Veena Pulton
Journée Internationale de la femme… Quels que soient vos rêves et vos aspirations, que ce 8 mars 2024 soit pour vous toutes une journée mémorable. Mais que cette date symbolique soit surtout l’occasion de faire le bilan des luttes et des revendications féminines, rendant ainsi hommage au chemin parcouru tout en se rappelant qu’il y a encore du chemin à faire.
Officiellement instaurée par l’ONU (Organisation des Nations Unies) en 1977, la Journée Internationale de la femme du 8 mars puise ses racines dans les mouvements féministes dont les luttes ouvrières au début du XXème siècle en Europe et aux États-Unis durant lesquelles de meilleures conditions de travail, le droit de vote et l’égalité entre les hommes et les femmes sont réclamés.
Mais aussi paradoxal que cela puisse paraître, si les femmes en général aspirent à leur émancipation, refusant de se voir confiner dans une prison psychologique, en revanche, d’autres, privées de liberté pour diverses raisons, se retrouvent enfermées dans le monde clos d’une vraie prison. Selon le Penal Reform International, organisation non gouvernementale qui œuvre à l’échelle mondiale pour promouvoir des systèmes de justice pénale qui respectent les droits de l’homme pour tous, le nombre croissant de femmes emprisonnées dans les centres de détention est préoccupant. La hausse est particulièrement marquée dans des pays d’Amérique latine et d’Asie – dont le Brésil, l’Indonésie et le Cambodge.
Dans l’ensemble, les femmes sont écrouées pour des délits mineurs et non violents, souvent à la suite de discrimination, de privation ou de violence. Issues d’un milieu social défavorisé et marginalisé, elles souffrent de dépendance à l’alcool ou à la drogue et n’ont souvent pas les moyens de s’adjoindre des services de conseils juridiques ou de payer le montant d’une amende. Celles qui sont condamnées pour des infractions liées à la drogue, jouent rarement un rôle central dans le trafic des stupéfiants.
Incarcérée de novembre 2018 à février 2020 à Phansi Yard, une aile de haute sécurité de la prison de Yerawada à Pune en Inde, Sudha Bharadwaj, avocate et militante des droits humains, relate son expérience de la vie carcérale dans son recueil intitulé “From Phansi Yard”. Elle y brosse un portrait vivant de cette mer de misère où le temps passe à un rythme de tortue, où les préjudices des femmes indiennes s’amplifient derrière les barreaux. Les femmes emprisonnées depuis des années sont surtout celles qui se situent au bas du système de castes. Elles sont pour la plupart analphabètes, dépourvues de moyens financiers et incapables de se défendre ni d’accomplir des démarches pour obtenir une libération sous caution.
Mais transformer son expérience d’enfermement carcéral en une leçon de vie où l’espoir est permis, est-ce possible ? Pour Sudha Bharadwaj, la réponse est oui. Dans la peau de la prisonnière de Phansi Yard, elle constate comment l’instinct de survie chez les détenues peut engendrer des sentiments humains malgré les dures réalités de la vie dans une geôle : “Unflinching observer of the harshness of prison life … Bharadwaj’s tribute to the women around her who showed her every single day how to survive injustice, how to remain hopeful… how to continue to live, love, fight and laugh, even behind bars.”
Soutien et empathie, amitié et solidarité qui vont de pair, sont en effet les seules clés de survie dans ce lieu austère et hostile. Étrangères les unes aux autres, malgré leurs différences et leurs différends, les détenues sont réunies par la force des choses, obligées de dormir, manger et travailler côte à côte. Mais entretenir une telle complicité est un art délicat. En effet, il n’y a rien de plus touchant que de voir des femmes applaudir à l’annonce de la libération sous caution d’une prisonnière, de les voir s’embrasser et s’enlacer lorsqu’elles se séparent, de les voir prendre soin d’une personne malade ou enceinte et s’occuper tranquillement des nouvelles arrivantes. Mais quelque fois l’amitié et la solidarité ne sont pas vues d’un bon oeil. Lorsqu’une détenue défend publiquement une autre, l’administration pénitentiaire intervient pour les éradiquer, faisant passer la loyauté comme une infraction pénale.
Sarah Helm, journaliste britannique, par le biais de son ouvrage intitulé “If This is a Woman. Inside Ravensbrück. Hitler’s Concentration Camp for Women”, plonge le lecteur dans une époque marquée par la fulgurante ascension du régime nazi. L’autrice ouvre un chapitre relativement méconnu de l’histoire de la Shoah durant la Seconde Guerre Mondiale. Ravensbrück, situé au nord de Berlin, est le plus grand camp de concentration réservé aux femmes de l’Allemagne nazie dont des résistantes ou des opposantes politiques. Si Auschwitz est la capitale des crimes contre les Juifs pendant le Troisième Reich, Ravensbrück sera la capitale des crimes contre les femmes. Mais les femmes se démarquent par leur nature intrinsèque car, selon l’écrivaine, elles ne subissent pas l’enfer des camps de concentration de la même manière que les hommes. Ce qui caractérise les femmes, c’est leur instinct ou leur stratégie de survie qui se manifeste par une plus grande capacité à vivre ensemble.
Souvent décrite comme la “Simone de Beauvoir du monde arabe”, Nawal El Saadawi (1931-2021), médecin et écrivaine, est convaincue que le féminisme est ancré dans la culture et dans la lutte de toutes les femmes du monde entier. Figure controversée en Égypte, son pays natal, en raison de son franc-parler et de ses propos audacieux jugés tabous, cette fervente militante est arrêtée en 1981 dans le cadre d’une rafle de dissidents. Toutefois, durant sa brève détention, Nawal El Sadawi ne se laissera pas réduire au silence. L’écriture, son arme libératrice, c’est donner la voix aux sans voix. Son livre, “Mémoires de la Prison des femmes”, c’est un voyage introspectif pour mieux se (re)découvrir …
“… peut-être était-ce le bonheur de la découverte de soi, lorsqu’apparaît devant ses yeux un nouveau courage ou une nouvelle confiance en soi dont on n’avait pas conscience auparavant…Malgré sa cruauté, l’expérience de l’incarcération change la vision de la vie des prisonniers. Certains prisonniers politiques sont capables de reconstruire leur identité dévastée à travers l’acte d’écriture, ce qui leur permet de reprendre le contrôle de leur vie après les violations de leurs droits dans l’aveuglante absence de lumière.”
À vous qui faites partie de celles qui persistent et signent dans leur combat, que vous ayez le courage et la force de poursuivre votre continuelle et perpétuelle lutte pour une cause noble !
Happy Women’s day!