Une lectrice férue de politique m’a posé cette question très pertinente : est-ce que la classe politique française aurait pris des cours des politiciens mauriciens ? C’est vrai que depuis le résultat des élections européennes qui ont fait du Rassemblement National le premier parti de France, en termes de suffrages exprimés, les politiciens français semblent être entrés dans une phase politique agitée qui n’a rien à envier à ce qui se passe généralement à Maurice. Cassures d’alliance, transfugisme, dénonciations et rétractations se suivent à une allure vertigineuse qu’on a peine à suivre.
Un journaliste français a déclaré que même Netflix, connu pour ses séries aux coups de théâtre permanents, ne pourrait mieux faire. Dimanche dernier, quelques minutes à peine après l’annonce des résultats des élections européennes, le président Emmanuel Macron annonce, en direct à la télévision, la dissolution du Parlement et fixe la date des prochaines élections dans trois semaines. Il le fait en ne consultant personne et ses ministres, ses principaux collaborateurs, apprennent la nouvelle par la télévision. Les partis et candidats ont une semaine pour passer des accords et se faire enregistrer. Emmanuel Macron pensait prendre tous les partis politiques de court et provoquer une cacophonie qui ne pouvait que lui profiter. Mais c’est une chose de concevoir une stratégie et une autre, tout à fait différente, de la réussir.
Au lieu de se battre entre eux en lui laissant la voie libre pour construire sa majorité présidentielle, les partis de gauche – qui ne s’entendaient sur rien depuis des mois et qui utilisaient une bonne partie de leur énergie à se dénoncer et s’attaquer – ont non seulement enterré la hache de guerre et fumé la calumet de la paix, mais ont constitué, en temps record, un front commun qui sera présent dans toutes les circonscriptions. Du coup, Emmanuel Macron – qui pensait avoir affaire à une gauche divisée, ce qui lui aurait permis de constituer un front, un barrage contre le Front National – se retrouve isolé, troisième bloc dans les sondages, très loin derrière l’extrême droite et le front de gauche. Son parti Renaissance, passant de statut de parti principal à parti d’appoint, est susceptible d’être balayé par la droite et la gauche et surtout par les électeurs. Lesquels, d’après les derniers sondages, semblent ne pas avoir apprécié qu’Emmanuel Macron les considère comme des exécutants de sa stratégie.
Comme quoi, il ne faut jamais prendre les électeurs pour des marionnettes justes bonnes à exécuter les stratégies politiques décidées pour eux. Une leçon que les politiques mauriciens gagneraient à retenir en vue des prochaines élections.
Restons à Maurice où le MSM, qui semble s’être rendu compte que le charisme du fils n’était pas suffisant, fait, une fois de plus, appel au père. De son vivant, SAJ avait été qualifié de « enn tigit pli tipti ki bondié » par un courtisan – on ne disait pas encore chatwa. Représenté en statue, il a quelques centimètres de plus que ceux qu’on a installés sur l’esplanade du Caudan. En plus, avant même d’être installée et inaugurée, la statue de SAJ a été placée dans la catégorie « faisant partie du patrimoine national ». Un statut généralement réservé à des bâtiments et monuments ayant quelques bonnes années d’existence. Bien qu’elle s’en défende, la famille Jugnauth n’hésite pas à utiliser SAJ comme argument de la campagne électorale en faveur du MSM.
Avant la statue, son nom était systématiquement cité dans les discours, sans compter les rassemblements autour de son Samadhi. Remarquez, le fils de Chacha ne s’est pas privé, non plus, d’utiliser le nom de son géniteur, parfois avec outrance. Ce fut le cas avec cette immense statue en fibre de verre érigée à l’occasion du passage du XXe au XXIe siècle au Caudan. Une statue dont les morceaux découpés ont été longtemps vus à Vacoas. Le leader du PMSD fait partie de ceux qui n’hésitent pas à utiliser l’image de son père. Même s’il est de notoriété publique que, de son vivant, sir Gaëtan Duval n’a pas toujours bénéficié des démonstrations d’affection que son fils n’arrête pas de démontrer aujourd’hui.
Beaucoup se souviennent de certaines phrases et attitudes négatives du fils pour celui qu’il n’arrête pas d’appeler son papi. Il est vrai que l’on dit que les mérites et qualités d’un homme ne sont reconnus qu’après son départ pour l’au-delà. Après leur mort, les mérites des hommes politiques sont non seulement reconnus, mais également utilisés comme outil de marketing électoral par leurs rejetons. La question est de savoir si l’utilisation posthume des pères profitera à leurs fils aux prochaines élections…