Le complexe sportif de Côte d’Or ne doit plus être considéré comme un éléphant blanc. C’est l’avis au Mauritius Multisports Infrastructure Limited (MMIL), organisme responsable de sa gestion et de son fonctionnement. On bombe même le torse en estimant avoir désormais la capacité d’attirer et d’organiser des grands évènements internationaux.
De quel évènement parle-t-on au juste compte tenu du fait que ce complexe a accueilli des compétitions de natation et de judo lors des Jeux des Iles de l’océan Indien de 2019. L’Association mauricienne d’athlétisme a, elle, haussé le niveau en organisant les Championnats d’Afrique seniors en 2022, alors que le Club M y a disputé quelques matches.
Quelle est donc cette référence si chère au MMIL au point de faire son vantard ? Ah, nous l’avions complètement oublié celui-là. L’African Asian Pacific Choir Games prévu du 27 septembre au 5 octobre 2025. Pour ceux qui ne le savent pas, ce sera une compétition de chorale ! Si notre mémoire ne nous fait pas défaut, au plus grand jamais n’avons-nous entendu parler ne serait-ce que d’une compétition nationale.
À bien comprendre l’idée, cette compétition devrait renflouer les caisses à Côte d’Or, jusque-là rentabiliser par une poignée de concerts internationaux entre autres. Des recettes qui se perdent malheureusement dans cet océan de Rs 5 Mds qu’aura coûté sa construction.
Nous n’avons rien contre l’organisation de cette compétition, mais faut-il encore qu’il y ait un background avant de se lancer dans une telle aventure. Combien sont-ils d’ailleurs les Mauriciens qui savent de quoi il en est question ? D’autant que l’organisation a un coût, soit Rs 141M contre les Rs 84M de départ !
Forcément, cela nous fait sourciller. Comment l’État peut-elle se montrer si généreux envers le MMIL, alors que cet organisme a été très critiqué dans les deux derniers rapports du Directeur de l’audit. Cela, pour avoir excédé de plusieurs millions de roupies son budget initial ! Est-ce normal qu’on opère sans un mécanisme de contrôle permettant de s’aligner sur les principes de la bonne gouvernance ?
Pourtant récemment, des handicapés qui avaient gagné leur qualification aux Mondiaux de para-athlétisme de Kobe au Japon, avaient failli rater la compétition faute d’un supplément de…Rs 3M. Et ils ne sont pas les seuls à devoir régulièrement mendier pour exister et qui suent, qui plus est, matin et soir pour atteindre l’excellence ! Contrairement à d’autres qui naviguent dans l’opulence, hors des paramètres établis et sans pour autant devoir une garantie en retour !
Pire. Le ministre des Sports, Stephan Toussaint, a esquivé l’interpellation du leader du PMSD, Xavier-Luc Duval, mardi au Parlement, sur les grosses pertes encourues à ce jour par le MMIL. Selon lui, cet organisme n’opère pas sur une profit-making basis. Peut-il alors nous expliquer l’idée derrière la location de Côte d’Or pour des concerts payants par des entités privées ? Même que, selon lui, la question de pertes ne se pose pas ! Stephan Toussaint mesure-t-il réellement l’ampleur de ses propos, alors qu’ils sont nombreux les Mauriciens à ne plus pouvoir joindre les deux bouts ?
Si le ministre n’a pas voulu répondre à la question, en revanche, nous sommes en mesure de lui dire que les pertes encourues à mars seraient estimées à un peu plus de Rs 100M ! Alors que les chiffres avancés pour la prochaine année financière devraient encore flamber. Sans compter l’excès de Rs 57M pour l’organisation de la compétition de chorale et un processus de recrutement qui ne faiblit pas à Côte d’Or !
Pourquoi alors défendre l’indéfendable monsieur le ministre ? Vous le savez mieux que nous que les faibles revenus générés depuis 2019 — excluant la période de restriction sanitaires — sont loin de convaincre. Cela, en dépit du fait que votre Premier ministre, Pravind Jugnauth, se vantait récemment de la présence des athlètes britanniques ayant choisi le complexe sportif de Côte d’Or pour préparer les Jeux olympiques de Paris.
Le Premier ministre a aussi beau crié sur tous les toits que ce complexe n’est pas un éléphant blanc tout comme ses chatwa. Mais tant que les fonds dépensés par le MMIL ne seront pas justifiés jusqu’au moindre sou, on dira que ce complexe demeure un éléphant quelle que soit sa couleur.
C’est pour cette raison que le contribuable a le droit de savoir comment son argent est dépensé, même si Stephan Toussaint en a lui décidé autrement mardi à l’Assemblée nationale. À moins que ce dossier comporte aussi une clause de confidentialité comme c’est le cas sur le dossier Agalega, alors que ce pays n’est ni la propriété du MSM,
ni d’aucun autre parti politique.
Jean-Michel Chelvan