Pour vraiment impressionner, il faut définitivement se lever tôt. Très tôt même. Et ce n’est pas faire une annonce à chaque séance parlementaire qui contribuera à changer la mauvaise perception qui entoure encore la nomination d’Adrien Duval à la présidence de l’Assemblée Nationale
Les annonces, relevant souvent de l’intendance et de la petite cuisine du Parlement, c’est sans doute pour essayer d’épater les affidés de son parti et, peut-être aussi, pour conforter ceux qui voient dans son arrivée au perchoir un symbole bassement communal si cher à son collègue Mahmad Khodabaccus.
Cela dit, si, sur certains aspects, l’agwa dans les négociations entre le MSM et le PMSD et le torpilleur en chef de la participation des bleus à la grande alliance de l’opposition au MSM depuis huit ans, ne pouvait logiquement faire pire que Sooroojdev Phokeer, il a néanmoins réussi à établir un record et, ce faisant, il a déjà largement dépassé son prédécesseur. C’est quand même un exploit en si peu de temps.
Participer à une activité politique, maladroitement maquillée en “sortie sportive”, cela, aucun autre Speaker et même pas un membre issu de l’Assemblée Nationale, un élu, avec donc une obligation d’une présence même symbolique dans “sa circonscription”, ne l’avait fait auparavant. Adrien Duval l’a fait.
Il s’est fièrement affiché, le week-end dernier, à une sortie politique en compagnie du ministre, expert en route carrossable mais incapable de faire la distinction entre”serment d’Hippocrate” et “serment d’hypocrite”, Anjiv Ramdhany. Il est le ministre de la Fonction Publique, médecin qui doit connaître un rayon entre Hippocrate et hypocrite et qui passe son temps au poste de police pour des dénonciations ou pour répondre des accusations qui sont portées à son encontre.
Également présent à cette activité dans la circonscription de Grand-Baie/Poudre D’Or, avec toute l’ironie que suscite la situation, le contraint à la retraite, Roshan Santokee et futur candidat du MSM dans la 6ème circonscription.
Pour ceux qui l’auront déjà oublié, la présence de cet ancien assistant-Directeur des Poursuites Publiques à un déjeuner du 3ème âge organisé à Fond du Sac, fin-mai dernier, en compagnie d’Anjiv Ramdany et d’autres membres du MSM, avait fait, à juste raison, scandale.
Les photos de la présence de Roshan Santokee ayant été portées sur la place publique, il a fallu, pour le maintien de l’intégrité du bureau du DPP, agir en conséquence. Le DPP lui-même autant que Shakeel Mohamed avaient saisi la Judicial and Legal Service Commission pour infraction à l’éthique et à la neutralité que lui imposaient ses responsabilités de fonctionnaire du judiciaire.
Même si certains ont pu penser que la JLSC, présidée par la chef-juge Rehana Mungly-Gulbul aurait dû le mettre à pied pour faute caractérisée, il a pu tranquillement partir à la retraite avec ses indemnités et se consacrer, enfin, à sa candidature aux prochaines générales sous les couleurs du MSM.
Situation quand même paradoxale, un fonctionnaire de justice forcée à la retraite pour affichage partisan, tandis qu’un Speaker qui a encore plus besoin, en tant qu’occupant, d’un poste constitutionnel, de montrer une stricte neutralité dans la conduite des délibérations parlementaires, qui trouve normal de se retrouver coincé entre ses deux futurs colistiers, Anjiv Ramdhany et Roshan Santokee. Le no 6 est mieux que le no 17. Pour espérer décrocher au moins un siège de Best Loser.
Cet épisode nous ramène au temps glorieux des fonctionnaires de haut vol et des commis de l’État irréprochables, comme le directeur de l’Audit Moussa Taujoo qui assistait aux séances de l’Assemblée Nationale et qui se déplaçait les bras toujours croisés pour ne pas serrer les mains des politiques. C’est celui qui avait refusé de corriger un de ses rapports et qui fut éventuellement nommé commissaire à l’ICAC en 2002. Autre temps autre mœurs…
C’est dire que la motion de censure déposée contre le Speaker vient à point nommé demain. Et, comme le veut la tradition, c’est en toute logique le Deputy Speaker, Zahid Nazurally, qui devrait présider cette séance. Avec ce président-adjoint des travaux de l’Assemblée Nationale depuis bientôt cinq ans, un élu de plein droit d’ailleurs, il n’a pas fallu attendre la nomination d’un membre de la basse-cour au perchoir dans le cadre d’une coalition qui refuse encore de se déclarer pour savoir comment conduire des débats avec calme, rigueur et impartialité.
À chaque fois qu’il a eu l’occasion de remplacer Sooroojdev Phokeer, Zahid Nazurally s’est montré à la hauteur et n’a pas hésité à inviter des membres de la majorité à aller prendre un peu d’air frais dehors lorsqu’ils dépassaient les bornes.
Quels débats demain ? Si des nouveaux convertis à la basse-cour qui se voient déjà ministres, députés ou ambassadeurs ont déjà balisé les contours de la discussion et y ont posé leurs propres limites, il sera extrêmement difficile d’empêcher que le leader de l’opposition, auteur de la motion, ainsi que ses collègues d’évoquer les conditions de l’arrivée du fils du leader bleu au perchoir.
Comme c’est le PM lui-même qui a mentionné le “criminal case” contre lui au Parlement même, il sera impossible de ne pas rappeler que ce Speaker-là est sous caution et qu’il devra, encore une première, se présenter en Cour le 21 août pour la motion de radiation des quatre charges qui pèsent sur lui après le triste accident de la route ayant provoqué le “traumatisme” d’une automobiliste, selon son avocate Roubina Jadoo-Jaunbaccus.
Comme c’est d’une provocation et d’une rareté historique, il sera aussi intéressant d’entendre les intervenants sur les cinq séances du 18, 23, 30 juillet et du 2 et 5 août – la dernière de demain avant les vacances –, qui suffiront pour qualifier ce Speaker pour un second mandat après celui de cinq ans de 2014/2019 et qui le rendra éligible à une pension à vie. Comme son cas constitue une série de premières, il va s’en dire que les débats s’annoncent palpitants. À demain !