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Melanie Pérès avec Tizan dan HoDA :« Le défi était de proposer une pièce en 360 degrés »

Melanie Pérès et son équipe proposent une mise en scène de La légende du Pieter Both et de Zan ar Zann, dans la salle immersive de la House of Digital Art (HoDA), chaque premier dimanche du mois, dans le cadre de sa deuxième saison artistique qui s’articule autour du thème Toutes les îles sont des arbres, selon une citation du poète mauricien Édouard Maunick.

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Dans un entretien accordé à Le Mauricien à cette occasion, Melanie Pérès qui a écrit la mise en scène des deux contes, souligne que le plus gros défi a été de le faire de sorte que les comédiens puissent jouer « en 360 degrés ». « C’est la première fois qu’on joue dans une salle immersive, il fallait une mise en scène adaptée », affirme-t-elle. Elle ajoute que les deux contes ont été adaptés pour un jeune public.

Parlez-nous « Tizan dan HoDA », qui est mis en scène chaque premier dimanche du mois à la HoDA…

Pendant une heure et ce, jusqu’au mois d’août, nous présenterons Tizan dans HoDA. Il s’agit de la mise en scène de deux contes : La légende du Pieter Both et Zan ar Zann. J’avais joué la première au Caudan Arts Centre. Mais la mise en scène a été adaptée pour qu’il puisse être joué à la HoDA et la pièce cible un public familial avec des enfants. Le premier dimanche de mai a été la première fois que nous présentions une pièce de théâtre immersive.

Le deuxième conte de Patrimoine de l’île Maurice, Zan ar Zann, qu’on retrouve dans le livre de Charles Baissac, a également été travaillé pour une mise en scène adaptée, comme le précédent. Les deux pièces seront présentées dans la salle immersive. Nous nous retrouverons directement dans une cabane grandeur nature, avec une projection de Frédéric Antoinette, Motion Graphic Designer/Video Editor chez Mopix, et Max Anish (ndlR : les deux artistes exposent à la HoDA) qui montre des fourmis et des lucioles en mouvement. La pièce prend forme au milieu de la salle sur un tapis et le public est tout autour. Le spectacle vise surtout les enfants et il est interactif : le public peut bouger, il y a aussi de vrais objets avec lesquels les enfants peuvent jouer. Le décor est conçu pour la représentation.

Je serai sur scène avec quatre autres comédiens : Esther None, Lydia None, D-Jok et Guillaume Silavant. La musique a été montée par Asheel Tymun. Les deux pièces seront entrecoupées de sirandanes et des jeux d’enfants.

La salle peut accueillir combien de personnes à la fois ?

Une soixantaine de personnes assises par terre. Elles peuvent bouger aussi.

Vous parlez d’une adaptation de la mise en scène de « La Légende du Pieter Both »…

La mise en scène que j’avais écrite pour le Caudan Arts Centre concernait une scène où le public est devant. Le défi à la HoDA, c’est qu’il s’agit de jouer en 360 degrés. Le public est tout autour, il fallait donc penser la mise en scène différemment.

Comment appréhender le jeu à 360 degrés ?

Dans une mise en scène traditionnelle où le public est au-devant de la scène, tout se passe dans l’expression et l’émotion. Cela se fait dans une seule direction. Nous captons l’attention du public de gauche à droite. Dans une salle immersive, et encore plus lorsqu’il s’agit d’un public enfant, il convient de garder leur attention – car il peut aussi vite se lasser – et il est important que le spectateur fasse partie de la scène. Il y a des moments, quand nous écrivons la mise en scène, où nous pensons aux questions que nous pourrions poser aux gens, au temps qui leur sera accordé pour y répondre. Nus faisons aussi attention à l’espace : comment les comédiens vont bouger, iront à la rencontre du public, et comment ce public pourrait intégrer le jeu. Et les gens participent vraiment. Nous l’avons vu lors de la représentation du 5 mai.

Comment ce projet a-t-il vu le jour ?

Cela a commencé en 2019. Le musicien français Philippe Mournetas, un passionné de l’île Maurice, voulait montrer une pièce de théâtre avec une légende mauricienne. Je me suis renseignée et j’ai trouvé La légende du Pieter Both. J’ai été dans plusieurs régions de Maurice, j’ai rencontré des gens de plusieurs catégories d’âge pour voir s’ils connaissaient cette légende. J’ai rassemblé tout ce qu’il y avait de similaire, avec tous ces textes. Une fois que j’ai eu une ligne de conduite, j’ai écrit la pièce. Et Philippe Mournetas voulait ajouter une part d’amour et écologique dans la pièce.

Pour la représentation à la HoDA par exemple, j’ai parodié le côté romantique – entre la fée et le marchand de lait – pour l’adapter au public enfant. Donc, c’est plus comique ! Au Caudan Arts Centre, il y avait 40 musiciens de l’Ensemble musical de l’océan Indien. Ici, le temps est limité. Nous n’avons pas de chanson de trois minutes, mais de 30 secondes.

Est-ce une comédie musicale ?

