Le Guide - Législatives 2024

Législatives 2024 en Inde : le plsu grand exercise démocratique du monde

Dr Diplal MAROAM

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Dr DIPLAL MAROAM

État le plus peuplé de la planète avec 1,4 milliard d’habitants et 7e plus vaste avec une superficie de 3,29 millions de km², l’Inde élit, depuis le 19 avril dernier ses 543 députés de la chambre basse (Lok Sabha) lors d’un scrutin national, qui tire déjà à sa fin et impliquant plus de 970 millions d’électeurs dans le plus grand exercice démocratique du monde. Colonie anglaise, devenue indépendante en 1947, la Grande Péninsule a adopté en 1950 une Constitution mettant en place une démocratie représentative et fédérale largement inspirée du régime politique britannique, comme tel est le cas également chez nous.

« L’Inde, c’est-à-dire, le Bharat, est une union d’États », stipule l’article 1 de la Constitution. Chacun des 29 États (depuis 2014) composant le pays dispose de ses propres pouvoirs exécutifs et législatifs ; le gouvernement central définissant, entre autres, la politique générale interne comme externe, celle de la défense, et intervient dans le fonctionnement de certaines institutions des États, notamment en nommant les hauts fonctionnaires ou les gouverneurs. Comme à Maurice, les fonctions du président, élu par un collège électoral composé des membres du Parlement (Lok Sabha et Rajya Sabha) et des législatures des États, restent principalement symboliques. Le président promulgue les ordonnances adoptées lors des sessions parlementaires et peut prononcer la dissolution du Lok Sabha mais uniquement sur recommandation du PM qui détient l’essentiel du pouvoir exécutif comprenant la présidence du conseil des ministres. En outre, le PM est responsable devant la Lok Sabha, instance qui peut le contraindre à la démission mais qu’il peut également dissoudre en l’absence de majorité législative.

Ayant accompli deux mandats consécutifs, Narendra Modi, dont la gouvernance est considérée, dans certains milieux, comme un tsunami qui a déferlé sur le paysage politique de l’Inde, est, à 73 ans, donné grand favori à sa propre succession. La campagne électorale, dans le cadre de cette 18e législature, s’est déroulée dans une atmosphère survoltée de passions, de débats et de contestations. Et en cas de succès, Narendra Modi serait reconduit pour un 3e mandat, une performance que seul Jawaharlal Nehru, le premier de ses 16 prédécesseurs depuis l’indépendance, avait accomplie.

Pour la petite histoire, soulignons que la participation aux élections en Inde n’a cessé de croître, passant de 47% aux premières législatives en 1952 à 67% à la dernière échéance il y a 5 ans. Ce qui est remarquable, c’est que c’est dans les bidonvilles et les faubourgs pauvres qu’on vote le plus alors que les riches se sentent manifestement moins concernés par les changements politiques. Dans l’histoire de la démocratie indienne, l’année 1977 représente une date gravée dans les annales de la république. Elle s’ouvre sur la convocation des élections législatives après deux longues années d’état d’urgence. En 1975 donc, la Première ministre, Indira Gandhi, fille de Nehru, dont l’élection venait alors d’être annulée par une haute Cour régionale saisie par l’opposition, fit proclamer un régime d’exception, interrompant ainsi le processus démocratique en plein essor. Cette page sombre de l’histoire politique indienne, perçue comme une période de quasi-dictature – les principaux leaders de l’opposition s’étaient retrouvés derrière les barreaux et la liberté de la presse et d’expression avait été sévèrement restreinte –, le pays la vivait mal, très mal même.

Et, comme il fallait s’y attendre, la réponse de l’électorat indien fut cinglante : aux législatives de 1977, il donna ses voix à l’opposition, faisant preuve d’une maturité politique certaine et renvoya le parti du Congrès dans « karo-kann ». Même si cette première alternance ne durera que 3 ans, la démocratie indienne était sortie renforcée. De nouveaux acteurs politiques entrèrent en scène, ce qui entraîna l’émergence de nouveaux rapports de force entre partis. Ainsi, les années 1980-90 furent marquées par l’effondrement du modèle congressiste et dominées par des formations régionales qui rapidement gagnèrent en puissance. L’Inde entra alors dans l’ère des coalitions avec des gouvernements qui se font et se défont au gré des alliances et des intérêts, comme c’est le cas également chez nous à Maurice.

L’arrivée au pouvoir en 2014 de Narendra Modi du BJP (Bharatiya Janata Party), reconduit en 2019, ouvre donc un nouveau chapitre dans la vie politique du sous-continent. Certes, le BJP était déjà aux affaires entre 1999 et 2004 mais c’était dans le cadre d’un gouvernement de coalition alors que cette fois-ci, il dispose d’une majorité absolue avec 282 sièges lors de la première mandature et de 303 lors de la seconde. Et le chef charismatique du BJP est bien parti pour assumer une troisième.

Incarnant le destin inouï d’un enfant de Gujarat qui aidait son père à vendre du thé sur le quai d’une gare de l’État, Narendra Modi a redéfini le parcours de l’Inde durant ses deux quinquennats, marqués par l’avancement du nationalisme hindou et la montée en puissance de son pays sur la scène internationale. « Jai Hind » (Vive l’Inde) serait devenu presque un cri de guerre, scandé par des foules en liesse lors de ses apparitions durant la campagne. Car il leur a promis que le 21e siècle sera celui de l’Inde et de son peuple. Cependant, s’il y a un phénomène qui risque de faire obstacle à cette promesse ambitieuse, c’est bien l’inégalité croissante qui fragilise significativement la société indienne.

En effet, selon un rapport publié en mars dernier par le World Inequality Lab, l’Inde est en train de devenir un « paradis des milliardaires », indiquant que les richesses concentrées entre les mains de l’élite indienne avaient atteint un pic historique. L’étude démontre qu’à la fin de 2023, les 1% d’Indiens les plus riches concentraient 40% des richesses du pays – du jamais vu depuis 1961 – et 22,6% des revenus, un niveau inédit depuis 1922 lorsque l’Inde était encore sous domination britannique. Or, les 50% des Indiens les plus pauvres, eux, représentant seulement 15% des revenus.

Déjà en 2014, Narendra Modi était élu sur la promesse d’apporter le développement et la croissance à tous ses compatriotes indistinctement. La croissance du PIB est, en effet, soutenue depuis qu’il est arrivé au pouvoir ; les prévisions pour l’année fiscale en cours étant de 7,6% contre 7,3% précédemment. L’Inde est même devenue la 5e économie mondiale devant le Royaume-Uni, l’ancienne puissance coloniale. Mais force est de constater que les grandes réformes lancées par le PM n’ont fait que creuser l’écart entre ceux et celles se trouvant aux deux extrémités de l’échelle sociale ; l’opposition l’accusant même d’avoir principalement servi les intérêts des milliardaires tout en négligeant la classe défavorisée. De grands groupes industriels se sont, en effet, considérablement enrichis et ont constitué des quasi monopoles dans un grand nombre de secteurs en profitant des concessions accordées par l’État indien.

Du fait que les gouvernements successifs n’arrivent manifestement pas à trouver la formule idéale pour améliorer la situation économique des populations les plus pauvres, beaucoup d’observateurs sont d’avis que la solution au problème des inégalités croissantes dans la Grande Péninsule réside dans un changement radical du système politique et économique.

                                                                                                                                               Dr Diplal MAROAM

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