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Autant en emportent les vagues…

Début juillet, nous prenons la route vers l’ouest pour rejoindre des amis et découvrir cette côte d’une manière particulière : à bord d’un catamaran.

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Une fois les salutations faites, de petits bateaux nous amènent vers le catamaran qui va nous accueillir pour cette journée fraîche et ensoleillée. Je suis la première à y poser les pieds. À vrai dire, son allure et ses deux coques ne me séduisent nullement. Mes yeux inspectent la cabine pour repérer les gilets de sauvetage.

L’accueil chaleureux du personnel à bord, le doux soleil sur la peau, les jeunes qui embarquent petit à petit, la bonne humeur et les ségas qui résonnent : tout cela donne le ton ! Warm welcome in Mauritius island, paradise on earth. Je laisse donc mes premières impressions dans le lagon.

Nous commençons notre virée sur cette mer calme. À nous l’océan, le sentiment de liberté et la cool attitude. Le capitaine, un Mauricien sans doute expérimenté, est une boule d’énergie, pas forcément sympathique, lui, mais il scrute l’horizon avec assurance.

Nous sommes un petit groupe de chanceux, prêt à savourer cette aventure. Les jeunes filles défilent en bikini et s’allongent pour prendre des couleurs. Les garçons, stylés, chemises entrouvertes, casquettes et verres fumés s’installent eux sur le toit, pour dominer (l’océan). L’ambiance y est, bien que bon enfant. Et c’est tant mieux ainsi !

Le catamaran glisse sans effort sur les flots azurés, offrant de magnifiques vues de la côte mauricienne. Les reflets du soleil sur l’eau éblouissent et créent des jeux de lumière étincelants.

Soudain, une première agitation. Des dauphins nous surprennent en passant à côté du bateau et nous offrent un ravissant spectacle inattendu. Ils sont majestueux et leur peau lisse glisse sous l’eau claire. Tout cela, mêlé à la brise dans les cheveux et des vaguelettes causées par les bateaux qui passent, donne un sentiment de légèreté.

L’eau est particulièrement attrayante et le capitaine, maître à bord, propose aux jeunes de nager, sans oublier de leur faire les recommandations nécessaires. Les adultes réitèrent les avertissements et en ajoutent quelques-uns. “L’eau est froide” — “Vous n’aurez pas pied” — “Si vous sentez la moindre fatigue, revenez tout de suite” — “Il y a du courant” — “Ne vous éloignez pas” — « Bla-bla-bla ! Bla-bla-bla » !

“Chill !” me dit un jeune “Pas tracas ! On est grands maintenant !” L’un après l’autre, ils sautent dans l’eau et s’amusent tout en nageant autour du bateau. Ça blague, ça rigole. Les adultes, restés à bord, tournent autour du catamaran, histoire de jeter un œil sur ceux-là mêmes qui pensent déjà tout maîtriser. À cet âge, ils croient fermement être de “grands maris.”

C’est bientôt le moment de remonter à bord pour continuer la balade. Tous se rapprochent, mais le courant les surprend quelque peu. Du haut, nous veillons et sommes aux aguets. Un à un ils remontent, contents de la baignade, mais certains ont la mine défaite. Les derniers petits mètres les ont “déconcertés » et certains ont ressenti un bref épuisement. Josh, dix-huit ans, toujours dans l’eau, semble avoir un peu plus de mal à avancer. L’agitation est palpable, bien que sous contrôle. Ses amis l’encouragent, les adultes surveillent et il finit par se hisser à bord. Mais il semble choqué. Il a mal évalué ses forces contre celle du courant. “Tu sais, la mer, c’est traître ! Tu es ok ? » Il fait bonne figure malgré la peur qui l’a certainement saisi. Puis, il rejoint ses amis sur le toit du catamaran. Il remet sa chemise entrouverte, sa casquette et ses verres fumés. “Ki dir ?” lance-t-il !