C’est une pièce qui est accompagnée d’un fond musical. Et les chansons ont été écrites par moi, pour la représentation  à la HoDA. C’est un conte musical.

Comment vous êtes-vous retrouvés sur ce projet à la HoDA ?

Il y avait un appel à projets pour la Saison 2. C’est là que je l’ai écrit et il a été sélectionné.

Comment a démarré l’aventure de « Zan ar Zann » ?

J’ai découvert ce texte qu’on retrouve dans la collection de Charles Baissac à travers Henry Favori. Et j’ai voulu reprendre ce texte du patrimoine local. C’est la mise en scène qui a été travaillée. Le défi était de mettre en scène un conte. C’est un genre où nous racontons l’histoire en même temps qu’elle est jouée. Par exemple, nous disons : « Tizan marse, li ariv kot enn larivier, li dir, isi mo pou bwar inpe delo », et il fait l’action en même temps. C’est un concept que j’ai appris d’Henry Favori quand je jouais avec lui en 2009. L’idée était de proposer quelque chose de peu commun.

Quelle en est sa force ?

La personne regarde et écoute en même temps : elle reste captivée. Après nous pouvons aussi jouer avec l’intensité de l’action : dans Zan ar Zann par exemple, il y a Bolom Loulou qui est le méchant. Il demande à Tizan de prendre une pierre et de la jeter au-dessus d’un œuf sans le casser. Il y a une tension dans le texte que nous retrouvons dans l’action. Cela augmente le « suspense » dans toute la pièce ce qui rend le Storytelling plus intéressant.

Pendant combien de temps avez-vous répété pour mettre au point la pièce ?

On a eu un mois de répétition.

Pourquoi avoir fait le choix de travailler sur les contes ?

Je trouve qu’il y a un manque de transmission entre les générations. Est-ce que nous avons toujours le temps de voir la grand-mère le soir pour écouter des histoires ? Est-ce que les jeunes parents ont le temps de le faire ? C’est ma manière de sauvegarder et de faire le passage de ce patrimoine littéraire.

En quoi est-ce important ?

Cela garde l’identité du pays, notre identité créole. L’oralité peut faire partie de l’identité créole et il ne faut pas que cela se perde.

Vous êtes auteure, chanteuse, comédienne…Avez-vous eu une formation professionnalisante dans le domaine des arts du spectacle ?

Je n’ai pas fait d’études formelles de théâtre. Quand j’étais au collège, j’étais dans la troupe d’Henry Favori. Après mes examens du Higher School Certificate, j’ai fait un BA (Hons) in French and Creole Studies, à l’université de Maurice. Quelques années plus tard, j’ai fait un Master en science du langage et mondes créoles, à l’île de La-Réunion. C’était de 2022 à 2023. J’ai fait une analyse de la culture, de la langue et de la littérature des îles de l’océan Indien, à savoir Madagascar, Comores, Mayotte, La-Réunion, Les Maldives, Les Seychelles, l’île Maurice, Rodrigues et Agalega. J’ai eu l’occasion de participer à une résidence, à la Cité des Arts, à La Réunion pendant trois semaines. J’ai joué dans la pièce Madiba Zénani écrite et mise en scène par Jocelyne Lavielle et interprétée par Érick Isana et Keïla Madi. En 2019, j’ai commencé à écrire la pièce de théâtre Tigann, et en 2022, je l’ai jouée. J’ai eu l’occasion de jouer dans d’autres pièces.

Pour ce qui est du chant, j’avais commencé des cours, il y a très longtemps, avec Bruno Malcolm. J’ai eu l’occasion de faire une Master Class sur la présence scénique avec Maya Kamati, à l’Institut français de Maurice. J’ai travaillé avec Brendon Jacquette, chanteur lyrique, depuis 2019. Tout cela m’a permis de découvrir d’autres facettes de ma voix.

Donc, on peut être talentueux, mais une structure adéquate semble indispensable pour se professionnaliser et évoluer…

Tout à fait. C’est beaucoup de travail de recherche et de soutien pour pouvoir se développer. Nous pouvons vouloir être un artiste mais il faut bosser pour cela. Aussi, il est important de savoir faire le tri entre les commentaires, surtout avec les réseaux sociaux aujourd’hui parce que c’est quelque chose qui peut nourrir l’artiste ou le détruire. Je travaille beaucoup avec Jimmy Veerapen de Culture Events pour mettre en place mes projets. Nous essayons de faire des choses nouvelles et les critiques peuvent être très dures des fois.

Le travail demande aussi beaucoup de recherches documentaires, ensuite il faut mettre de l’ordre dans tout cela pour trouver le concept. Jimmy Veerapen s’occupe de la production et de la gestion. Une fois le projet écrit, je ramène des artistes qui travaillent dessus pour les concrétiser.

Gagnez-vous votre vie avec votre art, ou faites-vous autre chose à côté ?

J’étais professeur dans un collège avant. J’ai arrêté, parce qu’à un moment donné, il fallait faire un choix. J’assurerai quelques cours, dont un module de Creative Writing en créole, à l’université de Maurice, sous peu.

Propos recueillis par

Munavvar Namdarkhan

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