Pour son cinquième et dernier budget de la présente législature, dont le dernier acte se jouera bientôt avec la présentation du traditionnel Omnibus Bill sur les finances, le Grand Argentier, Renganaden Padayachy, a pris le pari audacieux de Demain est à nous. Tout au moins sur le plan des projections économiques en miroitant la One-Trillion Economy. Déjà, l’écart avec la réalité s’agrandit avec la part du rêve de demain devenant encore plus pressant aujourd’hui.
Mais loin de là, l’idée de remettre en perspective ces certitudes arithmétiques, qui pourront difficilement tenir tête aux incertitudes du maître du jour, le changement climatique, que le monde entier essaie d’amadouer à coups de milliards. Dans la conjoncture politique à Maurice, la certitude d’aujourd’hui est que la séance de l’Assemblée nationale de demain marquera un tournant de ce qui est historiquement connu comme la First Session of the Seventh National Assembly de la République de Maurice.
L’autre Banker est le retrait de The Constitutional Amendment Bill (No V de 2024) et de The Political Amendment Bill (No VI de 2024). Faute de majorité qualifiée sous les dispositions de la Constitution. Ce ne sera pas la première fois que cette tentative de mettre de l’ordre dans le financement politique essuie un échec. Ce ne sera pas aussi la première fois qu’un gouvernement fait face à un échec sur un plan constitutionnel majeur.
Feu sir Anerood Jugnauth l’a connu en au moins deux occasions solennelles quand le gouvernement qu’il dirigeait avait voulu faire de Maurice une république. La première fut en décembre 1983 quand feu sir Seewoosagur Ramgoolam, le Père de l’indépendance, avait été pressenti pour être le premier président de la république. Il n’avait pu réunir la majorité constitutionnelle requise à l’Assemblée législative.
Pour la seconde fois, dans la soirée du 17 août 1990, le gouvernement de SAJ était à un doigt de parachever ce rêve républicain. Mais tout devait basculer avec la seule voix nécessaire pour atteindre cette majorité de trois-quarts au moment de la Division of Votes partant en fumée avec une tasse de café. Ceux présents au Parlement tout au long de cette soirée se souviennent encore de ces péripéties. Çà, c’était hier.
Aujourd’hui, face au constat d’échec de faire adopter un cadre légal pour le financement politique, avec les Mainstream Political Parties s’apprêtant à trouver chacun Rs 124,5 millions pour contester les prochaines législatives ou encore Rs 36 millions pour les Much-Awaited Municipal Elections – les chiffres sont puisés du projet de loi – la question est de savoir qu’en sera-t-il demain?
Si c’était aussi facile et net de pouvoir lever Rs 160 millions de Non-Tainted Money en un clin d’œil, en ces temps difficiles, nombreux seront les entrepreneurs, qui se rappelleront le titre du film tourné par le cinéaste mauricien, Ramesh Tekoit en 1980 : Et le sourire revient! Cela est une autre paire de manches dans la mesure où la Mauritius Investment Corporation Limited a déjà injecté Rs 52,8 milliards dans 53 entités au 31 mai dernier.
Mais construire la réussite de demain en transformant l’échec d’aujourd’hui ne relève nullement d’une tâche herculéenne. L’expérience d’hier avec le statut de république ouvre la voie. À la veille des prochaines élections générales, peine perdue de s’obstiner de vouloir croire que l’on a toujours raison. La conséquence : une diabolisation de l’aujourd’hui. Le philosophe Jean-Paul Sartre n’a-t-il pas dit : « L’enfer, c’est les autres ».
Sur un front politique plus vaste, un toilettage de la Constitution – alors que le 60e anniversaire de l’indépendance sera célébré sous la prochaine législature, avec un gouvernement issu des urnes lors des prochaines législatives –, s’avère être une nécessité républicaine.
Sans forcer la note aujourd’hui, puisque chacun, intervenant dans le débat, parle de consultations et de consensus, et que les états-majors politiques sont en mode élaboration de programmes électoraux, peut-on envisager un panier constitutionnel commun consacré à des propositions de réforme majeures, nécessitant une majorité de trois-quarts ?
Les partis ou alliances politiques identifieront leurs propositions à être déposées au fond de ce panier avec engagement formel qu’au lendemain de ces élections, loin des clameurs ou des amertumes d’aujourd’hui, se dégagera ce consensus de faire une île Maurice où fleuriront demain la démocratie et la liberté.
Surtout que face aux propositions de l’opposition, la majorité de demain saura faire preuve de magnanimité en acceptant les idées de l’autre, dépassant cette expression du jour « We have no lesson to learn from the opposition ».
Les résultats des récentes élections au Royaume-Uni, donnant le Labour une majorité absolue de sièges à la Chambre des Communes avec seulement 33,9% des suffrages exprimés, placent au premier plan la contradiction de la majorité et de la minorité. Ou encore pousser à la réflexion du poids à accorder à la majorité de deux électeurs sur trois dans l’opposition au sein d’une démocratie.
La question se pose aujourd’hui au Royaume-Uni. À Maurice, nous vivons cette réalité depuis hier. Mais qu’en sera-t-il demain ? Même si Ovide dans les Métamorphoses déclare que « Ce que nous fûmes hier, ou ce que nous sommes aujourd’hui, nous ne le serons plus demain ».