Eco-Sud vs l’Environnement : de longues explications et un aveu à demi-mot

David contre Goliath ou Eco-Sud contre le ministère de l’Environnement. La semaine dernière, les Law Lords du Privy Council donnaient gain de cause à l’ONG mauricienne Eco-sud face au ministère mauricien de l’Environnement qui, lui-même, contestait la décision de la Cour suprême mauricienne prononcée une année plus tôt. Cette dernière reconnaissait le locus standi d’Eco-sud dans l’affaire Pointe d’Esny Lakeside. Après les émotions de cette “victoire historique”, l’heure est désormais aux questions. Pourquoi, diable, le ministère de l’Environnement a-t-il contesté une décision de la Cour suprême ? C’est ce à quoi le ministre de l’Environnement, Kavy Ramano, a tenté de répondre, durant la semaine au Parlement.

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“Aggrieved party”, “locus standi”… il semblerait que ce lexique juridique abrutissant pour le quidam, l’est aussi pour certains haut placés dans le domaine. “The Ministry has never objected to any NGO or aggrieved party to appeal against the decision of the Ministry before the Environment and Land Use Appeal Tribunal”, a déclaré le ministre Kavy Ramano, mettant par là même en avant les débats sur la nouvelle Environment Act 2024 et sur les amendements qui y seront apportés. Des amendements, soit dit en passant, qui ne résoudent pas vraiment le problème de la représentativité citoyenne sur le plan environnemental.

Bref, Kavy Ramano explique ainsi qu’il y a eu mauvaise interprétation du terme “aggrieved party” et que le ministère n’a techniquement jamais interdit à qui que ce soit de contester un quelconque projet — ce que nombre d’ONG environnementales ont tenté de faire ces dernières années, en vain — à condition que ce qui que ce soit puisse prouver qu’il est effectivement “aggrieved” (ndlr : lésé en français) par cette affaire ! Sachant qu’il y a corrélation entre « aggrieved » et « locus standi »… et c’est la raison pour laquelle cette affaire a atterri devant le Privy Council.

En effet, c’est en 2017 que le ministère de l’Environnement reçoit une demande de permis d’Environment Impact Assessment (EIA) de Pointe d’Esny Lakeside Company Ltd pour la construction de 172 villas, 278 appartements et 100 duplexes, entre autres. Un projet faramineux s’étendant sur 709 648 m2 de terres, à proximité de deux wetlands protégés. Deux années plus tard, malgré les vives contestations citoyennes, ladite compagnie reçoit son permis EIA accompagné de 48 conditions imposées par le ministère de l’Environnement… En même temps, lorsqu’un projet requiert 48 amendements, c’est qu’il y a forcément anguille sous roche. Toujours pas rassurée, en 2019, Eco-Sud décide de contester le permis EIA devant l’Environment and Land Use Appeal Tribunal (ELUAT), affirmant que le site identifié pour la construction de ce projet se trouve à proximité de deux sites Ramsar protégés et s’arme de rapport scientifique pointu.

Cependant, en août 2021, une première objection est émise par le représentant légal du ministère de l’Environnement. Ensuite, le 6 octobre 2021, ce fut au tour de l’ELUAT de “set aside” la contestation d’Eco-Sud, car ce dernier ne semblait pas être suffisamment… « aggrieved » par cette affaire. Le 26 octobre de la même année, Eco-Sud fait appel à la Cour suprême pour contester le ruling de l’ELUAT. Le 18 juillet 2023, revirement de situation : la Cour suprême rejette le jugement de l’ELUAT et reconnaît qu’Eco-Sud est effectivement une « aggrieved party » et qu’elle a donc droit à son locus standi. Quelques jours après, le 3 août 2023, le ministère de l’Environnement, pas très content et suivant les conseils de l’Attorney General’s Office, décide de faire appel auprès du Judicial Committee du Privy Council.

Finalement, le 4 juillet 2024, le Privy Council tranche en faveur d’Eco-Sud, donnant justice au jugement de la Cour suprême et remettant gentiment le ministère de l’Environnement à sa place. Gageons que cette « victoire historique » permettra à d’autres individus de dénoncer les abus environnementaux et rappellera au ministère de l’Environnement que son rôle premier est de s’assurer du bien-être et de la protection des citoyens. À bon entendeur !

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