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Galerie Imaaya – Jusqu’au 11 juillet : Didier Wong entend sensibiliser sur les faits de société par ses tableaux

« L’imprévisibilité » est au cœur de la deuxième exposition solo, intitulée Alalila, que l’artiste-peintre Didier Wong présente jusqu’au 11 juillet à la galerie Imaaya, à Phoenix. En écho à l’actualité, son travail invite le visiteur à compléter le tableau par la lecture qu’il en fait en connectant, ou pas, les différents éléments de ses compositions.

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Perché sur le palier de repos du petit escalier qui descend vers la galerie, le visiteur est d’emblée frappé par la palette de couleurs vives de l’artiste Wong, qu’il peut admirer sur le mur d’en face à travers la baie vitrée qui le sépare de la salle d’exposition. Vona Corona sur la droite, Chatwa sur la gauche. Les tons de rouge dominent les deux toiles et contrastent avec le vert et jaune ou le turquoise et noir des éléments qui les constituent sur ce fond de mur peint en bleu. Visiblement, l’artiste accorde une place de choix à l’équilibre chromatique dans son travail. « Il n’y a pas de décision prise au préalable par rapport au choix des couleurs », affirme-t-il néanmoins. « Au fur et à mesure que j’avance, j’appose les couleurs pour trouver une harmonie. J’essaie d’équilibrer la composition graphiquement. »

Une fois passé ce cap, le visiteur s’intéresse effectivement de plus près au graphisme. La lecture de chaque toile est longue tant celles-ci sont denses : 2024-Intégrité-Chatwa-Alergik. Un lexique qui renvoie à l’actualité évoquant l’engagement « politique » de l’artiste. Et qui se confirme par les inscriptions sur d’autres toiles avec, parfois, le nom des auteurs mauriciens, une annonce faite dans le dernier budget concernant La nuit du séga, Cari Gopia, Cari voler, Cari manter, Cari…, comme dans China town, ou encore Chaos, qui détonne de l’ensemble en termes de couleurs puisqu’il est plutôt sombre.

« Réalisé en 2018, “Chaos“ dénonce la montée du nationalisme. Cela s’applique aussi à la politique mauricienne, qui tend vers un certain totalitarisme avec les décisions prises et les agissements de certains », affirme notre interlocuteur, qui ne soutient aucun parti politique en particulier. Sans vouloir imposer ses convictions, à travers ses toiles, il souhaite conscientiser les visiteurs sur les faits de société. « Je mets en avant le nom des auteurs mauriciens, peut-être qu’ils s’y intéresseront. Je parle de “chatwa”, cela mènera peut-être à une réflexion … »

L’artiste explique la densité graphique de son œuvre par « plusieurs histoires présentées sur la surface picturale ». Pour autant, « il y a cette dimension imprévisible dans chaque tableau », fait-il ressortir. Une imprévisibilité qui découle du concept de « créolisation », selon Edouard Glissant, auquel il s’était intéressé au moment où il avait entamé ses études doctorales à la Sorbonne, et qu’il restitue dans ses travaux. « Selon Glissant, lorsque plusieurs cultures qui se mêlent se juxtaposent, s’entrechoquent dans un espace précis, il y a quelque chose qui se passe : c’est l’imprévisibilité. On ne sait pas ce qui se passe. Seul celui qui regarde pourra faire le lien ou pas entre les éléments qui constituent le tableau, et compléter l’œuvre, selon son ressenti et ce qu’il comprend », affirme-t-il.

Aussi, l’artiste souligne avoir longuement exploré « la place de l’autre dans l’art à une période (fin 1990/début 2000) où les théoriciens d’art et les historiens parlaient de la disparition de la peinture au profit de quelque chose de plus contemporain ». Ajoutant : « Je voulais voir comment on pouvait dynamiser et revitaliser la peinture pour qu’elle soit plus actuelle. »

L’artiste est ainsi passé par plusieurs phases d’expérimentations : « Par exemple, je projetais des photos des murs tagués sur mes toiles et lorsque le visiteur passait entre la lumière du projecteur et le tableau, cela donnait encore un autre résultat fort intéressant. » Tout ceci l’a amené à s’intéresser de plus près à la « créolisation » de l’art. Il précise : « La créolisation, selon Glissant, se diffère du métissage par cet élément d’imprévisibilité, alors que pour le métissage, on connaît d’avance le résultat. »

Didier Wong pratique l’art figuratif. On y reconnaît des figures : routes, carrefour, bâtiments, paysages et points de vue… Alalila présente aussi quelques portraits de ceux qui l’ont marqué : Tifrère, Kaya, Malcolm de Chazal et… Jean-Michel Basquiat (né en 1960 et mort en 1988). D’ailleurs, certaines de ses créations relèvent encore de l’influence de cet artiste américain, connu pour être une force majeure du mouvement néo-impressionnisme et qui pratiquait la figuration libre, et que Didier Wong découvre lors de ses études en France.

Que se passe-t-il dans la tête d’un artiste qui produit des tableaux d’une telle densité graphique ? « J’étais subjugué par le travail de Basquiat et j’ai compris que l’art n’était pas de faire du beau, mais de transmettre des émotions à travers des gestes et des thèmes. »
Il poursuit : « En général, j’ai une idée de base et le travail se fait sur le temps, selon mon inspiration. Un tableau peut être complété en quelques heures ou cela peut prendre plusieurs années. Si je suis pleinement satisfait, je m’arrête pour ne pas perdre le sens plastique de ce qui est produit. Sinon, je continue à ajouter ou à retirer des éléments. » Didier Wong se considère comme un artiste engagé qui ne parle cependant pas que de choses négatives.

Ancien élève du collège du Saint-Esprit, il a fait des études d’art menant à une maîtrise à Toulouse. Il est ensuite rentré au pays pour travailler dans la décoration intérieure avant de remettre le cap sur Paris pour des études en architecture intérieure, suivi d’un DEA en art et d’un doctorat.

Notre compatriote est aujourd’hui installé en région parisienne, où il donne des cours d’arts appliqués, agit comme relais au Fonds régional d’art contemporain (FRAC) et est formateur des professeurs d’arts appliqués. Parallèlement, il continue à peindre. Il a fait plusieurs expositions solos en France, et Alalila est la deuxième qu’il présente à Maurice après celle de 2012.

L’exposition est visible jusqu’au 11 juillet à la galerie Imaaya, à Phoenix. Entrée libre.

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