À moins que vous ne sortiez jamais de votre chambre climatisée ou passiez votre temps au rayon frais du supermarché du coin, vous aurez forcément constaté que l’été aura été particulièrement chaud cette année. De même qu’il ne vous aura pas échappé que la période estivale semble vouloir jouer les prolongations, les températures – cumulées à un taux élevé d’humidité –, rendant en effet notre quotidien ces dernières semaines pour le moins inconfortable. Il fait chaud, c’est vrai, et même très chaud. Et il vaudrait mieux nous y habituer, parce que bien que cette année promette d’être encore plus exceptionnelle que la précédente en termes de canicules, 2024 risque d’ici la prochaine décennie de nous sembler avoir été particulièrement clémente, tant notre proche avenir ne s’annonce pas des plus glorieux.
S’il est un point positif, pour peu que nous cherchions à nous rassurer, c’est que le cas mauricien n’a rien d’unique; il serait même assez favorable en comparaison à d’autres régions tropicales et subtropicales du monde. Reste que la situation se compliquera inévitablement au fil des années, comme viennent encore de le rappeler les auteurs d’une récente étude. Ces chercheurs ont en effet analysé la vitesse de déplacement des vagues de chaleur sur une période de 40 ans, et ont constaté que celle-ci diminuait de 8 kilomètres par décennie. Ce décalage peut vous sembler insignifiant, mais il démontre une réalité incontestable, à savoir que les périodes de fortes chaleurs persistent de plus en plus longtemps sur une même région. Qui plus est, ces vagues ont tendance à s’étendre, comme une araignée qui tisserait sa toile aux quatre coins du globe.
Les résultats de cette étude sont déterminants à plus d’un titre pour notre connaissance du dérèglement climatique, car jusqu’ici, les experts engagés sur cette question « brûlante » s’étaient surtout intéressés à la fréquence et à l’intensité des vagues de chaleur. Aussi, en situant cette fois ces dernières dans l’espace et le temps, le phénomène nous rappelle non seulement que « l’organisme Terre » est malade, mais que le cancer se métastase un peu plus chaque jour. Sachant, comme ne cesse de le marteler la communauté scientifique, que les circonstances climatiques sont induites par l’activité humaine, si nous n’ouvrons pas rapidement les yeux, l’avenir de notre espèce pourrait être encore plus rapidement que prévu compromis.
À ceux qui en douteraient encore, nous pouvons les renvoyer à une autre étude, de la Nasa cette fois, qui, récemment, s’est attelée à tenter de prédire les zones qui, d’ici 30 à 50 ans, et du fait du réchauffement climatique, seront devenues totalement inhabitables. Pour ce faire, les chercheurs ont eu recours à des données satellitaires, mais aussi et surtout à un indice thermique, lequel permet d’évaluer le niveau de risque pour le corps humain lorsque celui-ci est exposé à des températures anormalement élevées. Cet indice est le « Wet Bulb », bien plus précis et moins subjectif que la mesure de degré d’inconfort, basé, lui, sur la température de l’air ambiant et l’humidité relative à l’ombre.
En l’occurrence, le Wet Bulb caractérise la température la plus basse d’un objet ou d’un corps qui se refroidit lorsque l’humidité s’évapore de celui-ci. Dit plus simplement, il mesure la faculté de notre corps à se refroidir grâce à notre transpiration lors d’un temps chaud et humide.
Leurs résultats sont sans appel : dès 2050, de nombreuses populations du monde ne pourront tout simplement pas survivre. Ainsi les scientifiques estiment que le Wet Bulb le plus élevé auquel un humain puisse résister est de 35 °C pendant un maximum de six heures. Pour l’heure, la majorité des régions chaudes et humides, y compris les Mascareignes, ont un indice de 25 à 27 °C. Mais cet indice est promis à une élévation. De fait, d’ici 25 à 45 ans, selon la Nasa, beaucoup de pays seront inhabitables, comme le sud de l’Asie, le golfe Persique, l’Égypte, l’Arabie saoudite, le Soudan, l’Éthiopie, la Somalie, le Yémen, l’est de la Chine, une partie du Brésil…
Aujourd’hui plus que jamais, revoir notre mode de fonctionnement sociétal est d’une importance crucial. Les mesures d’adaptation, brandies régulièrement par les États comme l’ultime protection – à défaut de réduire de manière drastique leurs émissions carbone –, ne nous permettront pas de nous protéger des dangereuses expositions solaires prolongées. À moins de vivre sous un dôme, bien sûr. D’ailleurs, n’est-ce pas ce que nous confère aujourd’hui naturellement (et gratuitement) notre planète ?