochaines élections générales. Au fait, il fallait réellement remplacer Sooroojdev Phokeer comme Speaker de l’Assemblée nationale. Cette décision aurait dû se faire depuis belle lurette. Il a non seulement fait beaucoup de tort à la démocratie parlementaire, mais il a aussi fait beaucoup de tort au MSM. Pour moi, la meilleure solution aurait été de nommer le Deputy Speaker comme Speaker de l’Assemblée nationale, car il fait l’unanimité au Parlement. Puisque c’est le Premier ministre qui détient le pouvoir de nommer le Speaker, il pouvait nommer le Deputy Speaker en consultation avec les parlementaires de l’opposition.
Le MLC fera-t-il des propositions aux partis politiques en marge des élections générales ?
Il faut savoir que dans le cadre des consultations prébudgétaires, nous avons émis une série de propositions pour soulager la souffrance des Mauriciens en général dans les domaines de la santé, de l’éducation et du social. Maintenant, nous constatons que l’alliance PTr-MMM-ND a repris beaucoup de nos propositions après que celles-ci ont été répercutées par la presse écrite et parlée. Bon nombre de nos idées ont été adoptées également par le gouvernement. Je cite un exemple : le MLC avait durant les consultations prébudgétaires demandé que l’Internet soit gratuit pour tous les Mauriciens. Maintenant, le gouvernement a décidé d’accorder cette gratuité aux étudiants de certaines tranches d’âge. Depuis quinze ans, le MLC avait demandé que l’enregistrement d’un véhicule ne soit pas nécessaire en cas de transfert de propriétaire. Je vois que l’opposition a retenu cette proposition. Le MLC se réjouit que l’opposition et le gouvernement reprennent nos idées. En tout cas, le MLC ne soumettra pas des mémoires aux partis politiques, mais s’ils ont besoin de nous, on peut s’asseoir autour d’une table ronde pour en discuter.