Le catamaran reprend sa tournée. Sa stabilité rassurante et son confort nous permettent de nous détendre pleinement et de koz-koze en attendant le déjeuner. Celui-ci arrive bientôt : une fête pour les papilles, avec des saveurs mauriciennes exotiques et des fruits frais qui évoquent les douceurs tropicales. Le petit rhum pris par les jeunes et les hommes réchauffent les corps avec le soleil qui commence à perdre de sa chaleur. Partager ce repas avec des âmes aussi curieuses, tranquilles et enthousiastes que la mienne enrichit cette expérience maritime. Celles aventureuses des plus jeunes me rappellent la célèbre expression : Il faut que jeunesse se passe.

Le capitaine (capitaine, ô, mon capitaine) suggère d’aller sur une île en face de là où nous sommes. La barque prévue à cet effet est minable face aux vagues qui commencent à s’agiter et au nombre de personnes invitées à y prendre place. À la dernière minute, je m’y installe aussi, pas rassurée de l’insouciance que cause l’effet de groupe. La barque avance en rasant l’eau et l’eau glaciale nous fouette en pleine figure. On arrive sur l’île, trempés, mais le soleil parvient à nous sécher. Une trentaine de minutes plus tard, on repart tant bien que mal dans cette barque trop remplie, avec une nouvelle péripétie : le courant est contre nous. Nous sommes frigorifiés par l’eau qui fouette et arrivons à bord avec un seul désir, celui de regagner le rivage et de nous réchauffer.

À mesure que le soleil amorce sa descente, teintant le ciel orangé et rose, nous nous réjouissons de rentrer, heureux de la journée. Bercée par les flots sur le chemin du retour, je me réfugie sur les filets du catamaran, mes proches à portée de vue. La brise caresse nos visages avec tendresse. Josh est toujours sur le toit et le vent frappe son visage. Fouf ! Cela aurait pu être fatal pour lui. C’est alors que je vois sa belle casquette neuve s’envoler et, lui, tout naturellement, enlève sa chemise et ses lunettes de soleil et se jette à l’eau. Tant bien que mal, je bondis du filet ! Un de ses amis s’apprête à se jeter à l’eau pour l’aider, mais son père le rattrape et l’en empêche. Josh est en difficulté. Le courant est contre lui. Il se fatigue rapidement. Il s’épuise. “Capitaine — Oooh ! Capitaine ?! — Vit, ki pe fer ?”

Un passager essaie de défaire la bouée de sauvetage indénouable, les parents bloquent les jeunes effrayés de voir leur ami crier à l’aide, l’équipage est à peine réactif. Tout va très vite. Tout se mélange. Le capitaine saute enfin à l’eau, mais peine à rejoindre le jeune homme. Nous sommes tous là, impuissants, devant la scène dramatique. « Allez, Josh respire, ne panique pas ! Va vers la barque ! Tu vas y arriver ! » lance ses amis paniqués, les mains sur leurs têtes. Dans un dernier effort, Josh se rapproche enfin de la minable barque rattachée au catamaran et s’agrippe à celle-ci. Ce n’est qu’alors que le capitaine — FOUTU capitaine (inexpérimenté ?) — réussit à attraper l’enfant et le ramener in extremis sur le bateau.

Cette journée s’achève dans un pesant silence. Ces quelques minutes ont évidemment pris le dessus sur la parenthèse cool, chill, Mauritius island, the paradise. Ce gamin a frôlé la mort. Les adultes n’auraient rien pu faire. Les vagues auraient pu avoir gain de cause et la mer l’engloutir à jamais.

Nos regards sont perdus dans l’horizon. Secoués, nous remercions le ciel que le pire ne soit pas arrivé.

Autant en emporte ce mauvais vent qui a soufflé et que seule reste la leçon tirée de cette expérience. Au temps pour nous, tous, impuissants devant la force de la nature.

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