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Meurtre de Vanessa Lagesse — Dr Pope : « Pas de conclusions hâtives à tirer avec la présence de l’ADN »

Le procès de Bernard Maigrot dans le meurtre de Vanessa Lagesse le 10 mars 2001 à Grand’Baie s’est poursuivi, hier, en Cour d’Assises. Cette séance a été consacrée au témoignage de deux experts en génétique convoqués par la défense, à savoir le Dr Susan Pope et le professeur Christophe Champod. Ces derniers ont critiqué la méthodologie adoptée par le Pr Doutremepuich, et ont maintenu que l’ADN de Bernard Maigrot, présent sur deux draps retrouvés au domicile de Vanessa Lagesse, ne permet pas de dire ni quand ni comment son ADN a été laissé sur ces pièces à conviction, ou encore s’il était présent sur les lieux au moment du crime.

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La Dr Susan Pope a exercé pendant plusieurs années au Forensic Science Service (FSS) du Royaume-Uni mais officie maintenant comme experte indépendante. Elle et le professeur Christophe Champod ont émis un rapport conjoint sur les conclusions du professeur Doutremepuich, qui avait affirmé que l’ADN de Bernard Maigrot était présent sur deux draps retrouvés au domicile de Vanessa Lagesse.

La Dr Pope a été interrogée par Me Gavin Glover, Senior Counsel, l’avocat de Bernard Maigrot.

Me Glover : Comment avez-vous été impliquée dans cette affaire ?

Dr Pope : Le professeur Champod qui m’avait demandé de passer en revue les conclusions du Pr Doutremepuich sur l’analyse d’ADN effectuée par lui.

GG : Quels sont les éléments cruciaux que vous devez déterminer ?

SP : Les deux questions cruciales qui doivent être déterminées sont premièrement, il s’agit de l’ADN de quelle personne et deuxièmement, comment cet ADN est arrivé là.

GG : La première question doit déterminer l’identification de la personne, ce qui a été fait par le Pr Doutremepuich, tandis que la seconde question cherche à déterminer comment l’ADN est entré en contact avec l’objet.

SP : C’est exact. Des Guidelines ont été émis par des organisations internationales sur l’approche que doivent adopter les experts. Quand les gens entendent parler d’ADN, ils tirent des conclusions hâtives. L’expert doit faire comprendre que la présence de l’ADN de quelqu’un n’est pas une fin en soi.

GG : Quels sont vos Areas of Agremeent avec le Pr Doutremepuich ?

SP : Nous sommes d’accord que sur les deux pièces à conviction de la poursuite, l’ADN de Bernard Maigrot a été décelé. Nous sommes également en accord que sur d’autres items, de l’ADN de personnes inconnues, des deux sexes, a été retrouvé.

GG : Quelles sont vos conclusions sur le rapport du professeur Doutremepuich ?

SP : Le professeur s’est adressé à la première question, c’est-à-dire qu’il s’agissait de l’ADN de Bernard Maigrot mais il n’a pas répondu à la seconde question, notamment comment cet ADN s’est retrouvé là.

GG : Pourquoi est-il important de s’adresser à cette deuxième question ?

SP : On ne peut s’attendre que les gens se servent de leur Common Sense. L’expert doit expliquer, et remettre les choses en contexte.

GG : Veuillez décrire les conclusions de votre rapport.

SP : Il y a une faible quantité d’ADN de Bernard Maigrot. Cet ADN ne peut informer la Cour si l’accusé était présent sur les lieux au moment du crime. Cela peut fort bien être de l’ADN laissé lors d’une précédente visite.

Elle a été ensuite contre-interrogée par Me Darshana Gayan, représentante de la poursuite.

Me Gayan : Le Pr Doutremepuich a expliqué ce qu’il a été mandaté de faire. Qu’avez-vous été mandaté de faire ?

SP : J’ai cherché des failles dans le rapport du Pr Doutremepuich. Le fait qu’il n’ait pas expliqué comment et quand l’ADN a été laissé a été identifié par moi comme une faille.

DG : Vous avez été impliquée dans cette affaire depuis 2014. Mais il n’y a eu aucune requête de votre part pour examiner les pièces à conviction.

SP : Il n’y avait pas lieu pour moi d’examiner ces pièces à conviction. Je ne peux pas demander à examiner des items dont j’ignorais même l’existence.

DG : La défense vous a-t-elle informé du contexte de cette affaire ?

SP : Oui.

DG : Vous êtes d’accord avec le Pr Doutremepuich que l’ADN de Bernard Maigrot est présent sur les pièces à conviction KV1 et PM14 ?

SP : Oui.

DG : Vous êtes d’accord avec le Pr Doutremepuich que l’ADN de Bernard Maigrot a été décelé en mélange avec celui de Vanessa Lagesse ?

SP : Oui.

DG : Comment et quand l’ADN a été déposé ne relève pas d’une question pour le jury ?

SP : L’expert a le rôle de leur fournir une Guidance.

Le Pr Christophe Champod a ensuite été appelé à la barre des témoins par Me Glover. Il s’est présenté comme un professeur en science criminalistique à l’Université de Lausanne en Suisse.

GG : Avez-vous été informé du contexte de cette affaire ?

Champod : Oui, en 2013, nous avions reçu les rapports du Pr Doutremepuich et nous avons été informés par la défense.

GG : Que mentionnez-vous dans la section 5 de votre rapport ?

CC : Nous avons critiqué la méthodologie du Pr Doutremepuich. Il n’a pas fait de commentaires sur le mécanisme de transfert de l’ADN retrouvé sur place. Ce qui est à l’encontre des Guidelines émises par l’International Society of Forensic Geneticists (ISFG) sur comment l’expert doit éclairer la Cour. Ces Guidelines avaient été émises parce que la source de provenance de l’ADN peut être Misleading. L’expert doit mentionner les limitations dans son rapport. Or, le Pr Doutremepuich n’a rien mentionné ni quand ni comment l’ADN a été transféré. Il est resté silencieux sur ce point pendant plus de dix ans.

GG : Venons-en à la section 7 de votre rapport.

CC : L’ADN de Bernard Maigrot était en petite quantité, et ne peut fournir d’indications sur le mode de transfert. Il ne peut informer la Cour sur quand Bernard Maigrot était présent sur les lieux ou ce qu’il faisait. Il ne peut distinguer s’il s’agit de l’ADN laissé lors d’une visite précédente ou s’il était sur place au moment du crime.

L’audience des témoins a ensuite pris fin. Le professeur Champod sera contre-interrogé par Me Gayan lors de la séance du jour.

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