Le jardin de Pamplemousses (SSR) au coeur de la tempête : harcèlement et violence physiques

  • Un sulfureux guide en roue libre malgré des coups violents
    infligés à un septuagénaire
  • « Honte, dépit… déception totale… » Les touristes médusés devant l’état catastrophique dans lequel se trouve le site

Le Jardin botanique de Pamplemousses (SSR) se retrouve de nouveau au cœur de la tempête. Des guides officiels opérant sur le site font état de faits susceptibles de relever de harcèlements et de violences physiques de la part d’un de leur collègue qui paraît « intouchable », en dépit de ses frasques. Concernant les actes de brutalité allégués, Stellio Soobee, 74 ans, affirme avoir reçu plusieurs coups dans plusieurs parties du corps, le 9 mai. Son bourreau a été arrêté par la police, trois jours plus tard, avant d’être libéré sous caution le lendemain. La conséquence de ces actes malsains couplés à l’état de délabrement dans lequel se trouvent le jardin résume assez bien le spectacle attristant et pathétique auquel se livre l’administration en charge du site, en proie au chaos et qui a complètement perdu le nord !

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Depuis plus de 28 ans, Sandrine* (prénom fictif) affirme vivre l’enfer des harcèlements, blagues graveleuses et d’invectives personnelles sans cesse répétées de la part de son collègue Samy* (prénom fictif). Mais les autorités ne semblent pas faire grand cas des frasques du principal concerné. C’est du moins ce qu’on a pu déduire à la lumière des témoignages et des éléments qui nous sont parvenus. C’est en 1995, lorsque la décision fut prise par le gouvernement de professionnaliser le métier des guides opérant jusqu’alors de manière informelle, que Sandrine a été recrutée pour accompagner les touristes et leur conter l’histoire passionnante de ce jardin. Son apprentissage dans son nouveau métier s’est très bien passé, dit-elle, mais elle va vite déchanter en côtoyant le sulfureux guide.

Y a-t-il un capitaine à bord… ?
Dans une missive adressée en août 2023 au CEO du SSR Garden Trust, Vishnu Tezoo, Sandrine fournit moult détails sur le calvaire qu’elle subirait depuis 1995. « Formely we were 22 guides including six ladies. Presently all ladies left. I am the only guide. During these 28 years, I have been harassed by my male colleague called S………. ; About 15 years ago, I did complain to the Police Station of the locality and Ministry of Gender & Equality but there was never any inquiry according to me. So I continue to work, thinking to forget and to forgive. But this time he has crossed the limits. Whenever he passes to me, he uses derogatory terms and offensive comments. He has always insulted me in front of tourists… His aggressive way of talking to me (because maybe I am a divorcee for 20 years) never stops. These harassments are becoming a sexual harassment that hurts my emotion and dignity », peut-on lire en substance dans ladite lettre.

L’enquête ouverte, en 2022, par l’ICAC contre l’ex-CEO du SSR Garden Trust, Siamboo Sungkur — suivant des allégations portées contre lui, allant du harcèlement sexuel aux menaces contre des employés, en passant par certaines décisions qui auraient été prises sans l’aval du conseil d’administration —, avait déjà sérieusement entaché l’image de l’institution, régulant le jardin façonné par le célèbre botaniste Pierre Poivre en 1769. Cet épisode n’aurait manifestement pas servi de piqûre de rappel au nouveau CEO, Vishnu Tezoo, choisi en septembre 2022 pour remplacer Siamboo Sungkur aux manettes. Week-End a tenté en vain de le joindre, mais son téléphone était éteint.

Dans sa lettre, Sandrine émet d’autres allégations contre Samy en soutenant que « on the 24th July 2023, at about 12 h 30, at the entrance of the parking, the latter conversed with me in a very abusive way. He also threatened me in front of eight tourists while I was starting my visit. He showed me his middle finger, and said “guet mwa byen, Marke gardé to pou gagn enn sirpriz avek mwa” and said other harsh words like “b… to f… ! » Face à l’inaction de son supérieur hiérarchique, Sandrine a porté l’affaire à l’Equal Opportunity Commission (EOC) qui, elle l’espère, prêtera une oreille attentive à ses revendications.

