Les frottements des acteurs locaux de l’industrie artistique à ceux de l’extérieur sont primordiaux. Cela, l’ensemble des intervenants – de différentes îles – à la conversation publique autour de la circulation des artistes dans l’océan Indien, tenue la semaine dernière, l’a souligné. Toutefois, un frein majeur s’immisce dans ces initiatives d’échanges : les problèmes du financement.
Différents organismes de la région emploient certes des fonds à cet effet, alors que les États, selon les arguments, ne semblent pas concernés. Mais encore faut-il que les projets soumis soient retenus et les finances nécessaires disponibles.
Quand des prérequis sont alignés, les collaborations peuvent mettre en lumière l’art indocéanique partout à travers le monde. Ainsi, a expliqué Barbara Prezau Stephenson, cheffe de projet pour le développement des industries culturelles et créatives à la Commission de l’océan Indien (COI), des Malgaches ont pu récemment s’envoler pour le Canada dans le cadre d’un festival. Au total, 32 bénéficiaires ont circulé hors de leur territoire grâce au fonds AléVini de la COI.
À l’initiative de Gavin Poonoosamy, directeur du festival Mama Jaz, la conversation publique a eu lieu en petit comité, comprenant des représentants d’institutions, des organisateurs d’événements, des porteurs de projets, ainsi que des artistes et professionnels de l’industrie. L’objectif étant de mettre en lumière les avenues de collaborations interîles et la nécessité de contact avec d’autres territoires. À ces thématiques se sont agglutinées les difficultés financières rencontrées de part et d’autre, de même que le manque d’appui de corps privés et publics pour la valorisation des arts.
En ouverture de séance, Barbara Prezau Stephenson a listé les quatre grands axes d’intervention de la COI : le patrimoine, les subventions et formations, ainsi que le plaidoyer pour la reconnaissance de la valeur économique du secteur créatif. Un accent est également mis sur le diagnostic du genre, en faveur de plus d’équité. Cinq pays de la région sont bénéficiaires, nommément Maurice, les Comores, le Mozambique, les Seychelles, Madagascar et La Réunion de manière indirecte (des fonds y étant déjà disponibles pour le développement artistique).
Des initiatives ont également été lancées pour le soutien de projets et de déplacements, de même que des subventions pour faire venir des artistes, si deux pays collaborent en ce sens. En outre, en juillet, un appel pour des bourses académiques et des formations certifiantes sera également lancé.
De son côté, le président du Pôle régional des musiques actuelles de La-Réunion, Paul Mazaka, a expliqué comment, dans les années 80′, il a créé le premier festival de jazz et de musiques populaires à La Réunion. Pour sa 2e édition, des « talents mauriciens » y avaient été conviés, dont le saxophoniste de renom Ernest Wiehé. « Cela a permis un partage et une bonne connaissance des musiciens de Maurice », a soutenu Paul Mazaka. « Ces échanges ont débouché un an plus tard sur un projet de formation. »
Nommé directeur des affaires culturelles du Conseil général de La-Réunion au début des années 90′, il a déclaré avoir dû se « battre pour convaincre d’investir dans la culture ». Son ambition, en « prenant mon bâton de pèlerin » pour faire le tour de l’océan Indien, était d’organiser « un festival commun » de la région. Toutefois, a-t-il regretté, « l’Union européenne a mis son nez dedans et nous a mis de côté ». La directrice nommée pour la concrétisation de ce projet « ne connaissait rien de nos cultures » et « l’affaire n’a pas pu se concrétiser ».
À l’égard de Barbara Prezau Stephenson, Paul Mazaka a observé que « votre tâche sera compliquée », des acteurs de l’industrie artistique ressentant « une énorme déception » de la COI. « Nous souhaitons qu’il y ait moins de condescendance envers nous de ceux qui dirigent », a plaidé Paul Mazaka, voulant « avancer dans le respect qu’on doit au peuple de l’océan Indien », car « on ne vient pas mendier ».
Pour sa part, le président de l’agence Komkifo de La-Réunion, Zakaria Mall, également organisateur du Koktèl Fonnkèr indocéanique, a fait part des difficultés à réussir à convaincre les institutions capables de les financer. Argument repris par Michel Ducasse de Vilaz Metis. Le poète mauricien a soutenu n’avoir reçu d’aide, notamment de la COI, pour l’organisation du Koktèl Fonnkèr, qui réunit pourtant des Mauriciens, Rodriguais, Réunionnais et Mahorais, à ce jour. La prochaine édition est prévue en décembre à Rodrigues à l’occasion de l’anniversaire du festival Kreol.
D’autres institutions et artistes ont également exposé leurs réalisations et les dispositifs qu’ils accueillent, dont la responsable du pôle des beaux-arts du Caudan Arts Centre, Chloé Mayotte, une représentante de House of Digital Art, Anne Lise Violette, le fondateur d’Electrocaïne, Avneesh Basha, le Beatmaker et auteur Raphael Audibert (Rafiki), le directeur de Culture Events and Production, Jimmy Veerapin, la romancière et académicienne Melanie Pérès, et la thérapeute Joanne Matelot.
Collaboration Maurice/Réunion
« Une connexion » est en voie de finalisation entre l’agence Komkifo de La-Réunion et le Caudan Arts Centre. Des échanges entre des groupes des îles sœurs seront ainsi favorisés. Des formations réunionnaises seront envoyées à Maurice pour une résidence avec des locaux, qui débouchera sur une restitution sur la scène du prestigieux centre d’arts de la capitale.
Kiltir.org
La COI a mis en place un site Internet pour vulgariser un « réseau des industries culturelles et créatives de l’océan Indien ». Des événements culturels, des métiers et emploi, ainsi que des dossiers y sont listés. Des appels à projets y sont également inscrits pour des soutiens aux événements culturels et des fonds d’aide à la mobilité régionale, entre autres.