«Ce sera un crime que de recouvrir le canal du Ruisseau du Pouce. Il existe déjà à Port-Louis deux sites – vis-à-vis du Pailles-en-Queue Building et à côté du Kentucky sur la Chaussée – où des travaux similaires ont été effectués. Et nous savons très bien le degré de pollution et les dégâts lors de grosses pluies que ces travaux de recouvrement d’un canal où coule un ruisseau peuvent causer. Ces travaux vont empêcher l’écoulement normal des eaux…». Ce sont là les propos d’un ancien lord-maire, M. Sunil Gopal, parus dans l’édition du Week-End du 16 juillet 2000. Il exprimait alors ses craintes «sur les conséquences néfastes que causera tout travail de recouvrement du canal où ruissellent les eaux venant du Pouce.»(Idem)
On sait, d’après une autre enquête de Week-End signée Marylène François et parue dans son édition du 20 avril 2003 que le Ruisseau du Pouce «fait office de drain depuis sa construction à l’époque française.» D’autre part, «il y a aussi le Canal Anglais et plein d’autres infrastructures similaires dans Port-Louis et ses environs immédiats pour justement contrôler l’écoulement des eaux sous forte charge.»(Idem) Puis il y a eu le je-m’en-foutisme qui s’est installé. «Mais, depuis, Port-Louis s’est développé. On a construit sans plan d’aménagement global, parfois sans permis et souvent carrément sur ces drains.»(Idem)
Le pourquoi de ces inondations
«Pourquoi certains endroits sont-ils si souvent inondés? Le rapport Gibb, dont les travaux de ses experts ont duré du 16 juillet 2001 au 14 octobre 2002 selon un contrat de Rs7,99 millions, élabore: “inadequacy, lack of maintance and clogging of drains; silting and vegetation growth in river beds and banks; encroachment in natural water courses; inadequacy of waterway at bridges and culverts, etc.”(Idem)
Pour venir à bout de ce problème, il faudrait «pour Port-Louis seulement des travaux de Rs 137 millions…pour 26 points stratégiques, ce qui nous épargnera les grandes eaux des pluies diluviennes ou cycloniques.»(Idem) Avec les consé quences que l’on sait – inondations des artères publiques, des maisons privées, des parkings souterrains comme celui du bâtiment Harbour Front.
Développement infrastructurel v/s écoulement naturel des eaux
Un cas que cite le texte mérite qu’on s’y arrête pour comprendre comment un développement infrastructurel peut rendre difficile l’écoulement naturel des eaux et causer l’irréparable. «L’autoroute inondée lors des dernières pluies devant le Port-Louis Waterfront ainsi que la rue John Kennedy serait, selon les dires du lord maire, M. Gérard Nina, le résultat des travaux entrepris par la compagnie Rogers pour la création d’un parking par recouvrement d’une partie du canal du Ruisseau du Pouce. Faux, rétorque la compagnie Rogers qui affirme également détenir le permis nécessaire pour ces travaux. Voyons voir: il y a bien un courrier daté du 5 septembre 1996 faisant état de l’autorisation par le conseil Municipal de Port-Louis à la demande de Rogers ‘to cover part of Pouce Stream for the construction of a private car park subject to the conditions herewith attached’.»(Idem)
La demande est claire et nette, «sauf que la permission de recouvrir le canal est assortie de 15 conditions et la question la plus importante, selon nous, porte sur le respect ou non de ces conditions ou si l’inspectorat de la municipalité de Port-Louis a bien veillé au grain. M. Roger Lagesse, directeur des ‘Corporate Affairs’ de Rogers, confirme: «les conditions sont respectées». Et elles sont intéressantes à plus d’un titre…D’abord, le fait que 25% du site recouvert devra être “for public use such as public parking”.» Puis les travaux de recouvrement doivent être au préalable approuvés par le City Engineer et devront être d’une hauteur pouvant permettre un accès libre aux Scavangers, etc. Obligation est faite à Rogers d’assumer la responsabilité de nettoyer régulièrement cette partie du canal et la compagnie “would have to furnish a monthly return of cleanings effected to the Municipality Council.”(Idem)
Ensuite, c’est la Butte à Thonniers Stream qui devra rester tel quel, c’est-à-dire, non recouvert, sauf pour les fleurs “on the metallic frame”existantes. Il y a eu, au dé part, un échange de terre dans la balance: le Sugar Industry Fund Board a accepté un échange de terrain à Rogers Square, d’environ 370 mètres carrés du domaine public contre 140 mètres appartenant au SIFB. L’existence du passage souterrain – l’ex-Rogers Square – menant au Port-Louis Waterfront prouve bien que cette condition a été respectée.
Conflit Municipalité /Rogers sur le projet de recouvrement du canal
Huit ans après, soit le 5 janvier 2003, Rogers décide d’agrandir son parking selon un projet de Rs 4 millions. Les travaux devraient être complètement terminés d’ici trois semaines car cette dalle constituant l’esplanade du nouveau parking est en train de sécher et les piliers de soutènement sont toujours là.
Mais le Conseil Municipal persiste et signe, en l’occurrence dans un courier daté du 14 avril 2003 envoyé par le Deputy City Engineer au Town Clerk pour soutenir que les travaux de Rogers pour son parking se poursuivent “without an appropriate Development Permit and a Building Permit”. Un autre rapport de l’assistant ingénieur de la ville date du 30 janvier 2003 ne laisse déjà aucun doute sur les conséquences possibles :
“All the stones removed from the bed has been partly piled at a particular place and some seem to have been carried away”(Idem)
Mais c’est surtout le paragraphe suivant qui retient l’attention:
«Casting of the cover slab over the stream which we presume will be done, will limit the cross-sectional area and looking into the volume of water that drains from the vast catchment area may prove to the catastrophic during continuous heavy rainfall whereby we may be liable to reinstate damages caused to public/private properties.”(Idem)
Ce qui s’est avéré juste par la suite: catastrophique dès les incessantes pluies…Entre-temps, la municipalité a saisi la justice pour faire arrêter les travaux de Rogers, et c’est cette dernière qui remporter la joute en février 2003. La compagnie reprend donc ses travaux. Et le 15 avril décision est prise à la municipalité de préparer les affidavits pour prendre action légale cpntre Rogers pour une demande de “Stop Order”. L’affaire est portée par la Municipalité de Port-Louis le vendredi 18 avril devant la Cour Suprême et a été renvoyée à lundi avec la convocation de Rogers par le juge Asraf Caunhye.