S’il est un terme qui revient régulièrement ces derniers temps dans la bouche de ceux qui sont aux manettes du monde, et dans lesquels s’invitent inévitablement des questions d’ordre budgétaire, c’est bien celui de « l’adaptation ». Le mot, il faut l’avouer, est bien pratique lorsqu’il s’agit de faire face à une crise systémique. Comme d’ailleurs on l’aura reçu en pleine figure lors du pic de la pandémie de Covid-19, ne sachant alors pas si l’on pourrait rapidement se débarrasser de ce satané virus (ce qui n’est d’ailleurs pas encore le cas, même si les discours se sont, depuis, grandement aseptisés). « Pratique », il l’aura aussi bien entendu été en ce qui concerne le changement climatique.
Il est vrai que fondamentalement, s’adapter aura toujours, de tout temps, été d’une nécessité absolue. Et ce, principalement parce que dans l’ensemble, à l’exception de quelques poignées de décideurs, l’humain aura subi moult conflits, guerres, crises et autres catastrophes sans les avoir foncièrement demandés. Aussi aura-t-il naturellement été obligé de s’adapter. À la différence du réchauffement de la planète qui, lui, ne nous aura pas été imposé, tout au moins en cette ère de l’anthropocène. Le phénomène est en effet connu depuis le dernier quart du siècle dernier, et nous avons donc eu trois décennies au moins pour y réfléchir et y apporter une solution. En vain. D’où la résurgence du concept d’adaptation.
Concrètement, cela veut dire quoi ? Eh bien que puisque nous n’arrivons toujours pas à nous entendre pour une réduction drastique de nos émissions de gaz à effet de serre, ce qui nous obligerait à revoir notre mode de production – et donc notre modèle économique –, alors il ne suffit plus que de composer avec ce que la nature nous imposera comme contraintes. Facile, non ? Eh bien, pas tant que ça, hélas… Car dans les faits, cela signifierait plusieurs choses, lesquelles sont loin d’être rassurantes. À commencer par le fait que seules les nations les plus aptes économiquement pourront le mieux s’adapter, et tant pis pour les autres. Quand bien même ce serait justement les « autres » qui souffriraient le plus des affres du climat.
Fort heureusement, le concept vient de prendre un peu de plomb dans l’aile. Non pas en raison d’une hypothétique « révélation » d’ordre éthique – si la morale s’invitait dans les questions politiques et économiques, cela se saurait depuis longtemps –, mais plus prosaïquement du fait du contenu pour le moins pessimiste d’études et de rapports d’experts sur la question, qui se succèdent depuis plusieurs mois, et dont le dernier en date, signé de chercheurs de la Global Solutions Initiative Foundation (Allemagne), a d’ailleurs été publié il y a quelques jours à peine. En deux mots, ce document explique que les mesures d’adaptation ne suffiront pas à nous préserver du pire.
Pour en arriver à leur conclusion, les chercheurs ont pris en compte un ensemble de facteurs, tels le décalage des dates de plantation, la gestion des eaux urbaines, les adaptations du secteur énergétique, etc., et ce, dans toutes les régions du monde. Résultat : si les mesures d’adaptation peuvent se révéler suffisantes jusqu’à un réchauffement de +1,5 °C, au-delà, c’est une tout autre histoire. En effet, car l’efficacité de ces mesures diminue au fur et à mesure que la température augmente, soit 69% d’efficacité pour +2 °C, 62% pour +3 °C et 46% pour +4 °C. Sachant que des pays comme la France, par exemple, s’attendent dans les prochaines décennies à des élévations de l’ordre de +4 °C, il apparaît clairement que la rhétorique de nos « rassureurs publics » risque de rapidement s’effondrer.
Pour la faire simple, l’humanité est définitivement au pied du mur. L’état du climat, aujourd’hui, est tel que s’adapter ne suffira pas, quand bien même nous prendrions les mesures les plus fortes qui soient. Qui plus est, aucun état, même parmi les plus riches et développés, ne sera à l’abri. Le problème, c’est que compte tenu du niveau actuel du changement climatique anthropique, à savoir d’environ +1,2 °C, limiter nos émissions de gaz à effet de serre ne suffira pas non plus à nous éviter le pire. Reste maintenant l’espoir que l’effet combiné de l’atténuation et de l’adaptation puisse rallonger l’espérance de vie de l’humanité. Ce qui est évidemment loin là aussi d’être assuré !