Décidément, le Loud Speaker n’a aucune limite, et ceux qui l’ont nommé ne semblent pas vouloir lui en imposer. À moins que, comme dans Frankenstein, la créature ait échappé au contrôle de ses créateurs, et après avoir découvert qu’il peut faire et dire ce qu’il veut au Parlement, ne se prive pas de le faire.
C’est ainsi qu’il vient d’expulser du Parlement le député travailliste Fabrice David, au motif que ce dernier ne s’était pas levé en signe de respect alors qu’il quittait l’hémicycle. Les caméras de la chaîne parlementaire ont capté cette scène surréaliste, qu’on aurait pu croire extraite d’une parodie d’un Parlement de République bananière. On a vu le Loud Speaker, qui donne souvent des leçons de bonnes manières et de vocabulaire aux membres de l’opposition, piquer une crise tambave, taper du pied et hurler au député Fabrice David : « Diboute ta ! Diboute ta ! » Plus westministérien que ça, tu meurs ! C’est pour avoir refusé — avec raison — d’obéir à l’injonction du Loud Speaker que le député travailliste a été expulsé du Parlement sans qu’aucun des membres de la majorité qui, eux aussi, se prennent pour des démocrates donneurs de leçons parlementaires, n’ait trouvé à redire. Mais le Loud Speaker ne se prend pas et ne se comporte pas seulement comme un dictateur, il est également jaloux de son adjoint. Dans la pratique, l’adjoint est là pour le remplacer, mais cette semaine, se prévalant du fait qu’il est seul maître à bord au Parlement, il a désigné un député pour le remplacer, à la place de son adjoint. Selon certaines sources, le Loud Speaker voit d’un très mauvais œil le fait que l’opposition, et la presse, ont souvent souligné la manière démocratique dont l’adjoint au Speaker préside les débats. Là aussi, les « démocrates » de la majorité n’ont rien trouvé à redire, puisqu’on le sait, ils préfèrent la brutalité d’un Loud Speaker partial à son adjoint qui agit dans le respect des textes. Pour revenir à l’expulsion du député David, les trois conseillers du Loud Speaker devraient — si jamais il les écoute — lui rappeler que le respect ne s’impose pas par la force ou le détournement des règlements, mais qu’il se mérite.
« Eleksion deryer laport ». Pour une fois, ce n’est pas Paul Bérenger qui répète une des phrases historiques, mais ce sont les faits qui le démontrent. En effet, après les cadeaux de fin d’année et ceux du budget, des opérations sont organisées par le gouvernement pour tenter de séduire des segments précis de l’électorat. Le troisième âge c’est fait après la promesse — ratifiée par Navin Ramgoolam — que la pension passera à Rs 15 000 en janvier prochain. Les jeunes, c’est dans la poche avec les Rs 20 000 sans condition qui vont, peut-être, leur permettre d’acheter un téléphone avec 5G, après le rétropédalage sur l’augmentation des forfaits. Mais il n’y a pas eu qu’un seul rétropédalage, ce qui indique que les élections ne sont pas loin et que le gouvernement évite tout ce qui pourrait, de près ou de loin, irriter les électeurs. La série des rétropédalages avait commencé avec l’affaire des cartes SIM, quand « l’autorité » censée réguler le secteur de la téléphonie avait ordonné aux propriétaires de téléphones portables de se faire réenregistrer, sous peine d’être déconnectés. Aux premières protestations des abonnés, révoltés par ce réenregistrement qui ressemblait à une intention à peine cachée de les ficher, le gouvernement opposa une énergique fin de non-recevoir. Mais l’ampleur de la protestation et du refus de se faire réenregistrer a fini par faire tiquer le gouvernement, se rendant compte que ce mécontentement pouvait se traduire par un vote négatif aux prochaines élections. Depuis, l’affaire a été renvoyée aux calendes grecques.
Cette semaine, le gouvernement vient, à travers ses agences, de faire deux rétropédalages. Il avait fait annoncer une majoration des forfaits téléphoniques avec l’arrivée de la 5G. Après les protestations et quelques remarques bien senties de l’ex-CEO de MT, l’augmentation a été annulée. D’autre part, une modification a été appliquée à certaines augmentations — astronomiques — des montants imposés aux automobilistes n’ayant pas respecté la loi. Parmi, il y avait une amende sur les plaques d’immatriculation qui passait de Rs 1000 à… Rs 25 000 ! Le concert de protestations qui s’est élevé a contraint le ministre de revoir sa copie et « harmoniser » les amendes concernant les plaques d’immatriculation qui ont été ramenées à Rs 5 000. Ces rétropédalages indiquent que le pouvoir, qui se croyait, comme le Loud Speaker, tout puissant, commence à sentir le sol glisser sous ses pieds. Mais plus important, le citoyen se rend compte de l’importance et de la valeur de son bulletin de vote. À lui de savoir en faire bon usage.