« Le pire moment de ma vie »
Les écarts de conduite du guide aux comportements belliqueux ne s’arrêtent pas là. Pire, l’agression qu’il a infligée, le 9 mai, à Stellio Soobee, 74 ans, est révélatrice du danger que représente cet individu qui sait jouer de la menace et user des coups bas pour arriver à ses fins. Le témoignage du septuagénaire, qui opère comme guide touristique depuis 52 ans, est bouleversant. Les larmes aux yeux, il souligne avoir « tout le temps pris mon travail avec le plus grand sérieux en respectant mes collègues. J’aime dialoguer avec les touristes sur tout. La politique, la religion et le sport, entre autres. » Quelle mouche a donc piqué Samy pour sombrer ainsi à un tel niveau de violence envers un vieil homme sans défense ?

« Je discutais avec des touristes français sur la culture mauricienne et ses religions en mettant l’accent sur les caractéristiques de chacune d’entre elles et comment on s’évertuait à rester unis. J’ai remarqué que Samy épiait notre conversation en esquissant des signes d’agacement pour montrer sa désapprobation sur ce que je disais. À la fin de la discussion, il est venu vers mois en lançant : Ki to pe koze ? To pou kone ar mwa ! Je n’ai pas fait attention, car je connais très bien le personnage », confie Stellio Soobee.

Bien mal lui en a pris, puisqu’il va vivre, selon ses propres mots, le pire moment de sa vie : « Le lendemain, j’étais tranquillement assis sous le kiosque lorsque, surgi de nulle part, Samy s’en est pris verbalement à moi avant de me pousser. Quand bien même je suis tombé par terre, je me suis relevé pour tenter de me défendre, mais il a commencé à me rouer de coups. Je dois mon salut à mes collègues qui sont intervenus pour mettre un terme à toute cette violence. »

Et quid d’un comité disciplinaire ?
Stellio Soobee est conduit à l’hôpital, où les médecins ont conclu qu’il avait échappé de peu à une fracture à la colonne vertébrale ! Après avoir obtenu un Form 58, la victime s’est rendue au poste de police pour consigner une déposition. Samy est arrêté par la police, le 12 mai, avant d’être traduit le lendemain en cour de justice, où il a payé une caution de Rs 5 000 pour obtenir sa libération. Cette affaire a mis le feu aux poudres au sein du personnel du jardin, dont la colère a atteint son point d’ébullition face au sentiment d’impunité dont bénéficie Samy, qui a repris le travail comme si de rien était. « Je ne dors plus la nuit, car cette agression hante mon esprit. J’ai des douleurs atroces », souligne Stellio Soobee. Samy changera-t-il son fusil d’épaule et gommera-t-il l’image déplorable qu’il renvoie ? Y a-t-il toujours un capitaine à bord du navire ? Le CEO Vishnu Tezoo entend-il prendre le taureau par les cornes face à la fronde qui grandit en convoquant le sulfureux guide sur un board disciplinaire ? Autant de questions qui restent sans réponse pour l’instant.

Au-delà de ses comportements indignes envers ses collègues, Samy détonne par son accoutrement. On le voit souvent déambuler pieds nus, la chemise en dehors du pantalon, ou faire la sieste dans des positions très peu académiques, sous les yeux médusés des touristes, qui ne sont pas au bout de leurs surprises. Désagréablement surpris de voir l’état d’insalubrité et de délabrement dans lequel se trouve le jardin. Les choses ont empiré depuis les articles publiés par Week-End en 2022 et 2023…

L’entrée du site est envahie par du taro (brède songe). Les fleurs de lotus, qui poussent dans l’eau ou dans les espèces de marécages, ont totalement disparu. Les étangs de nénuphars sont devenus d’infâmes marigots, alors que les bancs, recouverts de poussière, découragent les promeneurs les plus fatigués. La liste est longue…. Pierre Poivre doit sans cesse se retourner dans sa tombe.

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