« Record », « exceptionnel » : Moscou s’est félicité lundi de la victoire écrasante de Vladimir Poutine à la présidentielle russe, un résultat présenté comme la preuve d’une union nationale derrière son assaut contre l’Ukraine mais forgé dans la répression de l’opposition.
A l’étranger, les partenaires de Moscou ont salué en choeur sa réélection que les Occidentaux ont dénoncé, pour leur part, comme un simulacre de démocratie.
Le président russe, au pouvoir depuis près d’un quart de siècle, a récolté 87,28% des voix sur l’ensemble des suffrages dépouillés en Russie, soit 10 points de plus qu’en 2018.
« C’est un indicateur record », a proclamé la cheffe de la Commission électorale, Ella Pamfilova. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a applaudi un résultat « exceptionnel » et une « confirmation » du soutien du peuple russe « à son président ».
Dans la même veine, le dirigeant chinois Xi Jinping a assuré que ce résultat prouvait « le plein soutien des Russes » à M. Poutine, tandis que le président iranien Ebrahim Raïssi y a vu une « solide victoire ». Les dirigeants du Venezuela, du Nicaragua, de Cuba et de Bolivie ont aussi salué la réélection de M. Poutine.
Le Premier ministre indien Narendra Modi a également adressé ses félicitations et appelé à renforcer la relation « spéciale » entre les deux pays.
Berlin, Londres, Paris et le chef de la diplomatie européenne ont de leur côté fustigé un vote sous contrainte, sans opposition et en pleine répression.
– Concert sur la place Rouge –
Le président russe a célébré dès dimanche soir sa victoire en dressant le portrait d’une Russie « consolidée » qui ne se laissera pas « intimider » par l’Occident.
Un concert doit avoir lieu dans la soirée sur la place Rouge pour fêter le maintien au Kremlin de M. Poutine et le 10e anniversaire de l’annexion de la Crimée ukrainienne en 2014, point de départ de l’agression militaire de Moscou contre Kiev qui a culminé avec l’assaut du 24 février 2022.
Des groupes de partisans du président russe étaient déjà présents dans le quartier à la mi-journée, certains arborant des coupe-vents barrés des mots: « Notre fidélité à la patrie nous donne la force. »
S’agissant du front, toute la semaine a été marquée cependant par des bombardements meurtriers et des incursions de combattants armés venus d’Ukraine pour montrer à la Russie qu’elle n’est pas à l’abri sur son territoire.
Dans la région de Belgorod, frontalière de l’Ukraine, ces attaques ont fait au moins 13 morts depuis le 12 mars, selon les autorités locales.
– Score irréel –
Vladimir Poutine a salué dimanche les soldats combattant en Ukraine, qui protègent « les territoires historiques de la Russie », confirmant encore ses ambitions impérialistes, lui qui a déjà revendiqué l’annexion de cinq régions ukrainiennes.
Il a estimé que les forces russes, à l’offensive face à une armée ukrainienne en manque d’hommes et de munitions, avaient « entièrement l’initiative ».
Ces avancées restent encore limitées, mais le dirigeant russe parie sur la poursuite de l’affaiblissement du soutien occidental à Kiev.
En Russie, plus personne ne peut en outre le contredire : les trois autres candidats à la présidentielle étaient tous sur la même ligne que lui, qu’il s’agisse de l’Ukraine ou de la répression qui a culminé avec la mort de l’opposant Alexeï Navalny dans une prison de l’Arctique en février.
L’opposition a réussi néanmoins à se montrer lors de cette présidentielle.
Ioulia Navalnaïa, qui a juré de reprendre le flambeau de son mari Alexeï Navalny, avait appelé ses partisans à aller tous voter au même moment, à midi dimanche.
Elle-même a voté à l’ambassade de Russie à Berlin, disant avoir écrit « Navalny » sur son bulletin.
L’équipe du défunt, qui accuse le Kremlin d’avoir tué l’opposant, a jugé que le score obtenu par M. Poutine n’avait « pas de lien avec la réalité ».
Dimanche soir, le président russe a, pour la première fois, prononcé publiquement le nom de son ancien opposant numéro un, assurant soudainement qu’il avait été favorable à sa libération dans le cadre d’un échange de prisonniers avec les Occidentaux.
– Perdre ses « racines » russes –
Le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, a lui dénigré lundi Mme Navalnaïa, minorant son lien avec la Russie, alors qu’elle a été contrainte à l’exil.
Ioulia Navalnaïa fait « partie de ces gens qui perdent leurs racines, perdent leur lien avec la patrie, perdent leur compréhension de leur patrie, ne sentent plus le pouls de leur pays », a-t-il estimé.
Comme elle, des centaines de milliers de Russes ont fui le pays à cause de la répression ou de peur d’être mobilisés dans l’armée.
A travers le monde, des milliers d’entre eux ont répondu dimanche midi à l’appel à voter en masse ensemble contre M. Poutine.
Par endroits à Moscou comme à Saint-Pétersbourg, des queues importantes se sont formées à l’heure dite. Mais devant d’autres bureaux de vote, l’affluence ne semblait pas particulièrement élevée.