L’utilisation de la neuroscience affective dans l’enseignement : Erwyn Utchanah, professeur d’art en Chine, s’en fait l’avocat

Professeur d’art visuel à la Sias International School, dans la province du Henan en Chine, le  Dr Erwyn Utchanah a approché  la ministre de l’Éducation, Leela Devi Dookun Lutchoomun, pour un plaidoyer en faveur de l’utilisation de la neuroscience affective dans l’éducation nationale. Titulaire d’un doctorat en éducation de l’Atlantic International University, États-Unis, et d’une maîtrise en leadership éducatif de l’Université de Roehampton, Angleterre, Erwyn Utchanah applique lui-même les fondamentaux de la neuroscience affective dans ses classes et prônés dans son établissement. L’idée est d’utiliser les émotions positives de l’apprenant pour améliorer son apprentissage. Cela fait 3 ans que cet ex-enseignant du collège Saint Esprit et du Bocage International High School travaille en Chine. Après avoir quitté Maurice en 2000, il a embrassé une carrière dans l’enseignement international en France, en Turquie, au Vietnam, en Inde et en Indonésie.

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Et si le système éducatif mauricien faisait de la place pour la neuroscience affective dans l’enseignement? Erwyn Utchanah, lui, est résolument pour cette idée.  Le pédagogue est convaincu que l’impact des émotions positives sur l’apprentissage peut aider les enseignants à créer des environnements plus engageants et motivants pour les apprenants dans nos écoles. En appliquant les principes de la neuroscience affective, les éducateurs peuvent mieux comprendre comment les émotions influencent non seulement l’apprentissage mais aussi la mémoire. “En tenant compte du fait que les émotions et les expériences personnelles influencent la manière dont chaque élève apprend, les éducateurs peuvent adapter leur enseignement pour répondre aux besoins émotionnels individuels de leurs élèves, offrant ainsi un soutien plus personnalisé”, explique Erwyn Utchanah. La neuroscience affective est un thème récurrent dans ses écrits. Sa rencontre avec une sommité en la matière, la Professeure Mary Helen Immordino-Yang, lors d’une conférence en Hollande en 2016, a suscité son intérêt pour la neuroscience affective.

La pédagogie basée sur la neuroscience affective inclut l’utilisation de techniques de renforcement positif et la valorisation des efforts des élèves. Et surtout, comme le souligne le pédagogue, elle encourage l’esprit critique chez l’apprenant. Force est de constater que le système éducatif national, axé sur la compétition, ne prépare pas assez les jeunes Mauriciens à développer leur sens critique, nécessaire à la créativité et au développement des compétences. “Un tiers des 10,000 jeunes qui ont fait leur entrée à l’université de Maurice, il y a quelques jours, étudieront le droit. Il serait intéressant de connaître leur motivation. Est-ce que c’est pour la justice ? Pour eux, c’est quoi la justice ? Qu’est-ce qui a façonné leur vision et leurs croyances sur la justice ? Ce sont des questions qui peuvent expliquer pourquoi certains ont du mal à s’exprimer et échouent aux examens du barreau”, constate Erwyn Utchanah. Qui insiste : “Il y a de la place dans le programme éducatif pour valoriser les enfants qui expriment librement leurs points de vue et leurs opinions.” L’importance de cultiver l’esprit analytique des enfants, dit-il, est cruciale lorsque l’école a pour mission leur développement holistique et aspire à les préparer à la vie professionnelle.

Implémenter l’utilisation de la neuroscience affective dans le système éducatif mauricien nécessitera un changement de paradigme. À commencer par les éducateurs. Ces derniers, focalisés sur le cursus,  n’ont pas le temps de stimuler le sens critique de leurs élèves. Il faudra passer par une formation. “Là d’où je viens, la neuroscience affective suscite un grand intérêt. Tous les enseignants, quelle que soit leur matière, reçoivent une formation en ligne d’une heure par jour”, indique Erwyn Utchanah. Dans un contexte où l’école est un microcosme de la société, l’enseignant, dit-il, est appelé – bien souvent, malgré lui – à porter plus d’une casquette. Ainsi, grâce aux fondamentaux de la neuroscience affective, en comprenant ce qui se passe dans le cerveau de ses élèves, l’enseignant peut mieux adapter son programme à leurs compétences. Erwyn Utchanah se dit prêt à faire le pont entre les autorités de l’éducation et les spécialistes de la neuroscience affective pour faciliter la formation des enseignants mauriciens.

“L’enfant est toujours en train d’apprendre par cœur parce que le syllabus de Cambridge est très prescriptif sans possibilité d’analyse critique. Cette approche, bien que rigoureuse, peut limiter le développement de compétences essentielles telles que la créativité. D’où la difficulté pour certains de s’exprimer et d’articuler une opinion après le HSC. Mais Cambridge a beaucoup changé. En Chine nous avons un programme de Cambridge qui permet à l’enfant d’apprendre différemment avec, désormais, des activités qui vont au-delà de la simple mémorisation”, raconte Erwyn Utchanah.

D’autre part, avec l’enseignement du Kreol Morisien à l’école primaire et secondaire, la pédagogie en neuroscience affective encourage l’utilisation de la langue maternelle (de plus de 90% des Mauriciens) en classe comme support pédagogique. La langue maternelle joue un rôle crucial dans la pédagogie, car elle est étroitement liée aux émotions de l’apprenant. Utiliser la langue maternelle facilite la compréhension, l’expression des émotions et le lien émotionnel avec le contenu éducatif. Cela améliore l’engagement, réduit le stress et crée un environnement d’apprentissage plus inclusif et efficace.

En neuroscience, il est démontré que l’apprentissage dans la langue maternelle active des réseaux neuronaux plus familiers, renforçant ainsi la rétention des informations et le développement cognitif. Plus techniquement, souligne Erwyn Utchanah, “c’est ce qu’on décrit en neuroscience affective comme le mirror neuron system où l’enfant associera aussi spontanément une image aux mots qu’il comprend dans sa langue maternelle. Il développera la capacité d’absorber plus rapidement ce qu’on lui apprendra dans une matière qui est enseignée dans une autre langue que la sienne.” Si la neuroscience affective a déjà conquis des établissements scolaires à l’étranger, Erwyn Utchanah se dit conscient que Maurice pourrait ne pas s’embarquer de sitôt dans la tendance. “Mais la réflexion peut d’ores et déjà germer, avant de se concrétiser”, dit-il, optimiste.

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